sIl y a quelques temps, à l’occasion de la sortie du film Des hommes et des dieux, l’abbé Christian Salenson, directeur de l’Institut de sciences et de théologie des religions de Marseille a publié un article intitulé « Fécondité spirituelle et théologique de Tibhirine [1] ».

L’abbé Salenson, rapportant la pensée du Père Christian de Chergé, affirme commetumblr_inline_mxv959Jedq1s2exnx 
une évidence que « l’islam est une voie susceptible d’accompagner des hommes et des femmes sur le chemin vers Dieu [2] », mais, ce faisant, que fait-il d’autre sinon renier la foi chrétienne pour qui nul ne va au Père que par Jésus [3] ? Comment l’islam pourrait-il être « une voie susceptible d’accompagner […] vers Dieu » puisque l’islam venant après le Christ ne peut que détourner du Christ, n’être de ce fait qu’un antichrist [4] ? Notre auteur ne sait-il pas que l’islam met toute sa gloire à rejeter les dogmes de la foi chrétienne (la Trinité, la divinité, la mort et la résurrection de Jésus, la Rédemption…), et il serait une voie vers Dieu ? Y-aurait-il donc plusieurs voies pour aller à Dieu en dépit de ce que Jésus a affirmé ? Que veut dire encore être chrétien pour un tel prêtre ?

Pour justifier son propos, le père Salenson avance l’autorité du concile Vatican II, pour lui fait dire de l’islam… ce que celui-ci dit des musulmans ! Le concile, en effet, n’utilise jamais le mot « islam », mais se contente d’exprimer son estime au sujet des « musulmans »  [5]. Les notions de « personne » (ici : les musulmans) et de « croyance » (ici : l’islam) ne sont tout de même pas synonymes ! Voilà un amalgame royal de l’islamisation inoculé par la plume d’une autorité comme celle du père Salenson. Cette confusion ne peut être une erreur, tant les définitions des termes en question sont simples et bien connues. Voici l’extrait cité de la constitution dogmatique Lumen Gentium :

« Le dessein de salut enveloppe également ceux qui reconnaissent le Créateur, en tout premier lieu les musulmans qui professent avoir la foi d’Abraham, adorent avec nous le Dieu unique, miséricordieux, futur juge des hommes au dernier jour [6]. »

Comme on le voit, ce texte ne parle pas de l’islam, mais des musulmans. Et ce qu’il dit d’eux ne l’est qu’en fonction de ce qu’ils « professent avoir la foi d’Abraham ». Or, une chose est de professer avoir la foi d’Abraham, et autre chose est de l’avoir… Il ne suffit pas en effet de savoir que Dieu existe et dire « Il est notre Dieu » pour connaître Dieu et faire Sa volonté [9]. Les Juifs qui disaient la même chose et refusaient d’adorer Jésus se sont vus par Lui traités de « fils du Diable »[10]… En irait-il différemment aujourd’hui pour les musulmans qui refusent pareillement de reconnaître en Lui Dieu incarné ? Si donc « l’Église regarde aussi avec estime les musulmans, qui adorent le Dieu un, vivant et subsistant, miséricordieux et tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, qui a parlé aux hommes [7] », elle ne le fait que dans l’imitation de Jésus disant aux hérétiques : « Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons [8]. »

Comment s’étonner que notre auteur, avec tant d’autres tranquilles apostats de la foi chrétienne, ne sache pas dire « quelle est précisément la place de l’islam dans le dessein de Dieu [11] », sinon parce qu’il ne veut pas le savoir ? Notre Seigneur ne nous a-t-Il pas annoncé la venue de l’islam dans la parabole de l’ivraie [12], et en Jn 16.2 [13] ? Saint Jean et saint Paul ne nous donnent-ils pas de quoi reconnaître ce qu’est l’islam [14] ? Mais pour le reconnaître, encore faut-il avoir la Foi… Et il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir… Malheureusement ce sont de tels aveugles qui guident aujourd’hui d’autres aveugles [15].

Quelle abomination d’oser écrire avec le Père Christian de Chergé :

« Dans le sein du Père [16], les musulmans restent “ses enfants de l’islam”. Ils sont fils du Père non pas en dépit de leur appartenance religieuse mais en étant croyants de l’islam [17]. »

On se demande bien pourquoi il faudrait encore évangéliser les musulmans ! Et pourquoi le rituel de baptême comprend l’acte de « renonciation »… baptême sans lequel personne ne peut être sauvé [18], et que refusent les musulmans ! Mais qui encore dans l’Eglise demande d’évangéliser les musulmans ?

Si le Christianisme et l’Islam sont les montants d’une même échelle, comme osent l’écrire le Père de Chergé et son apologiste [19], alors le Christianisme n’a rien d’unique et d’incomparable, et il n’est pas non plus « l’unique vraie religion [20] »… On comprend alors que l’abbé Salenson ait « une réelle difficulté » à fabriquer pareille échelle, puisqu’elle contredit « la foi chrétienne telle qu’elle a été formulée dans la tradition de l’Église depuis tant de siècles [21] ». Mais cette difficulté ne le dissuade pas pour autant de continuer son entreprise, tant certainement est-elle agréable au monde, ennemi du Christ, qui, pour le père Salenson, « ne se laisse pas réduire à la seule incarnation historique en Jésus de Nazareth [22] » ! Imagine-t-il plusieurs incarnations du Christ, une en Bouddha, et une autre en Mahomet par exemple ? Cette dernière affirmation a beau puer à plein nez la vieille hérésie gnostique et avoir été condamnée par la Déclaration Dominus Iesus de la Congrégation pour la doctrine de la Foi [23], cela n’empêche pas le directeur de l’Institut de sciences et de théologie des religions de Marseille de continuer à enseigner et prêcher la bonne parole sous l’œil vigilant de la hiérarchie de l’Église… Citer Jn 1.9, « [le Christ] éclaire tout homme venant en ce monde [24] », pour laisser croire que le salut du Christ s’appliquerait automatiquement et nécessairement à tous les hommes, est une imposture caractéristique du New Age.

« Pour les chrétiens, le vrai Christ cosmique est celui qui est activement présent dans les différents membres de Son corps qu’est l’Église [25]. »

Pour le Père de Chergé « le Christ est le seul musulman [26] » ! Comme si l’on avait besoin de l’islam pour dire ce qu’est le Christ ! Comme si la révélation chrétienne avait été en attente de la révélation mahométane pour atteindre à sa perfection ! Non, l’islam n’a pas « quelque chose à nous dire de l’obéissance primordiale » qui fait que le Christ « n’a été que “Oui [27]” ». Si l’obéissance chrétienne peut conduire au-delà de la raison, elle ne va cependant jamais contre la raison, laquelle est nécessairement impliquée dans son dialogue avec Dieu [28], alors que l’obéissance à Allah ne s’inscrit pas dans un dialogue avec Dieu, mais implique le renoncement à l’usage de la raison au point d’accepter d’aller contre elle, elle n’est qu’aveugle soumission.

Comment comprendre un tel propos :

« Son expérience [celle du Père de Chergé] de l’Église s’enracine dans l’événement fondateur de la mort de Mohammed qui lui permet de dire que dans “la communion des saints, chrétiens et musulmans partagent la même joie filiale [29]”. »

De quoi la mort de Mohammed est-elle fondatrice (même du seul point de vue musulman) ? Et comment et pourquoi l’expérience de l’Église s’y enracinerait-elle ? N’est-ce pas dans l’événement fondateur de la mort et de la résurrection de Jésus que s’enracine l’expérience de l’Église ?! Comment les musulmans pourraient-ils – en tant que musulmans – partager la même joie filiale que les chrétiens puisque pour eux puisque pour eux Dieu n’est pas Père et Jésus n’est pas Son Fils unique, et qu’ils refusent de devenir « participants de la divine nature [30] » ?

Conformément à l’un des objectifs de la Société théosophique et du New Age, qui est de « former le noyau de la Fraternité universelle de l’humanité, sans distinction de race, religion, caste ou couleur [31] », notre auteur promeut la « communauté que rassemble [10] l’Éternel », sans rapport avec « celles [de] nos temples faits de mains d’hommes » (entendez notamment : l’Église), lesquelles communautés peinent « à regrouper vaille que vaille, juifs, chrétiens ou musulmans », et donc à « faire sauter les pauvres frontières de nos exclusives rapides et de nos intransigeances [32] ». L’intransigeance de Jésus – « Qui n’est pas avec Moi est contre Moi [33] » – relève certainement du sectarisme du christianisme traditionnel !

L’abbé Salenson n’hésite pas à détourner au profit de l’enseignement de l’Apostasie celui de Jean-Paul II – « Les différences sont un élément moins important par rapport à l’unité qui, au contraire, est radicale, fondamentale et déterminante [34] » –, faisant croire ainsi que les différences dont parle le Pape seraient celles des différentes religions, alors que le pape parle ici des différences d’ordre naturel entre les hommes (« la couleur de [la] peau, l’horizon historique et géographique […], la culture [35] »), lesquelles ne sauraient effectivement invalider le dessein divin attaché à la création de tout homme, et qui est la participation à la vie divine… farouchement niée par l’islam ! Comment qualifier une telle malhonnêteté intellectuelle, et qui plus est de la part d’un prêtre de Jésus-Christ ? Mais cela n’a pas d’importance ; il peut être édité par La Documentation catholique et continuer à jouir de la confiance des autorités de l’Église.

La prétendue « incapacité de rejeter a priori cette tradition religieuse [36] » qu’est l’islam, qu’est-elle d’autre sinon le refus d’accueillir en Jésus l’accomplissement parfait et définitif de la Révélation divine ? Quel chrétien peut croire que Dieu a envoyé Mahomet fonder l’islam, et donc renier l’Évangile et l’Église ? Si Dieu a envoyé l’islam, ne faut-il pas devenir musulman ? C’est ce à quoi finalement et logiquement nous conduisent des pasteurs de la trempe de l’abbé Salenson. Au lieu d’affermir la foi des chrétiens pour qu’ils sachent se confronter à l’islam, résister à leur islamisation programmée, et évangéliser les musulmans, de tels idiots utiles s’ingénient à leur rendre l’islam acceptable.

Quel rapport entre les enseignements de l’abbé Salenson pour qui « le chrétien peut considérer qu’il est en communion avec tous les croyants qui prient à travers le monde [37] », celui du Père de Chergé dans le monastère duquel se trouvait une mosquée, et celui des Apôtres ?

« Ne formez pas d’attelage disparate avec des infidèles. Quel rapport entre la justice et l’impiété ? Quelle union entre la lumière et les ténèbres ? Quelle entente entre le Christ et Béliar ? Quelle association entre le fidèle et l’infidèle [38] ? »

« Beaucoup de séducteurs se sont répandus dans le monde, qui ne confessent pas Jésus Christ venu dans la chair. Voilà bien le Séducteur, l’Antichrist. […] Si quelqu’un vient à vous sans apporter cette doctrine, ne le recevez pas chez vous et abstenez-vous de le saluer. Celui qui le salue participe à ses œuvres mauvaises [39]. »

« Les uns, ceux qui hésitent, cherchez à les convaincre ; les autres, sauvez-les en les arrachant au feu ; les autres enfin, portez-leur une pitié craintive, en haïssant jusqu’à la tunique contaminée par leur chair. [44]. »

Quel évêque oserait écrire cela aujourd’hui ? Mais comment alors être un successeur des Apôtres digne de ce nom ? Est-on encore capable d’annoncer Jésus comme le seul Sauveur [40] ?

Il serait trop long de continuer à signaler les contradictions, erreurs et trahisons de ce discours islamophile dont le Père de Chergé a été un fervent promoteur, lui qui ne rougissait pas d’écrire que « Dieu […] sanctifie par la voie de l’islam [41] »… Certes, le Père de Chergé est allé volontairement au devant de la mort, mais n’aurait-il pas dû avoir l’humilité et la prudence d’écouter les avis et recommandations des autorités publiques lui demandant de s’exiler avec sa communauté ? En tous cas, son statut de « martyr » est-il suffisant pour justifier sa théologie ? Suffit-il de se laisser assassiner pour être un saint ? Saint Paul ne nous a-t-il pas mis en garde contre cette fausse charité : « Quand je livrerais mon corps aux flammes, si je n’ai pas la charité, cela ne me sert de rien [42]. » La première charité n’est-elle pas le témoignage rendu à la Vérité [43]?

Ancre1. La Documentation catholique, n. 2454, 17 octobre 2010, pp. 904-911.

Ancre2. Ibid., p. 905.

Ancre3. Cf. Jn 14 6.

Ancre4. Cf. Mt 24 4, 11, 24 ; Ga 1 8 ; 1 Jn 2 22-23, 4 2-3.

Ancre5. On peut certes s’interroger et regretter le manque de clarté des textes conciliaires, source de confusions funestes, comme l’illustre pour sa part le propos que nous présentons.

Ancre6. Concile œcuménique Vatican II, Constitution dogmatique Lumen Gentium, n. 16.

Ancre7. Id., Déclaration De Ecclesiæ habitudine ad religiones non-christianas, n. 3.

Ancre8. Jn 4 22.

Ancre9. Cf. Jn 8 54-55 ;Mt 7.21; Jc 2.19.

Ancre10. Cf. Jn 8 44.

Ancre11. Salenson (Christian), ibid.

Ancre12. Cf. Mt 13 24-30, 36-43.

Ancre13. Cf. sourates 4 74, 101 ; 5 33 ; 8 12 ; 9 14, 30, 39, 44, 123 ; 60 4 ; etc.

Ancre14. Cf. 1 Jn 2 22-23, 4 2-3 ; Ga 1 8.

Ancre15. Cf. Lc 6 39.

Ancre16. C’est-à-dire au Paradis, sauf que pour les Musulmans, Allah n’est pas Père…

Ancre17. Salenson (Christian), ibid.

Ancre18. Cf. Mc 16 16 ; Jn 3 5.

Ancre19. Cf. Salenson (Christian), ibid., p. 906.

Ancre20. Concile œcuménique Vatican II, Déclaration De libertate religiosa, n. 1.

Ancre21. Salenson (Christian), ibid.

Ancre22. Ibid., p. 307.

Ancre23. Cf. Congrégation pour la doctrine de la Foi, Déclaration Dominus Iesus, 6 août 2000, n. 4 (La Documentation catholique, n. 2233, 1er octobre 2000, p. 813).

Ancre24. Salenson (Christian), ibid.

Ancre25. Conseil pontifical de la CultureConseil pontifical pour le Dialogue interreligieux, Document Jésus-Christ le porteur d’eau vive. Une réflexion chrétienne sur le « Nouvel Âge », 2003, n. 3.3 (La Documentation catholique, n. 2288, 16 mars 2003, p. 292).

Ancre26. Salenson (Christian), ibid., p. 907.

Ancre27. Ibid.

Ancre28. Cf. Mt 26 39 ; Lc 1 34.

Ancre29. Salenson (Christian), ibid.

Ancre30. 2 P 1 4.

Ancre31. Conseil pontifical de la CultureConseil pontifical pour le Dialogue interreligieuxibid., n. 2.3.2 (op. cit., p. 282).

Ancre32. Salenson (Christian), ibid.

Ancre33. Mt 12 30.

Ancre34. B. Jean-Paul II, Discours aux cardinaux et à la Curie, 22 décembre 1986, n. 3 (La Documentation catholique, n. 1933, 1er février 1987, p. 133) ; cité in : Salenson (Christian), ibid., p. 908.

Ancre35. B. Jean-Paul IIibid.

Ancre36. Salenson (Christian), ibid., p. 905.

Ancre37. Ibid., p. 910.

Ancre38. 2 Co 6 14-15.

Ancre39. 2 Jn 7, 10-11.

Ancre40. Cf. Ac 4 12.

Ancre41. Chergé (Christian, de)L’Invincible espérance. Textes recueillis et présentés par Bruno Chenu, Paris, Bayard/Centurion, 1997, p. 187.

Ancre42. 1 Co 13 3.

Ancre43. Cf. Jn 18 37 ; 1 Co 13 6.

44. Jude 1 22-23.