Sermon pour le 24me Dimanche du Temps Ordinaire (C) ; (Ex 32.7-14 ; Ps 50 ; 1 Tm 1.12-17 ; Lc 15.1-32)

______________________________

Les textes de la liturgie de ce dimanche célèbrent cette grande révélation, typique de la religion chrétienne, qu’est la paternité de Dieu, paternité qui se confond avec sa miséricorde. Ainsi les Hébreux échappent-ils à la mort où les entraînaient leurs péchés, grâce à la miséricorde de Moïse qui le fit intercéder en leur faveur (Ex 3.27-14). Le psalmiste demande le pardon de ses péchés au nom de la miséricorde divine : « Dans Ta grande miséricorde, efface mes péchés. (Ps 50.3) » Saint Paul confesse : « Autrefois [je] ne savais que blasphémer, persécuter, insulter. Mais le Christ m’a pardonné ! Et Il m’a fait confiance au point même de me confier le ministère. (1 Tm 1.12-13) » Et nous venons d’entendre dans l’Évangile que la conversion implique de confesser ses péchés. Or, reconnaître ses péchés détruit tellement l’amour propre que cela est impossible, à moins de croire en l’amour inconditionnel de Dieu si bien décrit par le père de la parabole. Seule l’expérience d’un amour plus grand que nos péchés permet de les regarder en face. Cet amour s’appelle la Miséricorde et vient du Cœur du Père. Si peu se sauvent, tant la vue de nos péchés est affreuse, c’est bien en ajoutant à la liste de ses péchés, celui de mépriser la Miséricorde divine …

Le péché originel, illustré par celui du fils prodigue, actualisé par le monde « moderne », veut une liberté absolue, sans lien avec le don originaire du Père qui précède pourtant toute réalité, et donc fonde, justifie et oriente l’existence. Le pire demande un monde sans pères, pour qu’il soit sans repère, où chacun soit tout le monde, c’est-à-dire personne, comme le promeut la légalisation des pseudo-mariages homosexuels, et désormais de la transidentité. C’est qu’en effet le rôle du père est fondamental dans la construction de l’enfant et de sa liberté. En empêchant la relation fusionnelle de l’enfant avec sa mère, le père offre à l’enfant de prendre conscience de soi et du monde. Ce n’est pas pour rien que le vrai Dieu est Trinité : seule la relation trine : père, mère, enfant, permet à chacun d’exister. Le père encourage le fils à le dépasser dans l’amour de la mère, et donc à se dépasser lui-même, et en se dépassant, à se construire. A sa fille, le père fait découvrir le rôle complémentaire de la mère, celui de femme. C’est pourquoi lorsque le père est absent ou lorsque son image est pervertie, cela ne peut qu’avoir de graves conséquences pour le processus d’identification : l’enfant éprouve alors un sentiment d’insécurité, qu’il cherche à compenser par une relation de dépendance vis-à-vis de la mère. Et chez la fille cela favorise des tendances homosexuelles, par identification à une mère forte, ou au contraire provoque la recherche incessante de l’homme idéal, toujours impuissant à satisfaire un besoin absolu de sécurité. Les altérations de l’image paternelle entraînent nécessairement chez l’enfant des difficultés d’identification : qui suis-je ? D’où est-ce que je viens ? Alors apparaissent inhibition, instabilité, tendance à douter de soi, à se dévaloriser, dépression, accablement, troubles caractériels, agressivité, homosexualité, transidentité. Ce n’est pas sans raison que 75 % des délinquants juvéniles proviennent de familles dont les parents sont séparés, et dont la garde est confiée dans 80 % des cas à la mère …

Avez-vous remarqué que si l’on est prompt à invoquer de notre devise la liberté et l’égalité, il en va autrement pour la fraternité ? Pourquoi ? sinon parce que la fraternité implique la reconnaissance de Dieu Père, et que notre société imite le fils prodigue. Comme si le Père ne voulait pas le bonheur de ses enfants ! Lui qui donne tout, à commencer par la vie, et va jusqu’à nous donner Son Fils ! Comment en nous donnant Son Fils ne nous donnerait-Il pas tout (Rm 8.32) ? ! Avons-nous réalisé que nous pouvons tout demander à Dieu lorsqu’à la Messe nous venons recevoir Son Fils ? Si Dieu Se donne à nous, que pourrait-Il nous refuser ? « Tout ce qui est à Moi est à toi (Lc 15.31) » dit Dieu, « mais M’aimes-tu ? »

« Tout ce qui est à moi est à toi, m’aimes-tu ? », c’est aussi ce que se sont dit hier Xavier et Clotilde lorsqu’ils ont célébré leur sacrement de mariage par lequel ils ont reconnu que leur amour vient de Dieu et doit les y conduire, avec la grâce du Christ qu’ils ont ainsi demandée et reçue. Le refus d’aimer Celui à qui nous devons tout change tous les biens reçus en malheurs : au lieu de l’abondance : le dénuement ; au lieu de la liberté : la dépendance humiliante ; au lieu de l’amour : la solitude, etc. Toutes les revendications et pathologiesliées à l’identité ne peuvent s’expliquer que par le refus de vivre en communion avec Dieu, qui est Père, Fils et Saint-Esprit, Trinité, Famille. Que pourra être la nouvelle humanité concoctée par les Frères trois points, sinon une humanité sans identité, déshumanisée ? Un enfant sans filiation, sera-t-il autre chose qu’un produit de la société de consommation ? Que voudra dire pour lui que Dieu est Père s’il a deux mères, ou plus ? Refuser la communion avec Dieu notre Père, loin de procurer quelque bien, ne peut que nous précipiter plus bas que la condition de créatures aussi immondes que l’étaient les porcs pour les Juifs, ne donnant pas même droit à leur nourriture (Lc 15.16) !

Du fond de sa misère, le fils prodigue prend conscience de sa dignité de fils : « Chez mon père (Lc 15.17) », se dit-il … Voilà ce qui va le sauver : se reconnaître fils. La miséricorde est la révélation du don qui nous précède toujours, quelque indigne que nous soyons devenus. Jésus dit ainsi à Sr Josepha Ménendez : « Je suis Dieu, mais Dieu d’Amour ! Je suis Père, mais un Père qui aime avec tendresse et non avec sévérité. Mon Cœur est infiniment saint, infiniment sage et, connaissant la misère et la fragilité humaines, Il S’incline vers les pauvres pécheurs avec une miséricorde infinie. J’aime les âmes après qu’elles ont commis leur premier péché, si elles viennent Me demander humblement pardon. Je les aime encore, quand elles ont pleuré leur second péché et, si cela se répète, Je ne dis pas un milliard de fois, mais des millions de milliards, Je les aime et leur pardonne toujours, et Je lave, dans le même Sang, le dernier comme le premier péché ! Je ne Me lasse pas des âmes et mon Cœur attend sans cesse qu’elles viennent se réfugier en Lui, et cela d’autant plus qu’elles sont plus misérables ! Un père n’a-t-il pas plus de soin de l’enfant malade que de ceux qui se portent bien ? Pour lui, sa sollicitude et ses délicatesses ne sont-elles pas plus grandes ? Ainsi, mon Cœur répand-Il sur les pécheurs, avec plus de largesse encore que sur les justes, Sa compassion et Sa tendresse. (11.06.1923) » Parce que la miséricorde est retour à la maison du Père, où jaillit la vie à profusion, elle est une fête continuelle ! Quand tout est reconnu comme don, immérité, alors on est toujours à la fête ! La condition pour vivre de cette vie éternellement bienheureuse, c’est de reconnaître notre totale indigence, notre totale dépendance à l’égard de l’amour de Dieu. La fête que le père ordonne n’aura jamais de fin, car le fils prodigue fonde désormais sa vie sur l’amour du Père, et il est devenu assez pauvre pour ne rien posséder d’autre que cet amour, qui seul suffit et donne tout !

Oh, profitons de la Miséricorde divine tant qu’il est encore temps ! Recevons régulièrement le sacrement du Pardon. Jésus est venu en Sauveur miséricordieux, mais Il doit revenir en juste Juge. Oh, comme ce jour est redoutable ! Si les pécheurs connaissaient le Cœur du Père, ils n’iraient pas si nombreux en Enfer ! Notre temps est celui de la Miséricorde, celui de la grande Pitié de Dieu, avant que ne vienne le Jour de Sa Colère ! Unissons-nous maintenant au Sacrifice de Jésus pour implorer par Lui, avec Lui et en Lui, la conversion des pauvres pécheurs, notre propre conversion. Ainsi soit-il !