Exceptionnelle. M. Darmanin nous avait déjà offert beaucoup de séquences quasiment lacrymo-islamophiles, depuis le

« Au regard de l’histoire, s’il y a une religion qui a moins de difficulté à travailler avec la République, c’est l’islam… un dialogue plus facile, une discussion plus spontanée qu’avec les autres cultes »

jusqu’au fabliau du fameux général Abdallah… Mais celle de février-mars 2024 est vraiment exceptionnelle. M. Darmanin mouille vraiment sa chemise pour la réussite de l’islam en France, donc de son islamisation.

La séquence a commencé à mi-février, en guise d’apéritif, par une petite visite  (d’allégeance envers un grand sage comme semble le suggérer la mise en scène de la photo ?) auprès de M. Al Issa.

M. Al Issa est secrétaire général de la Ligue islamique mondiale (LIM). M. Al Issa est saoudien. Il est même un ancien ministre de la justice de l’Arabie Saoudite et on sait que l’Arabie Saoudite est éminente dans deux domaines : la production pétrolière et son état de droit.

Aller parler de laïcité à la française et d’ingérence étrangère avec le secrétaire général de la Ligue islamique mondiale, c’est un peu comme discuter respect des frontières nationales avec Joachim von Ribbentrop ou fraternité humaine avec Leonid Brejnev : ça a du sens mais pas forcément celui qu’on souhaiterait.

Sautons de l’apéritif aux fromages et desserts : c’était les 20 et 21 mars et, pour M. Darmanin, la participation à deux repas successifs de rupture de jeûne en cette période de ramadan. Le 20 mars à la Grande mosquée de Paris, le 21 mars à l’Institut français de civilisation islamique de Lyon (celui-là même que M. Al Issa a inauguré en septembre 2019, financé en partie par fonds saoudiens, et dont la LIM reste partenaire).

A la grande mosquée de Paris, embrassades entre M. Darmanin et le recteur de la mosquée, M. Hafiz :

Puis dîner dont on ne sait pas s’il était privé (était présente l’épouse de M. Darmanin) ou public (puisqu’il y avait là préfet d’Île-de-France et de Paris, et préfet de police de Paris).

En tout cas, on y aura appris que M. Hafiz estime que « oui, le mois de ramadan renforce la citoyenneté des musulmans de France » ce qu’on a un peu de mal à comprendre sauf à considérer la France comme peut-être un pays déjà intégré à la LIM.

On y a aussi vu M. Darmanin serrer la pogne des imams de la mosquée : aura-t-il eu l’occasion de saluer l’imam Mamoun, celui-là même qui avait nourri cette séquence hilarante le 12 novembre 2023 : en feignant de découvrir qu’il y avait eu en France des actes antisémites commis depuis le 7 octobre 2023 alors même que la veille (11 novembre), il avait assisté à une visite de M. Darmanin à… la Grande mosquée de Paris (déjà) lors de laquelle M. Darmanin avait détaillé… les actes antisémites récents ?

Le lendemain 21 mars, M. Darmanin était donc à Lyon. Le président de l’institut, M. Kabtane (qui est aussi le recteur de la mosquée de Lyon) « a salué cet espace de dialogue et de réflexion comme un « bon modèle » pour permettre d’échanger avec les pouvoirs publics et d’avancer sur les questions affairant à l’organisation du culte musulman ».

Mais quels étaient donc les sujets de conversation pendant tous ces repas ? Ils avaient été expliqués par M. Darmanin lors d’un discours au FORIF (Forum de l’islam de France) le 26 février 2024, soit dix jours après sa visite à M. Al Issa.

Venons-en donc au plat de résistance, le discours de M. Darmanin au FORIF, trame des discussions dînatoires tant à Paris qu’à Lyon. Avec tout le déploiement de son arsenal de VRP de l’islam en France.

Déjà, le cadre : une session du FORIF, le Forum de l’islam de France, structure voulue par le macronisme pour tuer et remplacer le CFCM, ce qui fait que maintenant les deux structures coexistent. Comme indiqué dans le tweet du site musulman Mizane.info, le FORIF est une instance de discussion entre divers représentants du culte musulman. On peut se poser la question de la légitimité de la présence du ministre. Un peu comme si M. Darmanin participait à la Conférence des évêques de France à Lourdes ?

M. Darmanin, dans son discours de lancement, se fait tout miel, limite obséquieux. Il rappelle qu’il a déjà participé à la première session en 2022, commence par évoquer

« ce pas de deux entre l’islam de France et l’État [qui] donne le ton à une relation saine, stable et durable » et « témoigne de la confiance de l’importance du FORIF pour les musulmans de France et plus largement pour l’unité et la cohésion de la société française » !

Si le FORIF est vraiment un élément de cohésion de la société française, c’est que l’islamisation de cette dernière est encore plus avancée que ce qu’on peut croire.

À quoi cela sert-il le FORIF ? M. Darmanin le rappelle :

« pour organiser le culte, former les imams et nommer les aumôniers, construire des mosquées là où cela est nécessaire et créer des écoles là où des français musulmans souhaitent donner une éducation religieuse à leur enfant ».

C’est-à-dire participer à l’islamisation de la France. Et d’ailleurs, M. Darmanin rappelle à deux reprises qu’il souhaite le succès de ces initiatives :

« Je veux redire que j’ai confiance dans cette instance qu’est le FORIF parce que le FORIF est fait par et pour les musulmans de France, d’abord pour produire des résultats, concrets et utiles ».

Et, dans sa péroraison :

« En cette année 2024, je nous souhaite que le FORIF réussisse pleinement les chantiers entrepris pour cette deuxième session… Je crois que le FORIF a un rôle majeur à jouer pour asseoir la fraternité qui embarque tous les Français, de toutes les confessions et de toutes les origines dans la réalisation des promesses républicaines ».

Voilà donc le FORIF dépositaire de la réussite des promesses républicaines, via le succès de l’organisation du culte musulman, de la formation des aumôniers, de l’expansion des mosquées et autres écoles musulmanes !

M. Darmanin, dans tout son discours, déploie une sollicitude attentionnée. Déjà, comme à son habitude, il arrive à glisser (même si ce n’est pas vraiment de saison) un mot des soldats musulmans morts pour la France (« Le 11 novembre dernier, après avoir salué le sacrifice des soldats musulmans morts pour la France, j’ai eu l’occasion… »). Pour la Macronie, il y a deux catégories de soldats morts pour la France : les … soldats morts pour la France et, catégorie spécialement digne d’intérêt (électoral ?), les soldats musulmans morts pour la France.

La sollicitude darmanines que vient aussi de nombre de félicitations pour une citoyenneté jugée impeccable. Par exemple, songez que « depuis son lancement en 2022, le FORIF a fait beaucoup, y compris pour répondre à des questions qui intéressent tous les cultes. Je tiens à dire que les responsables de l’islam de France ont été les premiers à s’efforcer [sic ! ] d’appliquer les règles de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République », loi qui avait été spécifiquement rendue nécessaire pour corriger des pratiques de l’islam en France.

Mais la sollicitude vient aussi du statut de victime très généreusement accordé par M. Darmanin aux musulmans dans leur ensemble. Le terme « victime » est utilisé quatre fois. Deux extraits :

« Régler les problèmes concrets, ce n’est pas les ignorer quand ils sont évidents et que nos compatriotes musulmans en sont les premières victimes » ;

« Les musulmans sont les premières [encore !] victimes des agissements et des paroles de quelques-uns qui tentent ainsi de les séparer de la France ».

Tellement victime que le ministre est tout fier d’annoncer

« la création avec le soutien de l’État de l’association de défense contre les discriminations et actes antimusulmans (ADDAM) [qui] a pour vocation une meilleure remontée auprès des autorités des actes antimusulmans qui sont manifestement encore sous-estimés ».

Commentaire de M. Louizi, attentif à l’islamisation de la France :

Ce tweet de M. Louizi pointait vers un article de Saphirnews : « « Nos concitoyens musulmans ont toute leur place dans la société, et doivent se sentir écoutés, pris en charges et protégés par notre République en cas de violation de la loi, de trouble à l’ordre publique, et lorsque nos valeurs sont mises à mal par celles et ceux qui font de la division, leur seul combat », affirme ADDAM ». Valeurs ? Il faut sans doute entendre « valeurs musulmanes » ?

La vie est dure pour les musulmans en France et donc, il faut tout améliorer. Tout y passe : les relations avec les banques, les assurances ; le soutien de l’État à la création de cette association musulmane pour la dénonciation des actes islamophobes, mais aussi la volonté de définition d’un statut de l’imam, de participer pour ce qui concernerait l’État à la formation des imams, bref la définition d’un véritable concordat entre l’État et les institutions musulmanes, soit l’exact contraire de la séparation d’un culte et de l’État.

Ajoutons deux particularités bien intéressantes :

Les carrés musulmans. Pensez donc, les pauvres musulmans, déjà discriminés, ne peuvent en plus pas être enterrés en France. Toujours M. Darmanin :

« Aujourd’hui, les musulmans de France sont nés en France, ont grandi en France, travaillent, vivent et élèvent leurs enfants en France, mais ils ont du mal à être enterrés en France, dans leur patrie, leur terre ».

C’est bien malheureux. Évidemment et rassurons les âmes sensibles, ce n’est pas que la place dans les cimetières manque. C’est uniquement parce que les musulmans veulent être enterrés entre eux, dans des carrés musulmans, qui sont interdits par la loi pour un principe tout bête de neutralité confessionnelle. Alors le ministre promet :

« Nous ferons en sorte que l’accès à une sépulture ne soit plus un sujet pour nos compatriotes quelle que soit leur religion et en respectant leurs demandes ».

Vous avouerez que c’est quand même ballot pour des adeptes forcenés du vivre-ensemble, comme le cher recteur de la mosquée de Paris, d’avoir besoin de coins spécialisés dans les cimetières pour mettre leurs morts et ne pas fricoter avec les morts ordinaires. Ce vivre-ensemble que souligne pourtant M. Hafiz dans le tweet ci-dessous :

Ou bien encore, dans son dernier Billet  comme recteur :

« Des assertions telles que celles de Boualem Sansal, insinuant que l’islam fournit des outils d’une extraordinaire efficacité à l’extrémisme, ou les propos de Marion Maréchal Le Pen, déclarant que le mois sacré du ramadan est un indicateur de l’islamisation croissante de la société française, contribuent à stigmatiser des individus pour leur appartenance religieuse et une communauté de foi dans son ensemble, semant ainsi les graines de la division au cœur de notre pays. À l’opposé de ces discours toxiques, il est impératif de reconnaître et de saluer ceux qui refusent de faire de l’islam et des musulmans un fonds de commerce. En mettant en avant les voix qui prônent le dialogue, la compréhension et le respect mutuel, comme celles du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui présente ses vœux à l’occasion du mois de Ramadan, ou celle de notre frère, prêtre du diocèse de Lyon, le Père Vincent Feroldi, qui adresse ses chaleureux vœux à la communauté musulmane, à l’instar des responsables protestants, nous faisons un pas significatif vers la promotion d’un vivre-ensemble harmonieux au sein de notre société plurielle ».

Deuxième particularité : les imams détachés : on se rappelle l’annonce triomphale de M. Darmanin fin 2023 de l’arrêt de venue en masse d’imams des pays musulmans pour prêcher aux musulmans en France.

M. Darmanin le répète lors de la réunion du FORIF :

« Le président de la République a décidé de mettre fin au système des imams détachés qui ne correspondait plus aux besoins des fidèles ni aux aspirations de la société ».

Mais avec nuance, tout d’un coup : « La fin des imams détachés, cela ne veut pas dire qu’il n’y aura plus d’imams étrangers ». Ah ? En fait, on s’en était aperçu en suivant le compte X du recteur de la Grande mosquée de Paris (tweet du 1/03/2024) :

Il n’y a plus d’imams détachés. Mais il y a des imams étrangers et qui reprennent les bonnes vieilles habitudes d’avant covid. Tout roule.

M. Darmanin souhaite des imams mieux formés et mieux rémunérés (pourquoi s’en mêle-t-il ? Y aurait-il quelque subventionnement ? ). Il souhaite des aumôniers musulmans plus nombreux et mieux pris en charge :

« Le FORIF a dressé le constat de la nécessité d’une aumônerie musulmane mieux organisée et mieux formée. Le Conseil national de l’aumônerie musulmane et sa concrétisation interviendra [sic] dans les mois qui viennent ce qui permettra la nomination aux postes d’aumônier national et la mise à disposition de ressources pour les aumôniers musulmans au service des détenus, des personnes hospitalisées ou des militaires ».

Pour ce qui concerne la formation, M. Darmanin veut prendre en charge la partie « offre de formation non-religieuse » dont on n’a pas très bien compris les contours.

« En 2023, deux nouvelles formations pour la cadres religieux musulmans se sont ajoutées aux 34 diplômes universitaires « laïcité, fait religieux et citoyenneté » ».

Enfin, la transcription officielle du discours de M. Darmanin se termine par « Merci à tous les musulmans de France de ce qu’ils apportent à la République ! » et on aimerait savoir ce que le fait musulman apporte à la République (on ne parle pas des personnes). Peut-être le séparatisme hallal, puisque, toujours grâce au recteur de la Grande mosquée de Paris, on trouve ce tweet qui en souligne l’importance (on sait que le monopole du commerce hallal avec l’Algérie est pour cette mosquée une source fort lucrative de business) :

On ajoutera que la conclusion de M. Darmanin lors de son premier discours au FORIF en février 2022 était encore plus dérangeante :

« Aux dénonciateurs de mauvaise foi et de tout bord, vous me permettrez de répondre – pour une dernière fois encore! – avec les mots de Napoléon, rapportés par Pujol : « On dira que je viens détruire votre religion, ne les croyez pas. […] Je viens vous restituer vos droits, punir les usurpateurs, et je respecte (…) Dieu, son prophète et le Coran».

« Je respecte Dieu, son prophète et le Coran » : ça ressemble en fait tellement à l’énoncé de la profession de foi musulmane et c’était simplement émis par le ministre de l’intérieur français.

La fédération Musulmans de France paraissait plutôt satisfait de la session 2024 du FORIF et on la comprend (petite référence Wikipedia qui vaut ce qu’elle vaut : « Musulmans de France dépend de l’Union des organisations islamiques en Europe (UOIE ou FOIE) qui est assistée d’un Conseil européen pour la fatwa et la recherche, composé de 29 oulémas et présidé par Youssef al-Qaradawi, un théologien proche des Frères musulmans et réfugié au Qatar depuis son expulsion d’Égypte en 2014. Al-Qaradawi a été interdit de séjour en France en 2012 ») :

Vu par Saphirnews, c’était tout aussi satisfaisant :

« Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a félicité, lundi 26 février, la « très bonne dynamique » engagée dans l’organisation du culte musulman à l’occasion de la deuxième session du Forum de l’islam de France (Forif). Pour le lancement des travaux, le locataire de la Place Beauvau a fixé de nouvelles feuilles de route et a plaidé pour une structuration du Forif ».

Terminons par le commentaire d’une spécialiste de l’islam radical, Mme Bergeaud-Blackler (tweet du 26/02/2024) :

Le travail auquel participe M. Darmanin est efficace et l’islamisation de la France marche tellement bien qu’on a appris que le proviseur du lycée parisien Maurice Ravel, qui avait demandé à trois élèves musulmanes d’ôter leur voile islamique et qui avait ensuite reçu de nombreuses menaces de mort (se référer à l’article du Salon beige sur l’islam, un communisme juridico-religieux durable par l’usage de la menace et du meurtre), venait de décider de quitter ses fonctions pour des raisons de sécurité. Traduite par le rectorat, cette décision reflète des « convenances personnelles ».

Comment il dit, M. Darmanin ? « Merci à tous les musulmans de France de ce qu’ils apportent à la République ! » ?

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