Je réponds ci-dessous à la critique par le prêtre polonais Marcin Wrzos de l’édition polonaise de mon ouvrage “Interroger l’islam” dans un article dont voici une traduction française :

J’avoue tout de suite que je ne me sens pas un super expert de l’islam et des musulmans. Bien sûr, pour mon doctorat j’ai passé des examens relatifs à cette religion – et l’un d’eux a été validé par un imam. J’ai des amis parmi les adeptes de cette religion et j’ai vécu en Afrique pendant quelques temps, en pays d’Islam. Mes amis et moi-même faisions des affaires avec eux. Ils nous offraient des services de bonne qualité, du matériel pour la construction d’écoles, de centres de santé, de bâtiments de mission, parfois plus rapidement et pour moins cher que bien d’autres. Leurs enfants allaient dans des écoles chrétiennes. Ils étaient des voisins ayant vraiment le souci les uns des autres.

Le titre du livre m’a irrité, car par principe je n’aime pas les gens qui pensent connaître la “vérité”, qui pensent quelquefois qu’elle est leur propriété et qu’ils ont la mission d’en témoigner. Or l’islam (comme le christianisme pour les membres d’autres religions) n’est ni facile à comprendre ni dépourvu d’ambiguïté. En Pologne, nous avons des musulmans d’origine tatare (qui consomment de l’alcool – ce qui leur est interdit –  et ne lisent pas le Coran en arabe) et des musulmans qui sont restés après leurs études, sont venus pour travailler, ou parce qu’ils ont épousé une Polonaise. C’est ainsi qu’il y a deux communauté et trois muftis (Les musulmans tatars ne savent pas auquel des trois se référer). Les trois grandes branches de l’Islam sont présentes : sunnisme, chiisme, kharidjisme. Chaque branche se divise en plusieurs factions. C’est ainsi que plusieurs mouvements sont encore présents en Pologne, comme les salafistes et les wahhabites. 

J’écris cela parce que l’auteur (Père Guy Pagès) affirme le principe que l’on ne peut séparer Islam et islamisme (terrorisme) et parce que ce principe n’est pas validé par le magistère de l’Eglise catholique et les études religieuses. Mon avis diffère également de ce principe. Nous vivons à une époque très intéressante : le pape François a signé avec le Grand imam de d’Al-Azhar un document intitulé « La fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune », c’est une déclaration de coopération en différents domaines.

Le Pape François visite un nombre grandissant de pays musulmans et nous sommes, dans l’Eglise, en train de retourner à l’enseignement conciliaire qui établit clairement que les musulmans appartiennent au Peuple de Dieu. « Le dessein de salut enveloppe également ceux qui reconnaissent le Créateur, en tout premier lieu les musulmans qui, professant avoir la foi d’Abraham, adorent avec nous le Dieu unique, miséricordieux, futur juge des hommes au dernier jour. (Lumen Gentium n°16)  »

Bien sûr il y a des ecclésiastiques qui, créant un micro-schisme, rejettent cet enseignement ou sont silencieux à son sujet. Nous vivons à une époque où les principales organisations islamiques, aussi bien que celles qui sont en Pologne, condamnent les actes de terreur commis par les islamistes (dont ne sont pas victimes que des chrétiens). Le Pape François a fait la même chose quand des événements en sens contraire se sont produits (par exemple à Christchurh en Nouvelle Zélande). A notre époque, le pape Jean-Paul II a embrassé le Coran et des responsables religieux participent à de fréquentes rencontres. Ce n’est pas parce qu’un musulman ou un chrétien tue quelqu’un ou commet un autre péché monstrueux que tous les musulmans ou tous les chrétiens en font autant. Cela rappelle un peu le récit du Kabaretu Moralnego Nieepokoju (groupe de comédiens polonais) : “Tous les terroristes ne sont pas musulmans, mais tous les musulmans sont terroristes !” Il y aurait beaucoup à dire à ce sujet.

Ce livre a sans aucun doute été précédé par un très sérieux travail de recherche, mais je sais par ailleurs qu’il y a d’autres interprétations des versets cités du Coran. Certaines sont arabes, et d’autres chrétiennes. De toute façon, il m’apparaît que ce le dialogue n’est pas la finalité poursuivie par cet ouvrage. Sa raison d’être est de confirmer la thèse selon laquelle l’islam est moralement mauvais. Mais je ne connais aucun type d’islam qui soit à 100% mauvais, comme je ne sache pas le christianisme être à 100% bon (Si le christianisme était bon à 100% nous ne commettrions pas de péché). Après tout, l’islam possède quelques bons et positifs aspects. Nous avons même beaucoup en commun, par exemple en ce qui concerne la spiritualité : le jeûne, la prière, la charité (l’aumône). Nous avons des points de vue communs en ce qui regarde les valeurs en faveur de la vie et de la moralité, christianisme et islam ont en commun d’être monothéistes, etc.

Publier ce livre a été une bonne chose. Plusieurs des problématiques théologiques et historiques présentées par son auteur sont réellement bien perçues et présentées. Mais le dialogue encouragé par les derniers papes ne fait pas partie des objectifs de ce livre. En fait l’auteur présente ce dialogue comme impossible. Le but réel et assumé de ce livre est de présenter une justification de sa thèse. Ce n’est pas “ma vérité” au sujet de l’islam et je crains que ce ne sont pas non plus la vraie “vérité”.

Marcin Wrzos OMI, Missionnaire des Oblats de Marie Immaculée, éditeur en chef de “Routes missionnaires” et de www.misyjne.pl , expert en missiologie, et théologien des médias. .

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La réponse de l’Abbé Pagès :

Je suis très peiné de votre critique de mon livre, non à cause de ce que vous dites à son sujet, mais à cause de ce qu’elle révèle du vôtre.

En effet, vous commencez par vous dire irrité par le titre, car vous n’aimez pas les gens qui pensent connaître la vérité, et qui à cause de cela se font un devoir de l’enseigner. Mais si la Vérité est inconnaissable, dites-moi : Jésus nous a-t-Il donc menti en prétendant le contraire (Jn 8.32), et en Se présentant Lui-même comme La vérité (Jn 14.6) ? Pourquoi est-Il venu rendre témoignage à la Vérité (Jn 18.36) si on ne peut la connaître ? Et pourquoi a-t-Il envoyé ses disciples en témoigner (Mt 28.20) ? Ses Apôtres ont-ils donc raconté n’importe quoi (1 P 1.22 ; 1 Jn 2.21 ; Jc 5.19 ; Rm 9.1 ; Ep 6.14) ? Si nous ne pouvons connaître la Vérité, comment pourrons-nous être sauvés, puisque c’est de sa connaissance dont dépend le salut (Jn 17.3) ? Dieu, ne veut-Il pas « que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité (1 Tm 2.4) » ? Jésus n’a-t-Il pas envoyé Son Esprit nous introduire « dans la Vérité tout entière (Jn 16.13) » ? N’êtes-vous pas vous-même tenu de l’enseigner à un titre suréminent en tant que prêtre, à l’instar de saint Paul qui s’est totalement dépensé « pour amener les élus de Dieu à la foi et à la connaissance de la vérité (Tt 1.1) » ? Comment pouvez-vous être catholique, religieux et prêtre, en niant que la vérité soit connaissable ? Le titre de mon livre vous a irrité, soit, mais peut-il en être autrement pour « ceux qui sont voués à la perdition pour n’avoir pas accueilli l’amour de la vérité qui leur aurait valu d’être sauvés (2 Th 2.10) » ?

Vous affirmez que l’islam est ambigu et difficile à comprendre, et vous vous empressez de présenter la multiplicité de ses différentes expressions historiques, en Pologne particulièrement, pour arguer de sa complexité, laquelle interdirait tout jugement parfait et définitif à son sujet. Comme si la multiplicité d’une chose empêchait de la connaître. Comme si le nombre de chats empêchait de connaître la nature des chats, ou le nombre incalculable de mensonges la définition du mensonge ? Ce qu’il faut savoir et dire au sujet de l’islam est en réalité aussi simple que la réponse à cette question : Qui peut venir APRES le Christ, sinon l’Antichrist ? « L’Économie chrétienne, étant l’Alliance Nouvelle et définitive, ne passera jamais et aucune nouvelle révélation publique n’est à attendre avant la manifestation glorieuse de notre Seigneur Jésus-Christ. (…) La foi chrétienne ne peut pas accepter des “révélations” qui prétendent dépasser ou corriger la Révélation dont le Christ est l’achèvement. (Catéchisme de l’Eglise Catholique, n°66-67) » Quel que soit le nom d’une secte musulmane, elle est par nature antichrist, et n’a donc aucune raison d’être. Son existence n’est pas une expression de la Volonté de Dieu voulant la pluralité des religions, mais un appel à l’évangélisation ! « Qui est l’antichrist ? C’est celui qui nie le Père et le Fils. (1 Jn 2.22) », et telle est la définition même de l’islam, qui affiche pour raison d’être la destruction de la foi chrétienne, laquelle est pour lui l’abomination par excellence, le seul péché impardonnable (Coran 4.48). Sa mission est de remplacer l’Eglise (Coran 2.193 ; 9.28,30,31).

Comme tout bon nominaliste, vous perdez de vue l’essentiel, et vous le faites perdre à ceux qui vous écoutent. Tout au long de votre propos, et dès le commencement où vous nous rapportez avoir été bien accueilli en Afrique par des musulmans, vous jouez de l’amalgame entre islam et musulman. Comme s’il fallait porter au crédit de l’islam la bonté naturelle des personnes qu’il a soumis. Parlant des musulmans pour parler de l’islam, vous utilisez ce procédé de manipulation bien connu qu’est l’amalgame, lequel trompe en inférant de la qualité de l’un des termes la même qualité dans l’autre terme au moyen de leur juxtaposition. Soit vous en êtes dupe, et dans ce cas, par votre manque de jugement, vous portez discrédit à vos diplômes et à vos responsabilités, soit vous ne l’êtes pas, et dans ce cas vous êtes malhonnête. Tout le monde comprend en effet qu’un homme ne se réduit pas à son idéologie, ni qu’une idéologie ne s’accomplit pas parfaitement en un homme. Cette distinction est essentielle. Jésus S’y appuie pour commander de ne pas juger autrui (Mt 7.1) mais de juger les actes (Lc 12.57), d’aimer ses ennemis (Mt 5.44), mais de haïr leurs péchés (Mc 9.43-48). Je veux ici dénoncer, au Nom de Dieu et de Son Esprit de vérité, cet amalgame aussi subversif que banal et fatal qui porte à confondre islam et musulman. Le bien qui se trouve chez un musulman ne doit jamais – je dis bien : jamais ! – être mis au compte de l’islam, mais toujours au compte de sa nature humaine, créée bonne par Dieu. Dieu, qui fait lever son soleil sur les bons et sur les mauvais, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes (Mt 5.45), donne à tous ses dons, aux musulmans comme aux autres hommes. Aussi, lorsqu’un musulman fait le bien, ce n’est jamais en vertu de son obéissance à Allah, mais de son obéissance à sa conscience, cette instance placée par Dieu au cœur de tout homme pour lui permettre d’entendre la voix de Dieu l’invitant à fuir le mal et faire le bien. Un musulman ne fait jamais le bien grâce à l’islam, mais toujours en dépit de l’islam, aussi vrai qu’« aucun arbre bon ne peut donner de mauvais fruits, ni un arbre mauvais donner de bons fruits (Mt 7.17) », et que l’islam, venant APRES le Christ, qui est Dieu, est aussi démoniaque qu’il se prétend divin. Nier cela, c’est rejeter la Révélation chrétienne. Mais vous, bien que prêtre, vous osez affirmer qu’il y a du bon dans l’islam, et ce faisant vous vous ingéniez à le rendre aimable, au lieu de le chasser comme le bon berger chasse le loup !

Vous me reprochez d’affirmer qu’islam et islamisme sont intrinsèquement liés. Mais d’où vient l’islamisme sinon de l’islam ? Sans islam, y aurait-il de l’islamisme ? Cette distinction entre islam et islamisme a été forgée pour faire accepter l’islam en Occident, mais elle ne repose sur aucune différence fondamentale puisque l’un et l’autre se réfèrent au même Allah, au même Coran, au même Mahomet, aussi inhumains l’un que l’autre. D’ailleurs, cette distinction répugne à tout musulman digne de ce nom, tel le Président de la Turquie, M. Erdogan, pour qui : « L’expression “islam modéré” est laide et offensante. Il n’y a pas d’islam modéré. L’islam est l’islam. (Kanal D TV, Août 2007) » Et en effet, est-ce que l’on dit, par exemple, qu’une femme est modérément enceinte ? Ou elle l’est, ou elle ne l’est pas. Je vous pose donc la question : Si un musulman modéré reste musulman, est-ce parce qu’il aime modérément les abominations commandées par Allah (ex. Coran 5.33), ou bien parce qu’il est modérément humain ? Comme je viens de le dire, un bon musulman est en fait un mauvais musulman, raison pour laquelle les islamistes le tuent au même titre que les mécréants, puisque ni lui ni eux n’obéissent au Coran (Cf. Coran 3.166-167 ; 4.137-139,142,145 ; 9.66-68,73). Suffit-il de dire face aux attentats : « Ce n’est pas ça l’islam ! », ou bien faut-il reconnaître que les djihadistes ne font que prêcher le Coran et imiter Mahomet ? Et qui ne voit que souhaiter un islam modéré suffit à dénoncer l’islam comme mauvais, car si l’islam doit être modéré pour être acceptable, c’est donc qu’en lui-même il ne l’est pas ! Nul besoin de modérer le christianisme ! Plus on imite le Christ, et plus on est aimable. Mais plus on imite Mahomet, et plus on est haïssable. C’est pourquoi j’aime tous les musulmans comme moi-même pour l’amour de Dieu, y compris les islamistes, mais je haïs l’islam de toute mon âme.

Pour nier que l’islam est l’islamisme au repos et l’islamisme l’islam en acte, vous arguez du magistère récent de l’Eglise et en particulier du document « La fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune » signé à Abu Dhabi par le pape François et le Grand Imam d’Al-Azhar, Ahmad Al-Tayyeb … qui ne représente pas l’islam, puisqu’à la différence de Jésus, Mahomet n’a confié son autorité à personne. Cela dit, si le magistère récent de l’Eglise ne peut contredire son magistère constant, mais doit être jugé à l’aune de celui-ci, alors ce document contredit la Révélation, notamment en affirmant que « le pluralisme et les diversités de religion, de couleur, de sexe, de race et de langue sont une sage volonté divine, par laquelle Dieu a créé les êtres humains. Cette Sagesse divine est l’origine dont découle le droit à la liberté de croyance et à la liberté d’être différents. » En effet, si Dieu veut l’islam, pourquoi être encore chrétien ? Est-ce que Dieu peut Se contredire en demandant de croire en Jésus, Dieu mort et ressuscité, puis de croire en l’islam qui rejette la foi chrétienne ? Si l’Église enseigne aujourd’hui le contraire de ce qu’elle a enseigné jusqu’ici, c’est donc qu’elle s’était trompée, et si elle s’est trompée hier, ne peut-elle pas se tromper aujourd’hui ? Pendant des siècles elle a évangélisé et aurait ainsi violé le droit des gens à n’être pas chrétiens ? Vraiment, peut-on encore être chrétien et ne pas en avoir honte ? D’où l’actuel refus d’évangéliser, et la condamnation du prosélytisme … Mais si ce document ruine la foi chrétienne et l’autorité de l’Eglise, il est par contre à la gloire de l’islam, car l’islam nie lui-aussi la distinction entre la nature (race, sexe…) et la culture (langue, religion), se faisant ainsi passer pour une réalité voulue par Dieu au même titre que la nature, aussi bon et nécessaire qu’elle (Coran 30.30). Ce document valide aussi la croyance musulmane en la schizophrénie d’Allah, qui crée plusieurs religions (Coran 7.16 ; 22.66) … pour que l’islam les détruise et se substitue à elles toutes (Coran 2.193 ; 9.30,33) ! En islam, la division spirituelle et morale de l’humanité est voulue par Allah (Coran 7.168 ; 22.66), parce qu’il est l’auteur du bien ET du mal (Coran 15.40 ; 32.13 ; 38.82 ; 91.8 ; 113.2). Mais en régime chrétien la division spirituelle de l’humanité est due aux seuls péchés (Gn 11), non à Dieu.

Errare humanum est. Perseverare diabolicum. Le Pape réitère le rejet de la précieuse distinction entre l’ordre naturel et l’ordre surnaturel, sans laquelle il n’y a pas même de révélation possible, lorsque dans son discours aux membres du Conseil musulman des Anciens, le 04 février 2020, à la Grande Mosquée du cheikh Zayed, il affirme : « La fraternité certainement exprime aussi la multiplicité et la différence qui existent entre les frères, bien que liés par la naissance et ayant la même nature et la même dignité. La pluralité religieuse en est une expression. » Si la pluralité religieuse est une expression de la fraternité, alors Jésus a manqué de fraternité en reniant ses frères qui ne l’étaient que charnellement, et en récusant la fraternité de ceux qui refusaient de L’adorer (Mc 3.32-35) ‒ ce que font aujourd’hui en particulier les musulmans. Jésus a-t-Il donc eu tort de les traiter de “fils du diable (Jn 8.44)” ? Etes-vous capable de répéter Ses paroles à leur endroit, ou bien vous font-elles rougir (Mc 8.38) ? Si la division spirituelle de l’humanité est voulue par Dieu, faut-il continuer à croire en Jésus venu rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés (Jn 11.52) ? Dieu ne veut-Il pas que nous soyons tous un, comme Il est Un (Jn 17.21), en sorte qu’il y ait « un seul troupeau et un seul berger (Jn 10.16) » ? La reconnaissance du « pluralisme et les diversités de religion » qui découleraient d’« une sage volonté divine » fondant « le droit à la liberté de croyance et à la liberté d’être différents », a pour corollaire l’impossibilité pour l’Église d’affirmer que la religion catholique est la seule vraie religion, en laquelle tous doivent s’efforcer d’entrer (Mt 28.18-19 ; Lc 14.23), et en conséquence de dénoncer l’islam comme imposture. La conséquence est que les chrétiens peuvent plus facilement devenir musulmans et les musulmans le rester. Est-il possible d’assumer la mission de vicaire du Christ et de croire que la division spirituelle et morale de l’humanité est voulue par Dieu ? Est-il possible d’accorder cette affirmation avec l’enseignement constant de l’Eglise exprimé par ces mots de Pie XI : « De telles entreprises ne peuvent, en aucune manière, être approuvées par les catholiques, puisqu’elles s’appuient sur la théorie erronée que les religions sont toutes plus ou moins bonnes et louables, en ce sens que toutes également, bien que de manières différentes, manifestent et signifient le sentiment naturel et inné qui nous porte vers Dieu et nous pousse à reconnaître avec respect Sa puissance. En vérité, les partisans de cette théorie s’égarent en pleine erreur, mais de plus, en pervertissant la notion de la vraie religion ils la répudient, et ils versent par étapes dans le naturalisme et l’athéisme. La conclusion est claire : se solidariser des partisans et des propagateurs de pareilles doctrines, c’est s’éloigner complètement de la religion divinement révélée. (Mortalium animos) »

Citant Lumen Gentium n°16 : « Le dessein de salut enveloppe également ceux qui reconnaissent le Créateur, en tout premier lieu les musulmans qui, professant avoir la foi d’Abraham, adorent avec nous le Dieu unique, miséricordieux, futur juge des hommes au dernier jour. », vous écrivez ‒ horresco referens ! ‒ que l’enseignement du concile Vatican II établit clairement que les musulmans appartiennent au Peuple de Dieu. Or, le texte ne dit pas cela (et pour cause !), mais que le dessein de salut les concerne. Et comment ne les concernerait-il pas ? Qui n’est pas aimé de Dieu et appelé au salut ? Mais peut-être n’avez-vous pas appris que l’on devient membre du Peuple de Dieu par le baptême ? Les musulmans qui ne sont pas baptisés ne font donc pas partie du peuple de Dieu (Cf. Vatican I, Dei Filius, 3). En d’autres temps vous auriez mérité un procès canonique pour falsification de document magistériel et enseignement hérétique. De plus, le texte ne dit pas que les musulmans ont la foi d’Abraham, mais qu’ils professent l’avoir. Nuance ! Une chose est de se prétendre propriétaire et autre chose de l’être réellement. Il n’y a que les menteurs pour faire semblant de ne pas voir la différence. Et puisque vous voulez faire du concile la référence absolue de la foi et de la pastorale, expliquez-nous comment le concile peut affirmer que « les musulmans cherchent à se soumettre de toute leur âme aux décrets de Dieu, même s’ils sont cachés, comme s’est soumis à Dieu Abraham (Nostra Aetate, n°3) », puisqu’Abraham s’est soumis à Dieu en croyant en Jésus (Jn 6.29 ; 8.56), et que l’Abraham coranique s’y refuse (Coran 2.135) ! Affirmer que les musulmans adorent avec nous le Dieu unique est aussi faux que ce que nous n’adorons que la Sainte Trinité, chacune de Ses personnes, et que l’islam se fait gloire de rejeter la foi en la Sainte Trinité et en la divinité de Jésus (Coran 4.71 ; 5.73,116) ! Là encore apparaît la perversion d’un amalgame, celui entre foi naturelle et foi surnaturelle : une chose est de comprendre que Dieu existe, et autre chose de Le connaître, comme Il Se connaît Lui-même. Dieu est le même pour tous, mais tous n’ont pas pour autant le même Dieu, puisqu’ils ne se réfèrent pas tous à la même révélation.

Vous arguez que le Pape Jean-Paul II a embrassé le Coran. Est-ce là un argument ? Le Pape est-il infaillible en tout ce qu’il dit ou fait ? Cette papolâtrie est éloignée de l’esprit catholique comme elle l’est du devoir de suivre sa conscience, devoir qui fit dire à saint John Henry Newman : « Si je dois porter un toast à la religion — je lèverai mon verre à la conscience d’abord et au Pape ensuite. » C’est ainsi que saint Paul a eu la charité de reprendre devant tout le monde saint Pierre cherchant à plaire aux proto-musulmans qu’étaient les judéo-chrétiens (Ga 2.11-14), comme l’a fait ce jour-là saint Jean-Paul II en embrassant le Coran. Que dites-vous aux chrétiens martyrisés pour avoir refusé de poser le même geste ?

Il est monstrueux de vous employer à brouiller les repères entre le domaine du Christ et celui de l’Antichrist, même si pour ce faire vous vous appuyez sur une parole du pape François affirmant la similitude des assassins chrétiens et musulmans. Comme s’il n’était pas vrai que lorsqu’un chrétien commet le mal, il ne peut jamais se revendiquer ni de l’exemple de Jésus ni de Son enseignement, tandis que lorsqu’un musulman fait la même chose, ou pire, il peut toujours se revendiquer et de l’exemple de Mahomet et de l’enseignement d’Allah. Quel malheur pour un prêtre de s’ingénier à cacher la différence entre le Christ et l’Antichrist ! Il est bien vrai que le document « La fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune » affirme que « Le terrorisme (…) n’est pas dû à la religion », mais qu’est-ce que LA religion citée par ce document ? Pour un catholique, il n’y a qu’une seule et vraie religion, la religion catholique (Cf. Dignitatis Humanae, n°1), et pour un musulman, il n’y a qu’une seule et vraie religion, l’islam (Coran 3.19,20,85). Dès lors, de quelle religion parlent de concert François et Ahmad Al-Tayyeb ?

En déplorant que l’intention de mon livre soit de montrer la malignité de l’islam, vous prouvez la nécessité de mon dessein, non moins que celle de dénoncer la perversion des apôtres de la nouvelle religion universelle, dont la Déclaration d’Abu Dhabi est une expression, faite de compromissions, d’omissions et de mensonges, basée sur la seule reconnaissance de l’existence de Dieu et un humanisme de façade, aussi vrai que la seule fraternité possible est en Jésus-Christ seul. Pourquoi pensez-vous que saint Paul commande : « Ne formez pas d’attelage disparate avec des infidèles. Quel rapport en effet entre la justice et l’impiété ? Quelle union entre la lumière et les ténèbres ? Quelle entente entre le Christ et Satan ? Quelle association entre le fidèle et l’infidèle ? » Etes-vous capable de dire avec saint Paul que Mahomet, les imams et tous ceux qui professent l’islam, sont maudits : « Si nous-mêmes, si un ange venu du Ciel vous annonçait un Évangile différent de celui que nous vous avons prêché, qu’il soit maudit ! Nous l’avons déjà dit, et aujourd’hui je le répète : si quelqu’un vous annonce un Évangile différent de celui que vous avez reçu, qu’il soit maudit ! (Ga 1.8-9 ; Mt 24.4,11,24 ; 1 Jn 2.22-24 ; 4.2-4) » ? Un autre objectif de mon livre est d’aider les chrétiens à comprendre pourquoi notre foi est la seule vraie, afin qu’ils la gardent et la défendent jusqu’au martyr s’il le faut, tant elle vaut plus que tout. C’est ainsi que contrairement à ce que vous le dites, mon livre est au service du dialogue islamo-chrétien, car il permet de déjouer les pièges de la takiya, d’échapper aux lieux communs anesthésiants de l’actuel dialogue de complaisance, tout en évangélisant. En ce temps où même les chrétiens « détournent l’oreille de la vérité pour se tourner vers les fables (2 Tm 4.4) », et où l’islam s’étend irrésistiblement en Occident en conséquence et châtiment de son apostasie, comme l’a très bien compris M. Paweł Lisicki qui a préfacé l’édition polonaise de mon ouvrage, j’entends combattre ce fléau et repousser cette malédiction. Aussi suis-je triste qu’un fils de la si valeureuse et aimée Pologne ne partage pas mon angoisse et mon combat, sachant que les « âmes rebelles, indociles à la vérité et dociles à l’injustice, méritent la colère et l’indignation. (Rm 2.8) »

Abbé Guy Pagès

Ma réponse a été traduite et publiée en polonais ici.

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