J’ai déjà dénoncé une hérésie que répand Arnaud Dumouch : Le salut dans la mort. Dans cette vidéo je dénonce le principe du moindre mal qu’il interprète comme le pouvoir de choisir le moindre mal, mais le mal quand même, principe dont il se sert pour justifier des comportements moraux contraires à l’enseignement de l’Église.

Contrairement à ce qu’Arnaud Dumouch dit (8’55), Dieu ne fait pas le mal, ni ne veut que nous le fassions !

Le principe du moindre mal, contrairement à ce qu’il l’enseigne, n’est pas de devoir choisir de faire un moindre mal, mais de choisir de tolérer un moindre mal (que nous ne faisons donc pas).

  • I. Il faut distinguer :

1) Le mal moral et les autres maux. La différence est essentielle, non quantitative. C’est pire de commettre le mal moral que d’endurer les conséquences susceptibles de suivre une action honnête. Le moindre mal – physique ! – n’est licite que lorsque les maux sont inévitables, ex : l’amputation plutôt que la mort… Il est MOINS MAUVAIS D’ENDURER un mal, que de LE COMMETTRE, car, en le commettant, LE SUJET DEVIENT LUI-MÊME MAUVAIS.
2) Les conséquences, bonnes ou mauvaises inéluctables (et donc « tolérées »), et le caractère bon ou mauvais du choix lui-même.
3) Le fait de tolérer un moindre mal accompli par quelqu’un d’autre, et l’accomplir soi-même.
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« La raison atteste qu’il peut exister des objets de l’acte humain qui se présentent comme « ne pouvant être ordonnés » à Dieu, parce qu’ils sont en contradiction radicale avec le bien de la personne, créée à l’image de Dieu. Ce sont les actes qui, dans la tradition morale de l’Église, ont été appelés « intrinsèquement mauvais » : ils le sont toujours et en eux-mêmes, c’est-à-dire en raison de leur objet même, indépendamment des intentions ultérieures de celui qui agit et des circonstances. Les actes mauvais par eux-mêmes n’admettent pas de juste milieu, déjà Aristote disait : « Un homme n’est pas adultère parce qu’il a des rapports avec une femme mariée plus qu’il ne devrait, mais par le fait même qu’il en ait. (Éthique à Eudème 3,1221b 20-22) » De ce fait, sans aucunement nier l’influence que les circonstances, et surtout les intentions, exercent sur la moralité, l’Église enseigne « qu’il y a des actes qui, par eux-mêmes et en eux-mêmes, indépendamment des circonstances, sont toujours gravement illicites, en raison de leur objet. » (Veritatis Splendor, n°80)

L’application de l’acte « à double espèce » est difficile, loin de faire l’unanimité. Le principe soutient qu’une action (ou une omission) ayant deux effets (un bon et un mauvais, d’une importance comparable pour qu’il y ait conflit) est permise à quatre conditions :

• L’action elle-même doit être bonne ou moralement neutre.
• Le bon effet doit résulter de l’acte et non du mauvais effet
• Le mauvais effet ne doit pas être directement voulu, mais doit être prévu et toléré
• Le bon effet doit être plus fort que le mauvais effet, ou bien les deux doivent être égaux (au sens où ce serait un mal plus grand de l’éviter sans produire le bon effet). Proportionnalité.

a) L’acte (objet) doit être bon en lui-même ou moralement neutre ; il ne peut être mauvais. « Le mal ne doit jamais être fait, même en vue d’un bien (Rm 3.8) »
b) Le sujet ne veut pas l’effet mauvais. Bonté de l’intention. L’effet mauvais n’est que toléré. => Mettre en œuvre les moyens opportuns pour éviter l’effet mauvais.
c) L’effet immédiat est le bon, non pas le mauvais, lequel doit seulement être toléré. L’effet bon ne doit pas être produit à travers le mauvais. RÈGLE qui aide au discernement entre un risque et un effet nécessaire : Peut-on IMAGINER UNE SITUATION PHYSIQUE, POSSIBLE BIEN QU’IMPROBABLE, OÙ SOIT ÉVITÉ L’EFFET MAUVAIS ALORS QU’EST PRODUIT L’EFFET BON ? Si la réponse est oui, alors l’acte externe est licite.
d) L’agent a une raison d’agir proportionnée à la gravité des dommages de l’effet mauvais (=>rectitude du sujet). La raison est d’autant plus grave que le risque est plus grand, que le dommage est plus important et/ou plus immédiat. + droit subjectif d’agir (le père d’interdire telle sortie). Seule exigence retenue par la « nouvelle morale » ! Ex. Bombarder une ville – et faire de nombreuses victimes collatérales – pour tuer un chef terroriste, est une action disproportionnée entre le mal réalisé et le bien recherché. La fin ne justifie pas les moyens.

II. Accomplir le moindre mal moral n’est jamais permis

« même pour de très graves raisons (VS 80-81) », même véniellement, même pour empêcher autrui de commettre un péché mortel.

Il peut être licite de tolérer le moindre mal (c’est-à-dire de laisser se produire ou subsister une chose qu’on aurait le droit ou la possibilité d’empêcher chez autrui) en vue d’une fin honnête, comme éviter un mal plus grand ou promouvoir un bien. C’est une application individuelle de la tolérance publique (Pie XII (Allocution 06.12.1953) : « L’Église, tout en n’accordant de droits qu’à ce qui est vrai et honnête, ne s’oppose pas cependant à la patience dont la puissance publique croit pouvoir user à l’égard de certaines choses contraires à la vérité et à la justice, en vue d’un mal plus grand à éviter ou d’un bien plus grand à obtenir ou à conserver. » Dieu agit ainsi… Mais si la loi des hommes peut et doit parfois tolérer le mal, mais elle ne doit cependant jamais l’approuver, ni le vouloir en lui-même, car, il est de soi la privation du bien, or le législateur doit vouloir et défendre le bien commun du mieux qu’il peut.
Un cas particulier d’application du principe du moindre mal est celui du conseil (ex. Peut-on conseiller à quelqu’un décidé à accomplir un péché d’en faire un moins grave ?). Conseiller le vol pour déconseiller le meurtre aurait pour effet d’éviter un mal plus grand, non de produire le moindre. Mais conseiller implique de partager la mauvaise intention, donc de mépriser la loi de Dieu qui interdit, certes, de tuer un innocent, mais aussi de voler.

Applications du principe à deux cas concrets :

a) La contraception pour éviter des avortements ;
b) Le préservatif pour éviter le SIDA.
a’) « On ne peut invoquer comme raisons valables pour justifier des actes conjugaux rendus intentionnellement inféconds, le moindre mal. (HV 15 ; VS 80) »
b’) Le mal moral peut être toléré, mais jamais se faire. Donc l’acte de conseiller publiquement et en général le moindre mal n’est pas admissible, car il est une coopération expresse au mal. Le seul conseil valable à donner est l’abstention. Entre deux maux, n’en choisir aucun (pour soi), c’est la solution de saint Thomas.

Dans le cas de perplexité, où s’imposerait le devoir de choisir entre deux péchés, LA SOLUTION EST L’ABSTENTION.

NB : Dans le cas où il faut, sans délai, choisir le moindre mal, que l’on ignore, et qu’il est impossible de recourir à un conseil éclairé, quel que soit le choix fait, il n’y a pas de péché puisqu’il y a manque la liberté.

Au sujet de la relation entre Doctrine et Pastorale, nous invitons Arnaud Dumouch à méditer Mt 21.28-31 pour comprendre qu’il ne suffit pas de prétendre garder les commandements de Dieu … L’enseignement de l’Église au sujet du lien entre universalité et singularité est donné en Veritatis Splendor, n°51 (p.29), idem n°56 (p.32).

NB « Ce n’est pas un bon arbre qui porte du mauvais fruit, ni un mauvais arbre qui porte du bon fruit. Car chaque arbre se connaît à son fruit. On ne cueille pas des figues sur des épines, et l’on ne vendange pas des raisins sur des ronces. L’homme bon tire de bonnes choses du bon trésor de son cœur, et le méchant tire de mauvaises choses de son mauvais trésor ; car c’est de l’abondance du cœur que la bouche parle. (Lc 6. 43-45) » : Le principe détermine les actions, impossible de les séparer !

« C’est à cause de la dureté de votre cœur que Moïse vous a permis de répudier vos femmes ; au commencement, il n’en était pas ainsi. Mais Je vous dis que celui qui répudie sa femme, sauf pour union illégitime, et qui en épouse une autre, commet un adultère. Ses disciples lui dirent : Si telle est la condition de l’homme à l’égard de la femme, il n’est pas avantageux de se marier.… (Mt 19.6-10) » Comment la morale naturelle, retrouvée dans la foi catholique, pourrait-elle être accomplie sans se référer au commencement et à la fin de la Création ? « Sans moi, vous ne pouvez rien faire, dit Jésus, rien de grand, de saint (Jn 15.5) »
Avec la grâce de Dieu, on peut vaincre les tentations et éviter les péchés. Avec Ses commandements, le Seigneur donne la grâce de pouvoir les accomplir : « Ses regards sont tournés vers ceux qui le craignent,  Il connaît Lui-même toutes les œuvres des hommes. Il n’a commandé à personne d’être impie, Il n’a donné à personne une dérogation pour pécher (Si 15, 19-20) ». Dans certaines situations, l’observation de la Loi de Dieu peut être difficile, très difficile, elle n’est cependant jamais impossible. « Ses commandements ne sont pas pesants. (1 Jn 5, 3) », « Son joug est doux et son fardeau léger. (Mt 11, 30) »…

Trop fréquemment est oubliée la grâce rédemptrice du Christ en mesure de nous libérer de tout mal. Le concile de Trente enseigne que Dieu ne refuse Sa grâce à personne, mais « s’Il veut la donner, Il ne la donne qu’à ceux qui la demandent. » C’est ainsi que « Celui qui prie se sauve certainement, et que celui qui ne prie pas se damne certainement. (CEC 2744) »

  • Quelques cas d’école d’actes à double effet :

a) Le cas de la femme en camp de concentration : Peut-elle commettre l’adultère pour obtenir sa libération et retrouver ses enfants ?
b) La légitime défense.
c) L’hystérectomie (acte chirurgical qui consiste à enlever l’utérus, en entier ou seulement une partie) à poser alors que la femme se trouve enceinte … Possible pour sauver la vie de la mère l’avortement n’étant pas voulu pour lui-même et tout étant fait pour l’éviter.
d) La grossesse extra-utérine (ectopique). Dans 10 à 15% des cas elle peut être mortelle (par rupture de la trompe sous la pression de l’œuf qui grossit). La craniotomie n’est pas licite même dans le cas où, si elle n’est pas pratiquée, la mère et l’enfant vont périr, alors que si elle l’était, la mère pourrait être sauvée, « de même que toute autre opération chirurgicale qui tue directement le fœtus ou la mère enceinte (DH 3258) ». (Quelles solutions pratiques dans ce cas-là ? 1) L’attente prudente, sous étroite surveillance médicale. Dans les 2/3 des cas la solution est spontanée. 2) Avant les lésions, l’embryon est simplement intratubaire et la grossesse peut très bien se dérouler après nidation utérine, ou évoluer vers un avortement spontané. Il en va autrement lorsque l’embryon ayant grossi, il entraîne déjà douleurs et lésions. 4) Intervention chirurgicale. L’extirpation d’une trompe malade contenant un embryon est licite si  sa mort n’est pas recherchée comme telle, ni comme fin, ni comme moyen. (Vérification de la présence des quatre conditions mentionnées plus haut pour déterminer la légitimité d’un acte à double effet (bon et mauvais) : (a) L’acte est bon (le chirurgien enlève la trompe malade). b) L’effet bon est seul recherché (la santé de la mère). c) L’effet mauvais n’est pas voulu (la mort de l’embryon, s’il n’est pas déjà mort) est seulement toléré. L’effet bon n’est pas obtenu par le mauvais (si l’embryon pouvait survivre dans un utérus artificiel, cela serait voulu), ce n’est donc pas la mort de l’embryon qui est moyen, mais son exportation. d) La raison grave est présente : la survie de la mère est en jeu.)).
e) Le mensonge pour sauver une vie.
Définition : Mensonge = 1) dire quelque chose de faux + 2) dans l’intention de tromper. Comme le mensonge est un acte intrinsèquement mauvais, la condition n°1 n’est pas validée, donc l’acte n’est pas moral. Le huitième commandement l’interdit absolument.  « Il n’est jamais permis de mentir, pour aucune utilité (St Thomas d’Aquin, De malo 15,1 s5) », même s’il reste vrai qu’un péché commis dans l’intention de nuire est plus grave qu’un péché commis dans l’intention de venir en aide. Jésus-Christ « n’a jamais commis de péché ni proféré de mensonge (1 P 2.22) » Admettre une seule exception à l’interdiction du mensonge reviendrait à détruire la confiance mutuelle entre les hommes.
f) Le suicide pour échapper à un viol. Le suicide est-il l’acte interdit. (1ère condition non validée) ou bien l’effet mauvais (ou bien l’effet mauvais est-il la mort) ? En fait, seule la fuite est recherchée pour défendre sa vertu, avec un risque pour sa vie, mais une possibilité est envisageable. Saint Alphonse : « on peut s’exposer à un péril vital pour le bien d’une vertu. ». La valeur biologique cède devant la valeur spirituelle. « S’il n’est jamais permis de se tuer directement, il est autorisé de s’exposer à un certain péril de mort, même pour la seule intégrité corporelle, le péril de consentir étant raisonnablement présumé absent. » « On peut chercher indirectement une mort pour en éviter une autre plus cruelle. » Comme dans le cas de celui qui se jette par la fenêtre pour fuir un incendie, a fortiori s’il y a des chances de survie (Cf. L’attitude du prophète de Daniel et ses compagnons dans la fournaise ( Dn 3.1-33).

  1. III. Critique du principe du double effet
  • Pour saint Thomas, un acte singulier est toujours orienté à une fin prochaine unique de laquelle il tire son espèce ; mais il peut avoir plusieurs fins éloignées, dont l’une est la fin de l’autre (ST I-II, 17.3). Si l’effet mauvais suit toujours l’acte, c’est la preuve que celui-ci est intrinsèquement mauvais.
  • La distinction « dans la volonté »/« hors de la volonté » est plus simple et éclairante que les distinctions du principe à double effet.
  • CEC n°1737 : Pour que l’effet soit imputable, il faut qu’il soit prévisible et que celui qui agit ait la possibilité de l’éviter (ex. homicide par ivresse).
  • Une chose est de prendre des risques, conditions de nombreux progrès, et autre chose l’utilité du principe à double effets.
  • L’objection du moindre mal à l’obligation de ne jamais mentir ne porte pas, car l’acte défendu (mentir par exemple) a raison de péché non seulement à cause du tort fait à autrui, mais de son désordre essentiel. S’il n’est donc jamais permis de mentir pour éviter un danger à quelqu’un, il est toujours permis de prudemment taire la vérité.
  • Le « mensonge utile » qui ne nuit pas à autrui ignore le désordre essentiel du mensonge et que la fin ne justifie pas les moyens. Innocent III affirme que l’Écriture Sainte interdit à quiconque de mentir pour sauver la vie d’autrui (Cf. Abbé Jean Pascal Perrenx, Théologie morale fondamentale 3).
    • Plusieurs essais de solutions

a) La restriction mentale (acte de l’esprit qui restreint la portée naturelle de l’expression eu égard aux circonstances), lorsqu’elle est pure (ex. « J’ai vu le Souverain Pontife … [sous entendu : sur une carte postale] »), n’est jamais permise, elle est un mensonge pur et simple (Je n’ai pas vu le Souverain Pontife).
b) La restriction mentale facile à comprendre ou à deviner pour une cause proportionnée (cacher un secret, faire du commerce, ne pas s’accuser d’un crime).
c) La dissimulation par équivoque n’est pas un mensonge puisqu’on ne dit rien de faux. Or, « la dissimulation de la vérité, qui apparaît nécessaire ou utile pour sauver sa vie, son honneur, ses biens » est condamnée par le Saint Office, Innocent XI (DH 2127).
d) Quid du droit à la vérité d’un injuste agresseur ?

    • La solution de 3 Docteurs de l’Église

1. La position de saint Thomas d’Aquin : Le mensonge est mauvais non seulement parce qu’il cause du tort au prochain, mais en soi. Or, il n’est jamais permis d’employer un moyen désordonné, donc défendu, dans l’intérêt du prochain, par exemple de voler pour faire l’aumône. S’il n’est jamais permis (non obligé) de dire un mensonge, une prudente dissimulation (? restriction mentale) peut être permise avec une raison proportionnée (soustraire autrui à un danger). C’est ainsi que la ruse est permise, laquelle n’est pas vraiment un mensonge. Cornelius a Lapide donne l’exemple du général qui organise une fausse retraite pour tromper l’ennemi en lui faisant croire qu’il fuit ; mais qui n’aurait pas le droit de dire : « Ennemis, nous avons peur, nous fuyons ! » C’est à l’ennemi d’être assez malin pour deviner la ruse. De même est permise moralement cette autre ruse qu’est la restriction mentale, laquelle consiste à dire quelque chose à double sens. On donne toujours l’exemple de saint Athanase, poursuivi par des ennemis qui le rattrapent débarquant sur le bord du Nil sans le reconnaître et lui demandent : « Sais-tu où est Athanase ? » ; et lui de répondre en montrant la direction du fleuve d’où il vient : « Il est passé par là ». Naturellement, il faut qu’il y ait une raison proportionnée : un enfant ne peut pas user de restriction mentale vis-à-vis de ses parents.
2. Sainte Augustin propose de « se taire ». « Cacher la vérité n’est pas la même chose que dire un mensonge. Tout homme qui ment veut cacher le vrai, mais tout homme qui cache le vrai ne ment pas. Mentir ce n’est pas cacher le vrai en se taisant, mais exprimer le faux en parlant. » Il y a l’exemple de l’évêque saint Firmus qui, torturé parce qu’il ne pouvait mentir ni livrer l’homme, obtint finalement de l’empereur, admiratif, la libération de son hôte. Ne dites pas : « Je ne sais pas (s’il y est) » car ce serait trahir la présence de votre hôte caché que vous défendriez en disant : « Il n’y est pas », mais dites : « Je sais où il est, mais je ne vous le dirai pas. » Et si cela conduit à souffrir, cela conduit aussi à la gloire.
3. Saint Alphonse : « Le mensonge est toujours un péché, même quand on pourrait par lui éviter la mort. » L’exemple de l’évêque saint Antime disant aux soldats venus arrêter l’hôte qu’il cachait : « J’aime mieux mourir plutôt que de vous conseiller un mensonge. » a entraîné la conversion des soldats … Ou, plus près de nous, le P. Servais Pinckaers, dans Ce qu’on ne peut jamais faire. La question des actes intrinsèquement mauvais, donne cet exemple limite d’un curé polonais que des policiers communistes veulent obliger à signer un témoignage contre son évêque en maltraitant sous ses yeux une jeune fille jusqu’à la mort. Le prêtre a refusé de signer.

Bref, la théologie morale affirme que le mensonge est toujours interdit. 

    • Conclusion :

Si la dissimulation prudente de la vérité n’est pas un péché, elle n’a pas cours chez les parfaits, qui mettent en pratique le commandement du Seigneur : « Que votre oui, soit oui, et que votre non soit non : ce qu’on ajoute vient du Démon. (Mt 5.37) »
Il n’est jamais permis de mentir – le mensonge est diamétralement opposé à la Volonté de Dieu qui est La Vérité même, tout au plus est-il permis de dissimuler la vérité en cas de nécessité. « Ne cherche pas à parler faux, ni à mentir, ni à défendre la vie de quiconque par des faussetés. Le mensonge enlève la confiance, induit en erreur, abolit la vérité. Il n’y a aucun mensonge juste, tout mensonge est un péché. Tout ce qui ne concorde pas avec la vérité est iniquité. (Saint Isidore, PL 83, 857C). »

« La plus grande des vérités chrétiennes … est l’amour de la vérité. (Pascal, œuvres complètes, Hachette 1858, t.1, p.255) »

Le « moindre mal » est un argument qui est souvent évoqué pour justifier des actes ou des décisions contraires aux principes moraux.

  • Par exemple l’emploi des lanceurs de balles de défense (LBD) a été autorisé pour l’auto-défense des policiers et présenté comme un moindre mal par rapport à l’usage des armes à feu. Mais, ils sont maintenant utilisés de manière offensive et pour inspirer la terreur. Au final, même si les blessures et les mutilations qu’ils occasionnent sont qualifiées de blessures de guerre par les spécialistes, leur usage ne provoque pas l’intensité d’indignation que soulèverait dans la même situation l’usage d’armes à feu.
    L’argument du moindre mal est défendable dans les situations où nous sommes confrontés à deux maux, non à en inventer. Le devoir moral nous impose d’opter pour le moindre. 
    Le choix du moindre mal occulte généralement le choix du mal tout court. L’acceptation du moindre mal est un instrument puissant, qui sert tout simplement à conditionner les bureaucrates et la population en général à accepter le mal.
    H. Arendt rappelle que l’extermination des Juifs a été précédée par un enchaînement progressif de mesures anti-juives. Chacune d’entre-elles a été acceptée au motif que refuser de coopérer aurait empiré les choses, jusqu’à ce que finalement rien de pire n’aurait pu arriver. Au moment de rendre des comptes, il s’est avéré que peu de gens étaient pleinement d’accord avec les pires atrocités du régime. Et malgré tout, un grand nombre de gens ont participé à leur réalisation. L’argument du moindre mal a tenu une place centrale dans leur tentative de justification morale.

« En montrant l’existence d’actes intrinsèquement mauvais, l’Église reprend la doctrine de l’Écriture Sainte. L’Apôtre Paul l’affirme catégoriquement : « Ne vous y trompez pas ! Ni impudiques, ni idolâtres, ni adultères, ni dépravés, ni gens de mœurs infâmes, ni voleurs, ni cupides, pas plus qu’ivrognes, insulteurs ou rapaces, n’hériteront du Royaume de Dieu » (1 Co 6, 9-10). Si les actes sont intrinsèquement mauvais, une intention bonne ou des circonstances particulières peuvent en atténuer la malice, mais ne peuvent pas la supprimer. Ce sont des actes « irrémédiablement » mauvais ; par eux-mêmes et en eux-mêmes, ils ne peuvent être ordonnés à Dieu et au bien de la personne : « Quant aux actes qui sont par eux-mêmes des péchés — écrit saint Augustin —, comme le vol, la fornication, les blasphèmes, ou d’autres actes semblables, qui oserait affirmer que, accomplis pour de bonnes raisons, ils ne seraient pas des péchés ou, conclusion encore plus absurde, qu’ils seraient des péchés justifiés ? » De ce fait, les circonstances ou les intentions ne pourront jamais transformer un acte intrinsèquement malhonnête de par son objet en un acte « subjectivement » honnête ou défendable comme choix. (Veritatis Splendor, n°81) »

« Chacun de nous sait l’importance de la doctrine qui constitue l’essentiel de l’enseignement de la présente encyclique et qui est rappelée aujourd’hui avec l’autorité du Successeur de Pierre. Chacun de nous peut mesurer la gravité de ce qui est en cause, non seulement pour les individus, mais encore pour la société entière, avec la réaffirmation de l’universalité et de l’immutabilité des commandements moraux, et en particulier de ceux qui proscrivent toujours et sans exception les actes intrinsèquement mauvais. En reconnaissant ces commandements, le cœur du chrétien et notre charité pastorale entendent l’appel de Celui qui « nous a aimés le premier » (1 Jn 4, 19). Dieu nous demande d’être saints comme lui-même est saint (cf. Lv 19, 2), d’être, dans le Christ, parfaits comme lui-même est parfait (cf. Mt 5, 48) : la fermeté exigeante du commandement se fonde sur l’amour miséricordieux et inépuisable de Dieu (cf. Lc 6, 36), et le commandement a pour but de nous conduire, avec la grâce du Christ, sur le chemin de la plénitude de la vie propre aux fils de Dieu. (Veritatis Splendor, n°115) »

 

Je me suis inspiré pour réaliser cet article de l’encyclique Veritatis Splendor de saint Jean-Paul II, de la Théologie morale fondamentale de l’abbé Jean-Pascal Perrenx, et des avis de l’Abbé Claude Barthe.

Abbé Guy Pagès