Petit florilège des déclarations des souverains pontifes au sujet de la Franc-maçonnerie

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Ecclesiam a Jesu Christo, Pie VII (pape de 1800 à 1823) : Personne n’ignore quel nombre prodigieux d’hommes coupables se sont ligués dans ces temps si difficiles contre le Seigneur et contre le Christ, et ont mis tout en oeuvre pour tromper les fidèles par les subtilités d’une fausse et vaine philosophie, et pour les arracher du sein de l’Église, dans la folle espérance de ruiner et de renverser cette même Église. Pour atteindre plus facilement ce but, la plupart d’entre eux ont formé des sociétés occultes, des sectes clandestines, se flattant par ce moyen d’en associer plus librement un plus grand nombre à leurs complots et à leurs desseins pervers. Il y a longtemps que ce Saint Siège, ayant découvert ces sectes, s’éleva contre elles avec force et courage, et mit au grand jour les ténébreux desseins qu’elles formaient contre la religion et contre la société civile.

Quo graviora, Léon XII (pape de 1823 à 1829) : Clément XII, Notre prédécesseur, ayant vu que la secte dite des francs-maçons, ou appelée d’un autre nom, acquérait chaque jour une nouvelle force, et ayant appris avec certitude, par de nombreuses preuves, que cette secte était non seulement suspecte mais ouvertement ennemie de l’Église catholique, la condamna par une excellente constitution qui commence par ces mots : In eminenti.

Mirari Vos, Grégoire XVI (pape de 1831 à 1846) : Abîme de malheurs sans fonds, qu’ont surtout creusé ces sociétés conspiratrices dans lesquelles les hérésies et les sectes ont, pour ainsi dire, vomi comme dans une espèce de sentine, tout ce qu’il y a dans leur sein de licence, de sacrilège et de blasphème.

Multiplices inter, Pie IX (pape de 1846 à 1878) : Parmi les nombreuses machinations et les moyens par lesquels les ennemis du nom chrétien ont osé s’attaquer à l’Église de Dieu et ont essayé, quoiqu’en vain, de l’abattre et de la détruire, il faut sans doute compter cette société perverse d’hommes, vulgairement appelée “maçonnique”, qui, contenue d’abord dans les ténèbres et l’obscurité, a fini par se faire jour ensuite, pour la ruine commune de la religion et de la Société humaine. Dès que Nos prédécesseurs les Pontifes Romains, fidèles à leur office pastoral, eurent découvert ses embûches et ses fraudes, ils ont jugé qu’il n’y avait pas un moment à perdre pour réprimer par leur autorité, frapper de condamnation et exterminer comme d’un glaive cette secte respirant le crime et s’attaquant aux choses saintes comme aux choses publiques.

Humanum genus, Léon XIII (pape de 1878 à 1903) : Le but fondamental et l’esprit de la secte maçonnique avaient été mis en pleine lumière par la manifestation évidente de ses agissements, la connaissance de ses principes, l’exposition de ses règles, de ses rites et de leurs commentaires auxquels, plus d’une fois, s’étaient ajoutés les témoignages de ses propres adeptes. En présence de ces faits, il était tout simple que ce Siège apostolique dénonçât publiquement la secte des francs-maçons comme une association criminelle, non moins pernicieuse aux intérêts du christianisme qu’à ceux de la société civile. Il édicta donc contre elle les peines les plus graves dont l’Église a coutume de frapper les coupables et interdit de s’y affilier.

Vehementer nos, Pie X (pape de 1903 à 1914) :Vous savez le but que se sont assigné les sectes impies qui courbent vos têtes sous leur joug, car elles l’ont elles-mêmes proclamé avec une cynique audace : “Décatholiciser la France”.

Certains se sont demandés si la pensée de l’Eglise sur la franc-maçonnerie avait changé parce qu’il n’en est pas fait mention expresse dans le nouveau Code de Droit Canon comme c’était le cas dans l’ancien Code.

La Sacrée Congrégation est en mesure de répondre que cet état de fait est dû à un critère utilisé pour la rédaction et qui a été observé également pour d’autres associations, passées de la même façon sous silence, dans la mesure où elles étaient comprises dans des catégories plus larges.

Le jugement négatif de l’Eglise sur la franc-maçonnerie demeure dont inchangé parce que ses principes ont toujours été considérés comme incompatibles avec la doctrine de l’Eglise ; c’est pourquoi il reste interdit par l’Eglise de s’y inscrire. Les catholiques qui font partie de la franc-maçonnerie sont en état de péché grave et ne peuvent s’approcher de la Sainte Communion.

Les autorités ecclésiastiques locales n’ont pas la faculté d’émettre sur la nature des associations de la franc-maçonnerie un jugement qui entraînerait une dérogation à ce qui est mentionné ci-dessus, conformément à l’esprit de la Déclaration du 17 février 1981 de cette même Sacrée Congrégation.

Le Souverain Pontife Jean-Paul II, au cours de l’audience accordée au sous-signé le Cardinal Préfet, a approuvé la présente déclaration adoptée au cours de la réunion ordinaire de cette Sacrée Congrégation et en a ordonné la publication.

Donné à Rome, au Siège de la Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la Foi, le 26 novembre 1983.

Joseph Cardinal Ratzinger, Préfet Fr. Jérôme Hamer, o.p., Archevêque titulaire de Lorium, Secrétaire.

(source : LOsservatore Romano. Traduction : La documentation catholique, 5 mai 1985)

Le 26 novembre 1983, la Congrégation pour la Doctrine de la foi publiait une déclaration sur les associations maçonniques. Un peu plus d’un an après sa publication, il peut être utile d’éclaircir brièvement la signification de ce document.

Depuis que l’Église a commencé à se prononcer à l’égard de la franc-maçonnerie, son jugement négatif s’est inspiré de multiples raisons, pratiques et doctrinales. Elle a jugé que la franc-maçonnerie était non seulement responsable d’exercer une activité subversive à son égard mais, depuis les premiers documents pontificaux en la matière et en particulier dans l’encyclique Humanum genus de Léon XIII (20 avril 1884), le magistère de l’Église a dénoncé dans la franc-maçonnerie des idées philosophiques et des conceptions morales opposées à la doctrine catholique. Pour Léon XIII, elles se ramenaient essentiellement à un naturalisme rationaliste, inspirateur de ses plans et de ses activités contre l’Église.

Dans sa lettre au peuple italien Custodi (8 décembre 1892), il écrivait :« Rappelons-nous que le christianisme et la franc-maçonnerie sont essentiellement inconciliables, de sorte que s’inscrire à l’une signifie se séparer de l’autre ». On ne pouvait cependant négliger de prendre en considération les positions de la franc-maçonnerie, du point de vue doctrinal, quand, dans les années 1970-1980, la S. Congrégation était en correspondance avec quelques Conférences épiscopales particulièrement intéressées par ce problème, en raison du dialogue que des personnalités catholiques avaient entrepris avec des représentants de quelques loges qui se déclaraient non hostiles et même favorables à l’Église. Désormais, une étude très approfondie a conduit la S. Congrégation pour la Doctrine de la foi (SCDF) à confirmer sa conviction de l’incompatibilité fondamentale entre les principes de la franc-maçonnerie et ceux de la foi chrétienne. Faisant donc abstraction de la considération de l’attitude pratique des diverses loges, de leur hostilité ou non à l’égard de l’Église, la SCDF, par sa déclaration du 26 novembre 1983, a voulu se placer au niveau le plus profond et par ailleurs essentiel du problème : c’est-à-dire sur le plan de l’incompatibilité des principes, ce qui veut dire sur le plan de la foi et de ses exigences morales. De ce point de vue doctrinal, en continuité du reste avec la position traditionnelle de l’Église, comme en témoignent les documents de Léon XIII cités ci-dessus, il découle de nécessaires conséquences pratiques qui sont valables pour tous les fidèles qui seraient éventuellement inscrits à la franc-maçonnerie.

Cependant, à propos de l’affirmation de l’incompatibilité des principes, on objecte maintenant ici ou là que la franc-maçonnerie retiendrait comme essentiel le fait, précisément, de n’imposer aucun « principe », dans le sens d’une position philosophique ou religieuse qui lierait tous ses adhérents, mais viserait plutôt à rassembler, au-delà des frontières des diverses religions et visions du monde, des hommes de bonne volonté, sur la base de valeurs humanistes compréhensibles et acceptables par tous. La franc-maçonnerie constituerait un élément de cohésion pour tous ceux qui croient en l’Architecte de l’univers et qui se sentent engagés à l’égard de ces orientations morales fondamentales qui sont définies, par exemple, dans le Décalogue; elle n’éloignerait personne de sa religion mais constituerait au contraire une incitation à y adhérer davantage.

On ne peut discuter ici les multiples problèmes .historiques et philosophiques qui se cachent sous de telles affirmations. Que l’Église catholique, elle aussi, pousse dans le sens d’une collaboration de tous les hommes de bonne volonté, il n’est pas nécessaire, certainement, de le souligner après le Concile Vatican II. Le fait d’adhérer à la franc-maçonnerie va toutefois et sans aucun doute au-delà de cette légitime collaboration et a une signification bien plus considérable et déterminante.

Avant tout, il faut rappeler que la communauté des« maçons libres »et ses obligations morales se présentent comme un système progressif de symboles qui engage profondément. La discipline rigoureuse de l’arcane qui y domine renforce encore le poids de l’interaction des signes et des idées. Par-dessus tout, le climat de secret comporte pour les inscrits le risque de devenir des instruments de stratégies qu’ils ignorent. Même si l’on affirme que le relativisme n’est pas pris comme un dogme, on propose cependant en fait une conception symbolique relativiste ; aussi le caractère relativisant d’une telle communauté morale et rituelle, loin de pouvoir être éliminé, se révèle au contraire déterminant. Dans un tel contexte, les diverses communautés religieuses auxquelles appartiennent les membres des loges ne peuvent être considérées que comme de simples institutionnalisations d’une vérité plus large et insaisissable. La valeur de cette institutionnalisation apparaît donc inévitablement relative par rapport à cette vérité plus large qui, par contre, se manifeste plutôt dans la communauté de la bonne volonté, c’est-à-dire dans la fraternité maçonnique. Pour un chrétien catholique, toutefois, il n’est pas possible de vivre sa relation avec Dieu selon une double modalité, c’est-à-dire en la scindant en une forme humanitaire supraconfessionnelle et une forme intérieure chrétienne. Il ne peut entretenir deux sortes de relations avec Dieu, ni exprimer son rapport au Créateur à travers des formes symboliques de deux sortes. Cela serait quelque chose de tout à fait différent de cette collaboration, qui pour lui est évidente, avec tous ceux qui sont engagés dans l’accomplissement du bien, même si c’est à partir de principes différents. Par ailleurs, un chrétien catholique ne peut pas, en même temps, participer à la pleine communion de la fraternité chrétienne et, d’autre part, regarder son frère chrétien, à partir de la perspective maçonnique, comme un« profane ». Même dans le cas où, comme on l’a dit, il n’y aurait pas d’obligation explicite de professer le relativisme comme doctrine, la force relativisante d’une telle fraternité, par sa logique intrinsèque même, a toutefois en elle-même la capacité de transformer la structure de l’acte de foi de manière si radicale qu’elle ne peut être acceptée par un chrétien« qui se soucie de sa foi » (Léon XIII).

Ce bouleversement dans la structure fondamentale de l’acte de foi s’accomplit de plus, le plus souvent, doucement et sans être perçu : la ferme adhésion à la vérité de Dieu révélée dans l’Église devient une simple appartenance à une institution considérée comme une forme particulière d’expression, à côté d’autres formes d’expression, plus ou moins également possibles et valables par ailleurs, de l’orientation de l’homme vers ce qui est éternel. La tentation d’aller dans cette direction est d’autant plus forte qu’elle correspond pleinement à certaines convictions qui prévalent dans la mentalité contemporaine. L’opinion que la vérité ne peut être connue est une caractéristique typique de notre époque et, en même temps, un élément essentiel de la crise générale qui l’affecte.

En considérant précisément tous ces éléments, la déclaration de la S. Congrégation, affirme que l’inscription aux associations maçonniques« demeure interdite par l’Église »et que les fidèles qui s’y inscrivent« sont en état de péché grave et ne peuvent pas accéder à la sainte communion ». Par cette dernière expression, la S. Congrégation indique aux fidèles qu’une telle inscription constitue objectivement un péché grave et, en précisant que ceux qui adhèrent à une association maçonnique ne peuvent pas accéder à la sainte communion, elle veut éclairer la conscience des fidèles sur une conséquence grave qu’ils doivent tirer de leur adhésion à une loge maçonnique. La S. Congrégation déclare enfin qu’il« n’appartient pas aux autorités ecclésiastiques locales de se prononcer sur la nature des associations maçonniques par un jugement qui impliquerait une dérogation à ce qui a été établi ci-dessus ». À ce propos, le texte se réfère aussi à la déclaration du 17 février 1981, qui réservait déjà au Siège apostolique tout jugement sur la nature de ces associations qui aurait impliqué des dérogations à la loi canonique alors en vigueur (canon 2335). De la même manière, le nouveau document publié par la SCDF, en novembre 1983, exprime des intentions identiques de réserve en ce qui concerne des jugements qui seraient divergents de celui formulé quant à l’incompatibilité des principes de la franc-maçonnerie avec la foi catholique, quant à la gravité de l’acte de s’inscrire à une loge et la conséquence qui en découle pour l’accès à la sainte communion. Cette disposition indique que, malgré la diversité qui peut subsister entre obédiences maçonniques, en particulier quant à leur attitude déclarée à l’égard de l’Église, le Siège apostolique trouve chez elles des principes communs qui demandent une même évaluation de la part de toutes les autorités ecclésiastiques.

En faisant cette déclaration, la SCDF n’a pas voulu méconnaître les efforts accomplis par ceux qui, avec l’autorisation requise de la part de ce dicastère, ont cherché à établir un dialogue avec des représentants de la franc-maçonnerie. Mais, du moment qu’existait la possibilité que se diffuse chez les fidèles l’opinion erronée que désormais l’adhésion à une loge maçonnique était permise, elle a pensé qu’il était de son devoir de leur faire connaître la pensée authentique de l’Église à ce propos et de les mettre en garde à l’égard d’une appartenance incompatible avec la foi catholique.

Seul Jésus Christ est, de fait, le Maître de la Vérité, et c’est en lui seul que les chrétiens peuvent trouver la lumière et la force pour vivre selon le dessein de Dieu, en travaillant au vrai bien de leurs frères.

 

apostasie FM