Le motu proprio Spiritus Domini promulgué le 10 janvier 2021 par le pape François permet aux femmes d’accéder aux ministères institués de l’acolytat (service de l’autel) et du lectorat (lecture liturgique de l’Ecriture sauf de l’Evangile). Voilà une mesure qui n’a pas dû déplaire à Christine Pedotti, co-fondatrice du Comité de la jupe, ayant reçu la Légion d’honneur en 2014 pour son combat en faveur de la promotion des femmes au sein de l’Eglise. Pour sœur Nathalie Becquart, nouvellement promue à Rome dans l’instance dirigeante du Synode des Evêques, avec droit de vote (une première dans l’histoire de l’Eglise), « c’est une bonne nouvelle », car « Nous sommes appelés à entrer dans cette nouvelle étape proposée par l’Eglise, accentuant le sacerdoce commun des baptisés, dans la suite de Vatican II. (Paris Notre Dame, n°1846, p.4) » Curieux propos puisque le service de l’autel auquel est ordonné l’acolytat ne relève justement pas du sacerdoce commun des baptisés, mais du sacerdoce ministériel …. Comment ne pas voir dans cette si lamentable confusion des sacerdoces, un effet anticipé de celle des sexes, favorisée par cette nouvelle répartition des rôles liturgiques ?

Il est vrai que le canon 230 établissait déjà la possibilité pour « les laïcs » (sans précision, donc hommes et femmes) d’exercer de façon temporaire ces fonctions en raison du manque de ministres ordonnés ou institués. Si donc cette nouvelle disposition s’inscrit dans la logique du Droit canonique existant, mais remontant seulement à Paul VI, pour autant, elle se trouve en contradiction avec la Volonté du Seigneur, puisqu’« Être institué lecteur ou acolyte, conformément à la vénérable tradition de l’Eglise, est réservé aux hommes. (Paul VI, Lettre apostolique, Ministeria Quaedam, 15 août 1972, § VII) »

Mais la Tradition de l’Eglise, ne peut elle être changée ? Il faut, certes, distinguer les traditions nées au cours du temps en fonction des contingences, et celles qui nous viennent des Apôtres, et que nous devons garder aujourd’hui encore (1 Co 11.2 ; 2 Co 2.15), parce qu’elles sont les expressions garanties du dépôt de « la foi donnée aux saints une fois pour toutes. (Jude 1.3,5) » Aujourd’hui, comme hier et demain, elles servent de repères pour penser et agir selon cette même foi : «Nous vous prescrivons, frères, au Nom du Seigneur Jésus Christ, de vous tenir à distance de tout frère qui mène une vie désordonnée et ne se conforme pas à la tradition que vous avez reçue de nous. (2 Co 3.6) » Or, comme le rappelait le Pape Paul VI, la Tradition apostolique, à laquelle le Pape François entend toucher, est claire au sujet du respect de la différence des rôles masculin/féminin dans la liturgie : elle fait expressément l’objet des préoccupations de l’Apôtre saint Paul dans sa Première Epître aux Corinthiens (11.1-16). Et parce que “la prédication apostolique, qui se trouve spécialement exprimée dans les livres inspirés, doit être conservée par une succession ininterrompue jusqu’à la consommation des temps (Dei Verbum, n°8)”… elle permet de nous tenir aujourd’hui encore à distance « des menteurs, hypocrites, marqués au fer rouge dans leur conscience, qui, reniant la foi, s’attachent à des esprits trompeurs et à des doctrines diaboliques, comme l’Esprit dit expressément que cela arrivera dans les derniers temps (1 Tm 4.2) », dont manifestement nous approchons. 

La fidélité à l’Esprit du Seigneur exprimé par les traditions des Apôtres a conduit le concile de Laodicée, en 364, à interdire aux prêtres d’entrer dans le sanctuaire avant l’évêque (canon n°56). C’est dire qu’approcher de l’autel est pour la Tradition de l’Eglise une question d’ordre. Or, parce que les femmes ne sont pas ordonnées, elles ne peuvent pas non plus entrer dans le sanctuaire (canon n°44). Et si des lecteurs ou des acolytes hommes pouvaient jusqu’ici canoniquement y entrer sans être ordonnés, c’est qu’étant de sexe masculin, ils n’étaient pas sans lien avec l’ordination, que seuls les hommes peuvent recevoir (canon 1024). La faculté accordée aux femmes de devenir lectrices ou acolytes vient donc contredire la réalité symbolique sur laquelle reposait jusqu’ici la tradition liturgique de l’Eglise, accomplissement du culte public de l’Ancienne Alliance. Mgr Schneider a récemment et amplement démontré que le service de l’autel, des plus humbles fonctions aux plus élevées, est une participation au sacerdoce même du Christ, duquel rend participant le sacrement de l’ordre et non celui du baptême, aussi vrai qu’être unis au Christ, et s’offrir en sacrifice « par Lui, avec Lui et en Lui », n’est pas se substituer à Lui dans l’offrande de Son propre sacrifice … Chacun ne peut jamais offrir que Son propre sacrifice, jamais celui d’un autre, sauf le prêtre, qui offre celui du Christ, ou plutôt par qui Jésus offre Son propre sacrifice.

Le sanctuaire est le lieu où s’accomplit le Sacrifice de Dieu fait homme, et l’ordre symbolique chargé de le rendre présent doit nécessairement respecter l’ordre naturel qu’Il est venu assumer et sauver. Or, l’humanité assumée par le Rédempteur est celle que Dieu a faite à Son image, et qu’Il a faite telle que l’homme n’est pas la femme, et que la femme n’est pas l’homme, tout comme le Père n’est pas le Fils et que le Fils n’est pas le Père, quand bien-même ils partagent la même nature et dignité. La différence est constitutive de la réalité, et la grâce ne détruit pas la nature, mais venant la rétablir en sa beauté originelle pour l’élever à la participation divine, elle se doit de la respecter en son originalité, pour la gloire du Créateur, celle du Rédempteur, et celle du Sanctificateur œuvrant par la liturgie. Dieu incarné étant un homme, il convient qu’Il soit représenté par un homme. C’est ce qu’a voulu Jésus ne choisissant que des hommes pour constituer le groupe des Douze, chargés de Le représenter. Et dans le mystère de la Création Lui-même, Dieu a déjà voulu être représenté par Adam, de qui vient la création représentée par Eve. Ce mystère est de grande portée ; je veux dire qu’il s’applique au Christ et à l’Église. (Ep 5.32)” Le non-respect de la différence sexuelle dans le cadre liturgique ouvre une brèche dont peu voient les conséquences : si la différence sexuelle n’est plus déterminante dans l’œuvre de la Rédemption qu’opère la liturgie, ni donc dans celle de la Création, en sorte que les femmes puissent servir à l’autel, pourquoi ne pas instituer des femmes diaconesses, en attendant mieux, et pourquoi les transgenres ne pourraient-ils pas les y rejoindre ? Il faut noter à ce sujet que le Pape François ne craint pas de concélébrer avec un prêtre ouvertement homosexuel, apôtre de l’homosexualité, de promouvoir au Dicastère pour la Communication du Saint Siège le père James Martin, fervent promoteur de la cause LGBTQI+, et d’affirmer que les Etats doivent légaliser les unions homosexuelles.1

L’importance du strict respect de la différence sexuelle dans la réception du sacrement de l’ordre donne à tous de comprendre que si les femmes n’étant pas moins capables de faire ce que font les prêtres, et hommes et femmes étant pareillement aimés de Dieu, alors, la seule raison justifiant que seuls des hommes puissent recevoir ce sacrement, est que celui-ci ne soit pas un dû, mais un don ! Et un don tel que nul ne peut lui opposer de droit, pas même en raison de l’excellence de sa nature humaine, puisque les femmes la partagent et ne peuvent absolument pas y prétendre. Ainsi est-il manifesté que ce sacrement n’est pas d’ordre naturel. Ainsi est magnifiée de façon parfaite l’altérité du Don de Dieu à nous offert par ce sacrement. De plus, cette disposition canonique détruit en son principe tout sentiment de jalousie ou de rivalité pour les hommes ne recevant pas ce sacrement : au nom de quoi pourraient-ils se plaindre de ne pas le recevoir puisque les femmes, pas moins humaines ou dignes qu’eux, ne peuvent absolument pas le recevoir ? Quel magnifique témoignage l’amour se rend-il à lui-même par l’admirable complémentarité des sexes, adorable secret de l’Etre trinitaire à nous révélé par la foi chrétienne, et que cette nouvelle disposition canonique vient un peu plus effacer à la suite de l’offensive nihiliste des féministes et des invertis. Si les femmes peuvent être des clercs, pourquoi les clercs ne pourraient-ils pas être des femmes ? La question n’est pas si folle puisque le président de la Conférence épiscopale allemande, Mgr Georg Bätzing, considère l’admission des femmes aux ministères ordonnés comme étant toujours d’actualité (Kölner Stadt-Anzeiger, 02.06.2020), en dépit de l’enseignement rappelé par saint Jean-Paul II : « L’Église estime ne pas avoir autorité pour conférer le sacerdoce aux femmes ; cela doit être considéré définitivement par tous les fidèles. (Ordinatio Sacerdotalis, n°4) » Ainsi envisage-t-il la bénédiction des couples d’adultères publics et celle d’invertis… Plutôt que de prétendre défendre la cause des femmes qui quitteraient l’Eglise au motif qu’elles n’y exerceraient pas assez de pouvoir (Cath-Info, 23.09.2020), pourquoi ne pas plutôt leur rappeler l’Evangile, qui, au rebours de l’esprit du monde, enseigne que toute revendication de pouvoir s’éloigne de la conscience d’être un serviteur inutile (Mc 10.43 ; Lc 17.10) ? Pourquoi ne pas davantage mettre en valeur la magnifique et irremplaçable grâce de la féminité, à l’instar du Manifeste « Appel à approfondir la vocation de la femme » ? Est-ce en effaçant la distinction sexuelle que l’on honore la féminité, ou bien en en reconnaissant l’être propre, avec sa dimension contemplative, cette attitude d’accueil, d’adoration, qui caractérise si bien la Femme par excellence (Lc 2.51), et sert à désigner toute l’Eglise, hommes et femmes ? N’est-ce pas la vie intérieure qui fait si cruellement défaut à nos liturgies, et en conséquence à la fécondité surnaturelle des chrétiens ?

Sa Sainteté justifie la nouvelle disposition canonique non seulement par « une pratique » qui s’est « consolidée dans l’Eglise latine », autrement dit par la soumission au fait accompli, ce qui est un argument théologique plutôt contestable, mais encore par « la condition commune du baptisé et du sacerdoce royal reçu dans le sacrement du baptême », même s’il affirme aussitôt que les sacerdoces baptismal et ministériel « sont distincts, dans leur essence ». Mais comment ne pas voir que cette distinction essentielle est niée si les femmes accèdent au service de l’autel où s’effectue justement l’office propre du sacerdoce ministériel ? Demande-t-on dans l’Eglise à ce que les hommes puissent tomber enceints, accoucher et allaiter ! Donner aux femmes d’exercer des fonctions propres aux clercs, n’est-ce pas du cléricalisme, cet affreux péché contre lequel le Pape François n’a cessé de prétendre lutter, tant il y voit la cause de tous les maux ?

La perte de « la tradition de l’Eglise », expression garantie de la Volonté du Seigneur, se laisse donc voir dans le manque de respect de la différence sexuelle, mais encore dans le rejet de la continence perpétuelle attachée au service de l’autel. En effet, selon la tradition de l’Eglise, si des hommes mariés peuvent devenir prêtres, les prêtres ne peuvent pas se marier. Et pourquoi cela, sinon parce qu’être ordonné au service de l’autel, c’est être voué à la continence perpétuelle ? De même, encore aujourd’hui, à un homme marié qu’il veut ordonner diacre permanent, l’évêque demande de faire la promesse, s’il devient veuf, de ne pas se remarier. Pourquoi cela, sinon parce que le service de l’autel l’engage à vivre dans la continence perpétuelle, tout marié qu’il puisse être ? Or, quel ordinand au diaconat permanent est mis aujourd’hui au courant de cette condition à sa réception du sacrement de l’ordre ? Quant à ceux qui envisagent, comme lors du récent synode pour l’Amazonie, l’ordination d’hommes mariés, quand les a-t-on entendu évoquer cette condition ? Il en va ainsi lorsque l’Eglise catholique admet l’ordination d’hommes mariés à qui elle ne demande pas la continence perpétuelle, comme c’est le cas pour certains catholiques orientaux, ou les ex-anglicans revenus à Rome. Le fait que ceux-ci ne puissent toutefois devenir évêques, s’explique par le fait qu’ils ne pratiquent pas la continence, et témoigne pour sa part de l’inquiétant oubli de la Tradition ecclésiale primitive…

Bref, à force de gommer la spécificité du culte catholique, verrons-nous bientôt dans nos églises des diaconesses ou même des prêtresses porter en procession la Pachamama et rendre un culte à Gaïa, la déesse mère, loin de l’affreux patriarcat hébréo-chrétien ?

Abbé Guy Pagès

Cet article est aussi présent sur l’excellent site de Liberté Politique

Voir l’article “Continence, célibat et sacerdoce”.

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  1. Proposition en contradiction avec la Déclaration de la Congrégation pour la Doctrine de la foi du 3 juin 2003 selon laquelle : « Les autorités civiles ne doivent pas établir union civile ou légale entre deux personnes du même sexe, qui clairement imite l’union du mariage même si de telles unions ne reçoivent pas le nom de mariage puisque de telles unions encourageraient le péché grave pour les personnes concernées et seraient cause d’un grave scandale pour d’autres. » []