« … La Constitution et les lois laïques qui interprétèrent son esprit constituaient une attaque violente et continue contre la conscience nationale. Les droits de Dieu étant annulés et l’Église persécutée, notre société était affaiblie, légalement, en ce que sa vie a d’essentiel, c’est-à-dire, la Religion. (…) Et, à mesure que notre peuple se décomposait par le relâchement des liens sociaux, que notre économie était saignée à blanc, que s’altérait sans aucune raison le rythme du travail et que s’affaiblissait sourdement la force des institutions de défense sociale, un autre peuple puissant, la Russie, influençant les communistes d’ici par le théâtre et le cinéma, par ses coutumes et ses rites exotiques, par la fascination intellectuelle et la subornation matérielle, préparait l’esprit populaire pour l’éclatement de la révolution, dont on pouvait désigner la date presque à coup sûr.

Le 27 février 1936, et à l’occasion du triomphe du Front Populaire, le Komintern décrétait la révolution espagnole et la finançait, au moyen de sommes exorbitantes. Le 1er mai suivant, des centaines de jeunes gens réclamaient publiquement à Madrid “des bombes, des pistolets, de la poudre et de la dynamite pour la prochaine révolution“. Le 16 du même mois, le représentant de l’U.R.S.S., se réunissait à la Maison du Peuple à Valence, avec des délégués espagnols de la troisième Internationale, et voici le neuvième de leurs accords : “Charger l’un des secteurs de Madrid (désigné par le n° 25 et composé de policiers en activité), d’éliminer les personnages politiques et militaires destinés à jouer un rôle intéressant dans la contre-révolution“. (…) La Russie, tout le monde le sait, s’est “greffée” sur l’armée gouvernementale, elle s’est insinuée dans son commandement et, tout en conservant l’apparence d’un Gouvernement du “Front Populaire“, elle a marché à fond pour l’instauration du régime communiste par le renversement de l’ordre social établi. (…) Et parce que Dieu est le fondement essentiel d’une société bien ordonnée – il l’était au moins de la Nation espagnole – la révolution communiste, alliée des armées du Gouvernement, fut surtout anti-divine. Ainsi se fermait le cycle de la législation laïque de la Constitution de 1931 : par la destruction de tout ce qui était chose de Dieu. (…)

C’est pour cela qu’il s’est produit dans l’âme nationale une réaction d’ordre religieux, correspondant à l’action nihiliste et destructive des “sans-Dieu“. Et l’Espagne est restée partagée en deux grandes factions militantes. (…) :

– d’un côté, la tendance spirituelle, chez les révoltés, accourus à la défense de l’ordre, de la paix sociale, de la civilisation traditionnelle, de la patrie et très visiblement, dans un grand secteur, à celle de la religion ;

– et de l’autre côté, la tendance matérialiste, disons marxiste, communiste ou anarchiste, qui veut remplacer la vieille civilisation de l’Espagne, avec tous ses facteurs, par la nouvelle “civilisation” des Soviets russes.

C’est une course de vitesse entre le bolchevisme et la civilisation chrétienne” ; “Une nouvelle étape et peut-être décisive dans la lutte entamée entre la Révolution et l’Ordre” ; “Une lutte internationale sur un champ de bataille national ; le communisme livre dans la Péninsule une formidable bataille, dont dépend le sort de l’Europe“.

Troisièmement : Nous affirmons que le soulèvement civico-militaire plonge au fond de la conscience populaire une double racine : celle du patriotisme qui a vu en lui l’unique façon de réveiller l’Espagne et d’éviter sa ruine définitive ; et celle du sentiment religieux, qui le considère comme la force capable de réduire à l’impuissance les ennemis de Dieu et comme la garantie de la continuité de sa foi et de la pratique de sa religion.

Quatrièmement : Pour le moment, il n’y a pour l’Espagne aucun autre espoir de reconquérir la justice et la paix, et les biens qui en découlent, que le triomphe du mouvement national. Peut-être aujourd’hui moins encore qu’au commencement de la guerre, parce que la faction contraire, malgré tous les efforts de ses hommes de gouvernement, n’offre aucune garantie de stabilité politique et sociale. (…) Il convient d’ajouter que l’hécatombe de personnes et de choses réalisée par la révolution communiste fut préméditée. Peu de temps avant la révolte, étaient arrivés de Russie 79 agitateurs spécialisés. La Commission Nationale d’Unification Marxiste, à ce moment-là, ordonnait la constitution de milices révolutionnaires dans toutes les villes. (…) La preuve la plus éloquente que la destruction totale des églises et le massacre total des prêtres était une chose préméditée, c’est le nombre épouvantable des victimes. Quoique les chiffres ne soient pas encore fixés, nous pouvons compter près de 20.000 églises détruites ou entièrement pillées. Le nombre des prêtres assassinés (en moyenne 40% dans les diocèses dévastés, dans quelques-uns cela va jusqu’à 80%) s’élève, pour le seul clergé séculier, à environ 6.000. (…) On les tua sans procès, le plus souvent sur-le-champ, sans autre raison que leur fonction sociale de prêtres. Cette révolution fut suprêmement cruelle. Le massacre revêtit des formes d’une barbarie horrible. En ce qui concerne le nombre, on évalue à plus de 300.000 celui des séculiers qui ont péri assassinés, uniquement pour leurs idées politiques et en particulier religieuses : à Madrid, et pendant les trois premiers mois, on en exécuta plus de 22.000. Presque pas un village où l’on n’ait éliminé les plus connus des gens de droite. Quant à la forme, ni accusation, ni preuves, la plupart du temps pas de procès. Sur le chapitre des supplices, voici : un grand nombre furent amputés après avoir été abominablement mutilés ; d’autres eurent les yeux exorbités, la langue coupée, d’autres furent ouverts de haut en bas, brûlés ou enterrés vifs, tués à coups de hache. Bref, on exerça le maximum de cruauté sur les ministres de Dieu. Par pudeur et charité nous ne voulons pas préciser davantage.
Cette révolution fut inhumaine. On n’a pas respecté la pudeur de la femme, même de celles consacrées à Dieu. On a profané les tombes et les cimetières. Dans le fameux monastère de Ripoll, on a détruit les sépulcres (…) on a joué au football avec le crâne du grand évêque Torras y Bages. (…) Cette révolution fut barbare, vu qu’elle anéantit l’œuvre d’une civilisation séculaire. Elle détruisit des milliers d’œuvres d’art, dont plusieurs d’une renommée universelle. Elle pilla et brûla les archives, rendant de la sorte impossible la recherche historique et l’authentification des faits d’ordre juridique et social. Il y a des centaines de tableaux poignardés, de sculptures mutilées, de merveilles architecturales démolies pour toujours. Nous pouvons dire que le trésor d’art, surtout religieux, accumulé pendant des siècles, a été stupidement détruit en quelques semaines, dans les régions soumises aux communistes. (…) De nombreuses bibliothèques ont disparu. (…) Cette révolution a foulé aux pieds les principes les plus élémentaires du droit des gens. (…) Cette révolution fut essentiellement “anti-espagnole” . L’œuvre de destruction fut accomplie aux cris de “Vive la Russie!“, à l’ombre du drapeau international communiste. Les inscriptions murales, l’apologie de personnages étrangers, les commandements militaires aux mains de chefs russes, la spoliation de la nation en faveur de métèques, l’hymne international communiste, autant de preuves, et suffisantes, de la haine portée à l’esprit national et au sentiment de la Patrie.

Mais surtout, cette révolution fut “anti-chrétienne“. Nous ne croyons pas que, dans l’histoire du Christianisme et dans un laps de si peu de semaines, se soit produite une telle explosion de haine contre Jésus-Christ et sa Sainte Religion. Dévastation si sacrilège que le délégué des Rouges espagnols, envoyé au Congrès des “Sans-Dieu“, à Moscou, a pu déclarer : “L’Espagne a surpassé de beaucoup l’œuvre des Soviets, car l’Église en Espagne a été complètement anéantie“. Les martyrs se comptent par milliers ; le témoignage qu’ils ont porté est une espérance pour notre pauvre Patrie ; mais peut-être ne trouverions-nous pas, dans le Martyrologe romain, une forme de martyre non employée par les Communistes, sans en excepter la crucifixion ; et d’autre part les objets et les machines modernes ont permis de nouveaux supplices. La haine envers Jésus-Christ et la Vierge est arrivée au paroxysme et, dans les centaines de crucifix poignardés, dans les images de la Vierge bestialement souillées, dans les affiches placardées à Bilbao où l’on blasphémait la Mère de Dieu, dans l’infâme littérature des tranchées rouges où l’on ridiculise les mystères divins, dans la profanation réitérée des Images Sacrées, nous pouvons deviner la haine de l’Enfer, incarné en ces malheureux communistes. (…) Les formes assumées par la profanation ont été si invraisemblables qu’on ne peut pas les concevoir sans supposer une suggestion diabolique. Les cloches ont été brisées et fondues. Le culte absolument supprimé dans tout le territoire communiste, à l’exception d’une petite portion du Nord. Grand nombre de temples, parmi lesquels de vrais joyaux d’art, ont été totalement dévastés : à cette œuvre inique on a forcé à travailler de pauvres prêtres. Des images fameuses, objets de la vénération séculaire, ont disparu pour toujours, détruites ou brûlées. En mainte localité, l’autorité a obligé les citoyens à livrer tous les objets religieux leur appartenant pour les détruire publiquement ; qu’on juge ce que cela représente dans l’ordre du droit naturel, des liens de famille et comme violence faite à la conscience chrétienne. (…)

7.- LE MOUVEMENT NATIONAL : SES CARACTERES

Essayons d’expliquer maintenant le caractère du mouvement dit “national“, selon nous fort justement.

D’abord par son esprit ; parce que la nation espagnole était dissociée, dans son immense majorité, d’avec un État qui n’avait pas su incarner ses nécessités et ses aspirations profondes ; et le mouvement fut accepté comme une espérance par toute la nation. Dans les régions non libérées il n’attend que le moment de faire éclater la cuirasse des forces communistes qui l’étouffent.

Il est aussi national par son but, puisqu’il tend à sauver et à conserver dans l’avenir la vie profonde d’un peuple organisé dans le cadre d’un État qui sache continuer dignement son histoire. Nous exprimons ici une réalité, le désir général des citoyens espagnols ; nous ne parlons pas des procédés pour le réaliser.

Ce mouvement a renforcé le sentiment de Patrie contre les forces étrangères qui lui sont contraires. Patrie signifie paternité ; c’est le milieu moral, comme d’une famille nombreuse, qui permet au citoyen son développement total ; et le mouvement national a déterminé un courant d’amour, qui s’est concentré autour du nom et de la substance historique de l’Espagne, en rejetant les éléments étrangers qui avaient causé sa ruine. Et comme l’amour de la Patrie, quand il s’est “surnaturalisé” par l’amour de Jésus-Christ, notre Dieu et Seigneur, atteint aux sommets de la charité chrétienne, nous avons assisté à une véritable explosion de charité, charité dont le sang de milliers de citoyens, répandu au cri de “Vive l’Espagne! Vive le Christ Roi!” est comme l’expression suprême.

Au sein du mouvement national s’est produit le phénomène merveilleux du martyre (le Pape l’a dit : un vrai martyre) de milliers d’Espagnols : prêtres, religieux et séculiers; et ce témoignage par le sang devra conditionner dans l’avenir, sous peine d’une immense responsabilité politique, les actes de ceux qui, une fois les armes déposées, auront à construire le nouvel État dans le calme de la paix.

Ce mouvement a garanti l’ordre dans le territoire qu’il domine. Comparons la situation des régions dans lesquelles a prévalu le mouvement national à celle des provinces où règnent encore les communistes. De ces dernières, on peut dire la parole du sage : “Ubi non est gubernator, dissipabitur populus“. Sans prêtres, sans églises, sans culte, sans justice, sans autorité, elles sont en proie à une anarchie épouvantable, à la faim et à la misère. D’autre part, au milieu de l’effort et de la douleur terrible de la guerre, les autres régions vivent dans la tranquillité de l’ordre, sous la tutelle d’une véritable autorité, principe de la justice, de la paix et du progrès, qui sont la condition de la prospérité de la vie sociale. Alors que, dans l’Espagne marxiste, on vit sans Dieu, dans les régions indemnes ou reconquises, on célèbre le culte divin et de nouvelles manifestations de la vie chrétienne peuvent s’épanouir.

Une telle situation permet d’escompter un régime de justice et de paix dans l’avenir. Nous ne voulons risquer aucun présage. Nos maux sont des plus graves. Le relâchement des liens sociaux ; les mœurs d’une politique corrompue ; la méconnaissance des devoirs civiques ; l’inachèvement d’une conscience vraiment catholique ; la division spirituelle en ce qui concerne la solution de nos grands problèmes nationaux ; l’élimination par l’assassinat de milliers d’hommes choisis, appelés par leur état et leur formation à l’œuvre de reconstruction nationale ; les haines et la disette qui sont la conséquence de toute guerre civile ; l’idéologie étrangère qui, régnant sur l’État, tend à l’écarter de l’idée et des influences chrétiennes ; voilà autant de difficultés dans le travail de refaire une Espagne neuve, greffée sur le tronc de notre vieille histoire et vivifiée par sa sève. Difficultés énormes. Mais nous avons l’espoir que, une fois accompli ce sacrifice immense, et si fécond, nous retrouverons notre véritable esprit national. Nous le réintégrons peu à peu, par une législation où prédomine le sentiment chrétien : dans la culture, dans la morale, dans la justice sociale et dans l’honneur et le culte qu’on doit à Dieu. Qu’Il soit en Espagne le premier bien servi, telle est la condition essentielle pour que la nation soit, elle aussi, vraiment bien servie.

8.- REPONSE A QUELQUES REMARQUES

Cette lettre n’atteindrait pas son but, Vénérables Frères, si nous ne répondions à quelques observations qu’on nous a faites, et qui nous viennent de l’étranger.

On a accusé l’Église de s’être défendue contre un mouvement populaire en se fortifiant dans ses temples, occasionnant ainsi leur ruine et le massacre des prêtres. Nous le nions. La ruée contre les temples fut soudaine, presque simultanée dans toutes les régions et coïncida avec le massacre des prêtres. Les temples brûlèrent parce qu’ils étaient les maisons de Dieu, et les prêtres furent sacrifiés parce qu’ils étaient les ministres de Dieu. Les preuves en abondent. L’Église n’a pas été l’agresseur. Elle était la première bienfaitrice du peuple, inculquant la doctrine et fomentant les œuvres de justice sociale. Elle a succombé – là où dominait le communisme anarchiste – victime innocente, pacifique, sans défense.

On nous a demandé, de l’étranger, de dire s’il est bien vrai que l’Église en Espagne était propriétaire d’un tiers du territoire national et que le peuple se soit soulevé pour se libérer de son oppression. C’est une accusation ridicule. L’Église ne possédait de ce territoire que quelques parcelles insignifiantes : des presbytères, des maisons d’éducation, et cela même lui avait été enlevé dernièrement par l’État. Tout ce que l’Église possède en Espagne ne suffirait pas au quart de ses besoins, et il lui sert à remplir ses obligations les plus sacrées.

On accuse l’Église d’irréflexion et de partialité, pour s’être mêlée d’un conflit qui désunit la nation. L’Église s’est toujours mise du côté de la justice et de la paix et a toujours collaboré avec les pouvoirs de l’État, dans chaque occurrence, pour le bien commun. Elle ne s’est liée à personne : parti, individu ou tendance. Placée au-dessus de tous et de tout, elle a accompli son devoir qui est d’enseigner la doctrine et d’exhorter à la charité, non sans éprouver une profonde peine d’avoir été persécutée et répudiée par tant de ses fils égarés. Nous en appelons au témoignage des faits et des écrits nombreux qui attestent cette affirmation.

On dit que cette guerre est une guerre de classes et que l’Église s’est rangée du côté des riches. Ceux qui connaissent ses origines et sa nature savent bien que non. Même en admettant certaines négligences dans l’accomplissement des devoirs de justice et de charité que l’Église était d’ordinaire la première à recommander, les classes travailleuses étaient fort bien protégées par la loi et la nation était entrée dans le bon chemin d’une meilleure distribution de la richesse. La lutte des classes est autrement virulente dans d’autres pays. Eh bien ! c’est justement en Espagne que la plupart des régions pauvres se sont libérées des horreurs de la guerre. Et c’est dans les provinces où le coefficient de la richesse et du bien-être du peuple était le plus grand que la révolution fut le plus acharnée. Oublierons-nous notre législation sociale et nos institutions prospères de bienfaisance et d’assistance publique et privée, toutes d’origine espagnole et très chrétienne ? Le peuple a été trompé par des promesses irréalisables, incompatibles non seulement avec la vie économique du pays, mais encore avec n’importe quel genre de vie économique organisée. Telle est la situation : d’une part des régions indemnes où tout marche bien, et de l’autre, du côté de la domination communiste : la misère.

La guerre en Espagne, dit-on, n’est qu’un épisode de la lutte universelle entre la démocratie et l’étatisme ; le triomphe du mouvement national placerait la nation sous l’esclavage de l’État. L’Église de l’Espagne — lisons-nous dans une revue étrangère — devant le dilemme : être persécutée par le gouvernement de Madrid ou asservie par des hommes représentant des tendances politiques qui n’ont rien de chrétien, a opté pour la servitude. Or, ce n’est pas ce dilemme qui s’est posé, mais celui-ci : l’Église, au lieu de périr totalement par le communisme, comme c’est le cas dans les régions où celui-ci domine, est protégée par un pouvoir, qui, jusqu’à présent, a garanti les principes fondamentaux de toute société, sans jamais s’occuper de ses tendances politiques.

Quant à l’avenir, nous ne pouvons préjuger de ce qui se passera après la guerre. Oui, nous affirmons qu’elle n’a pas été entreprise pour édifier un État autocrate sur les ruines d’une nation humiliée, mais bien pour faire revivre l’esprit national avec la vigueur et la liberté chrétiennes des anciens temps. Nous nous fions à la prudence des hommes de gouvernement, qui ne voudraient pas accepter de moule étranger pour l’État espagnol futur ; au contraire, ils n’oublieront pas les exigences profondes de la vie nationale ni la ligne suivie par les siècles passés. Toute société bien ordonnée est basée sur de solides principes et c’est d’eux qu’elle vit, et non pas d’apports étrangers, en contradiction avec l’esprit du pays. La vie est plus forte que les programmes, et un homme d’État prudent n’en imposera pas un qui violente les forces intimes de la nation. Nous serions les premiers à déplorer que l’autocratie irresponsable d’un Parlement fût remplacée par celle, autrement redoutable, d’une dictature n’ayant pas ses racines dans la nation. Nous gardons le légitime espoir qu’il n’en sera pas ainsi. Ce qui a sauvé l’Espagne dans le moment actuel, qui est si grave, c’est justement la continuité des principes séculaires qui ont formé sa vie nationale et le fait qu’une grande partie du pays s’est soulevée pour les défendre. Ce serait une erreur d’interrompre ce grand passé de la nation mais il ne faut pas croire qu’on risque de tomber dans cette erreur.

On impute aux dirigeants du mouvement national des crimes semblables à ceux commis par le Front Populaire. “L’armée blanche“, lisons-nous dans une revue catholique étrangère des plus sérieuses, “recourt à des moyens injustifiables contre lesquels nous devons protester… L’ensemble des informations qui nous sont parvenues indique que la terreur blanche règne dans l’Espagne nationaliste avec l’horreur que présentent presque toutes les terreurs révolutionnaires… Les résultats obtenus semblent dérisoires par rapport au développement de la cruauté méthodiquement organisée et dont les troupes se font gloire.” L’honorable signataire de cet article est très mal informé. Chaque guerre a ses excès ; le mouvement national en aura eu, lui aussi ; personne ne peut se défendre en toute sérénité des attaques enragées d’un ennemi sans entrailles. Tout en réprouvant, au nom de la justice et de la charité chrétiennes, les excès commis par erreur ou du fait de subalternes (et méthodiquement grossis par les informations étrangères), nous disons que le jugement ici par nous rectifié ne correspond pas à la vérité et nous affirmons qu’il y a un écart énorme, infranchissable, entre les deux partis, en ce qui concerne les principes de la justice, et la façon de l’administrer. Bien plus, nous pourrions dire que les actes du Front Populaire n’ont été qu’une suite terrible d’offenses à la justice, à Dieu, à la société et aux hommes. On ne peut pas parler de justice quand on élimine Dieu, principe de toute justice. Tuer pour tuer, détruire pour détruire, dépouiller l’adversaire non-belligérant, tels sont les principes de conduite civile et militaire que nous voyons observés par les uns, et qu’on ne saurait imputer aux autres sans mensonge.

Deux mots sur le problème du nationalisme basque, si méconnu et si faussé, et dont on a fait une arme contre le mouvement national. Toute notre admiration pour les vertus civiques et religieuses de nos frères basques. Toute notre charité pour le grand malheur qui les afflige et que nous considérons comme nôtre puisqu’il est celui de la patrie. Toute notre peine pour l’aveuglement qui s’est emparé de ses dirigeants dans un moment si grave de son histoire. Mais toute notre réprobation pour avoir fait la sourde oreille à la voix de l’Église et pour avoir ainsi réalisé les paroles du Pape dans son Encyclique sur le Communisme : “Les agents de destruction, qui ne sont pas très nombreux, profitent de ces discordes (des catholiques), les rendent plus âpres et finissent par dresser les catholiques les uns contre les autres… Ceux qui travaillent à augmenter les dissensions entre les catholiques assument une terrible responsabilité devant Dieu et devant l’Église… Le Communisme est essentiellement pervers, et on ne peut pas admettre que collaborent avec lui, sur aucun terrain, ceux qui prétendent sauver la civilisation chrétienne… Plus les régions où le Communisme parvient à pénétrer se distinguent par l’antiquité et la grandeur de leur civilisation chrétienne, plus dévastatrice s’y déploie la haine des athées“.

Dans une revue étrangère des plus répandues, on affirme que le peuple s’est séparé en Espagne du prêtre parce que celui-ci est recruté dans les classes supérieures et qu’il ne veut pas baptiser ses enfants à cause des droits élevés perçus pour l’administration du sacrement. A la première accusation nous répondrons que les vocations dans les divers séminaires de l’Espagne sont réparties de la façon suivante :

Nombre total de séminaristes en 1935 : 7.401.

Nobles : 6 ;

Riches : 115 (avec un capital supérieur à 10.000 ptas) ;

Pauvres ou presque pauvres : 7.280.

En ce qui concerne la deuxième, avant le changement de régime la proportion des enfants non baptisés de catholiques n’arrivait pas à 1 pour 10.000. Quant aux droits d’administration du sacrement, ils sont des plus modiques, et nuls pour les pauvres.

9.- CONCLUSION

Nous terminons, Vénérables Frères, cette lettre, déjà longue, en vous priant de nous aider à déplorer la grande catastrophe nationale de l’Espagne, où se sont perdues, avec la justice et la paix, fondement du bien commun et de cette vie vertueuse de la Cité dont nous parle le Docteur Angélique, tant de valeurs de civilisation et de vie chrétienne. L’oubli de la vérité et de la vertu dans l’ordre politique, économique et social, nous a valu ce malheur collectif. Nous avons été mal gouvernés parce que, comme dit Saint Thomas, Dieu fait régner l’hypocrite à cause des péchés du peuple.

À votre compassion, ajoutez la charité de vos prières et de celles de vos fidèles : pour que nous profitions de la leçon de punition dont Dieu nous a éprouvés ; pour que bientôt notre patrie soit reconstruite et puisse accomplir ses destinées futures, présagées par celles de son grand passé ; pour que, grâce à cet effort et à ces prières unanimes, soit endiguée cette inondation du Communisme qui tend à annuler l’Esprit de Dieu et l’esprit de l’homme, seuls soutiens des civilisations d’autrefois.

Et complétez votre œuvre en répandant, charitablement, la vérité sur les choses de l’Espagne. “Non est addenda afflictio afflictis“. A la peine pour tout ce que nous souffrons s’est ajoutée celle de n’avoir pas été compris dans nos souffrances. Pis encore, elles ont été augmentées par le mensonge, et l’interprétation fausse. On ne nous a même pas fait l’honneur de nous considérer comme des victimes. La raison et la justice ont été pesées dans la même balance que le tort et l’injustice. Et cette injustice était peut-être la plus grande qu’on ait vue dans tous les siècles. On a accordé au journal salarié, aux plus malhonnêtes brochures, aux écrits d’espagnols prévaricateurs déshonorant le nom de leur Patrie, le même crédit qu’à la voix des Prélats, à l’étude consciencieuse des moralistes, à la relation authentique de faits qui sont un outrage à l’Histoire humaine. Aidez-nous à répandre la vérité. Ses droits sont imprescriptibles, surtout quand il s’agit de l’honneur d’un peuple, du prestige de l’Église, du salut du monde. Aidez-nous, en divulguant le contenu de ces lettres, en veillant à la presse et à la propagande catholiques, en rectifiant les erreurs de l’autre presse indifférente ou hostile. L’ennemi a semé copieusement la zizanie ; aidez-nous à semer abondamment la bonne graine.

Permettez-nous une dernière déclaration. Dieu sait que nous aimons nos frères en Jésus-Christ et que nous pardonnons de bon cœur à tous ceux qui, sans savoir ce qu’ils faisaient, ont causé de si graves dommages à l’Église et à la Patrie. Ce sont nos fils. Nous invoquons devant Dieu et en leur faveur les mérites de nos martyrs ; des dix évêques et des milliers de prêtres et de catholiques qui sont morts en leur pardonnant, ainsi que la douleur, profonde comme la mer, que souffre notre Espagne.

Priez pour que, dans notre pays, s’éteignent les haines, se rapprochent les âmes et que nous redevenions tous une seule famille unie par la charité. Souvenez-vous de nos évêques assassinés, de tant de prêtres, de religieux et de séculiers éminents qui ont péri uniquement parce qu’ils constituaient la milice choisie du Christ, et priez le Seigneur de rendre fécond leur sang généreux. D’aucun d’eux l’on ne peut dire qu’il ait défailli à l’heure du martyre ; c’est par milliers qu’ils ont donné l’exemple de l’héroïsme le plus haut. C’est la gloire de notre Espagne, et à jamais inflétrissable. Aidez-nous à prier, et sur notre terre arrosée aujourd’hui par le sang de nos frères, brillera de nouveau l’arc-en-ciel de la paix chrétienne et se reconstruiront en même temps notre Église, si glorieuse, et notre Patrie, si féconde.

Et que la paix du Seigneur soit avec nous tous, puisqu’on nous a tous appelés pour la grande œuvre de la paix universelle. Cette paix, c’est le rétablissement du Règne de Dieu dans le monde par l’édification du Corps du Christ, qui est l’Église, dont nous avons été établis les évêques et les pasteurs.

Nous vous écrivons ceci d’Espagne, en rappelant le souvenir de nos Frères défunts ou absents de la Patrie, le 1er juillet 1937, jour de la fête du Précieux Sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

† ISIDRO, Card. GOMA Y TOMAS, archevêque de Tolède ;

† EUSTAQUIO, Card. ILUNDAIN Y ESTEBAN, archevêque de Séville ;

† PRUDENCIO, archevêque de Valence ;

† MA­NUEL, archevêque de Burgos ;

† RIGOBERTO, archevêque de Saragosse ;

† TOMAS, archevêque de Santiago ;

† AGUSTIN, archevêque de Grenade, administrateur apostolique d’Almeria, de Guadix et de Jaén ;

† JOSÉ, archevêque-évêque de Majorque ;

† ADOLFO, évêque de Cordoue, administrateur apostolique de l’Evêché-Prieuré de Ciudad-Real ;

† ANTONIO, évêque d’Astorga ;

† LEOPOLDO, évêque de Madrid et d’Alcala ;

† MANUEL, évêque de Palencia ;

† ENRIQUE, évêque de Salamanque ;

† VALENTIN, évêque de Solsona ;

† JUSTINO, évêque d’Urgel ;

† MIGUEL DE LOS SANTOS, évêque de Carthagène ;

† FIDEL, évêque de Calahorra ;

† FLORENCIO, évêque d’Orense ;

† RAFAEL, évêque de Lugo ;

† FÉLIX, évêque de Tortosa ;

† ALBINO, évêque de Tenerife ;

† JUAN, évêque de Jaca ;

† JUAN, évêque de Vich ;

† NICANOR, évêque de Tarazona, administrateur apostolique de Tudela ;

† JOSÉ , évêque de Santander ;

† FELICIANO, évêque de Plasencia ;

† ANTONIO, évêque de Chersonèse de Crète, administrateur apostolique d’Ivice ;

† LUCIANO, évêque de Ségovie ;

† MANUEL, évêque de Curio, administrateur apostolique de Ciudad Rodrigo ;

† MANUEL, évêque de Zamora ;

† LINO, évêque de Huesca ;

† ANTO­NIO, évêque de Tuy ;

† JOSÉ-MARIA, évêque de Badajoz ;

† JOSÉ , évêque de Gérone ;

† JUSTO, évêque d’Oviedo ;

† FRANCISCO, évêque de Coria ;

† BENJAMIN, évêque de Mondoñedo ;

† TOMAS, évêque d’Osma ;

† AN­SELMO, évêque de Teruel-Albarracin ;

† SANTOS, évêque d’Avila ;

† BALBINO, évêque de Malaga ; † MARCELINO, évêque de Pampelune ;

† ANTONIO, évêque des Canaries ;

Hilario Yaben, vicaire capitulaire de Siguënza ;

Eugenio Domaica, vicaire capitulaire de Cadix ;

Emilio F. Garcia, vicaire capitulaire de Ceuta ;

Fernando Alvarez, vicaire capitulaire de Léon ;
José Zurita, vicaire capitulaire de Valladolid.

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