L’islamologue bien connu en France a réagi à une polémique sur l’excision aux États-Unis. Pour lui, les mutilations génitales féminines “font partie des traditions de l’islam” et ne doivent pas être discutées avec des non-musulmans.

Aux États-Unis, l’imam du centre islamique de Falls Church, en Virginie, a recommandé au début du mois de juin de pratiquer l’excision pour éviter “l’hypersexualité” chez les femmes. Comprenant rapidement l’outrance de son discours, le leader musulman a rapidement fait marche arrière en “s’excusant devant celles et ceux qu’il a offensés”.

“Ne pas écouter les islamophobes”

C’était sans compter sur Tariq Ramadan qui a réagi dans une vidéo publiée sur Internet (ci-dessous, en anglais). Si l’islamologue proche des Frères musulmans – conformément au double discours qu’il tient en Europe et en France notamment -, a en préambule déclaré qu’il n’était personnellement pas en faveur de cette pratique, il n’a pas condamné cet acte de barbarie, bien au contraire.

“C’est controversé, mais il faut en discuter. Nous ne pouvons pas nier le fait que [l’excision] fait partie de nos traditions”, a-t-il déclaré dans la vidéo. Et de poursuivre : “Il ne faut pas exposer un de nos leaders qui a servi la communauté pendant plus de trente ans. Il faut nous lever pour défendre nos opinions, et avant de réagir de manière précipitée sur quelconque sujet, nous devons avoir une discussion interne. (…) Il ne faut pas laisser les autres décider pour nous quelles sont nos priorités. Nous devons dire avec dignité et confiance : c’est à nous de décider, pas aux islamophobes ni aux racistes”.

Comme d’habitude avec Tariq Ramadan, l’épouvantail de l’islamophobie est agité, même lorsqu’il s’agit de s’ériger contre les mutilations génitales sur les jeunes filles pour les empêcher de rencontrer le plaisir sexuel.

 Qu’a dit M. Ramadan dans cette vidéo ? Que l’excision et les mutilations génitales font partie «des traditions» de la communauté musulmane. Que ces mutilations sont illégales «comme elles sont illégales aux États-Unis» – M. Ramadan s’adresse alors aux musulmans américains qui se sont insurgés contre le prêche de l’iman Elsayed -, c’est être «infidèle à la tradition islamique».. Que ces musulmans qui ont demandé le renvoi de l’imam Elsayed l’ont fait par peur d’être stigmatisés par les non musulmans, non par conviction. Et ces non musulmans, dit Monsieur Ramadan, «on sait qui ils sont, on sait ce qu’ils veulent faire, on sait la manière dont ils veulent faire de l’islam un problème non seulement aux USA mais dans le monde entier». Ce sont des «racistes», des «islamophobes», et vous, musulmans américains qui critiquez l’imam Elsayed, vous faites le jeu de nos ennemis et vous n’êtes pas des «musulmans dignes». Enfin, que la question de la légitimité des mutilations génitales mérite d’être discutée, mais discutée «en interne», au sein de la communauté musulmane, sans influence ni a fortiori injonction du «contexte», des «racistes», des «islamophobes», des autres en somme qui «ont un agenda politique»; ce n’est au demeurant pas vraiment un débat impliquant tous les musulmans que prône M. Ramadan puisque précisément, il reproche aux musulmans américains d’avoir pris l’initiative de contester les propos de l’imam Elsayed et donc d’être entrés dans le débat ; non, c’est un débat qui doit avoir lieu entre les docteurs de la foi et les intellectuels, les savants en somme, avec éventuellement, et si besoin était, des questions à des médecins musulmans. Il sera possible de soulever des arguments pendant ce débat mais en l’occurrence, in fine, ce sont les docteurs de la foi qui doivent déterminer si, du point de vue de l’islam, l’excision doit être considérée comme condamnable … ou acceptable ! (Le Coran reproche aux chrétiens d’avoir « élevé au rang de divinités en dehors de Dieu leurs rabbins et leurs moines (Coran 9.31) ». Mais ce verset ne concerne-t-il pas plutôt les musulmans qui font dépendre leur salut de l’obéissance à Mahomet, à ses compagnons (Coran 7.158 ; 9.100 ; 33.21), à leurs imams et savants ? L’islam pratique ici encore l’inversion accusatoire, imputant aux chrétiens ― qui sont fondés à reconnaître en l’autorité de leur hiérarchie celle-là même de Dieu (Mt 16.18-19) ― sa propre imposture de faire passer pour religion ce qui n’est que politique. En effet, ce qui différencie des gens croyant tous au même Allah, au même Mahomet, au même Coran, mais cependant refusent de se reconnaître mutuellement musulmans (par ex : sunnites et chiites) est qu’ils ne vénèrent pas tous… les mêmes hommes politiques ! Comment ne pas voir que l’islam n’est qu’une affaire d’hommes ? Et comment ceux qui auront pris les atrocités commandées par Allah et Mahomet pour l’expression de la Volonté de Dieu pourront-ils au Jour du Jugement dernier se présenter devant Lui qui S’est révélé en Jésus n’être qu’Amour ? Où iront-ils cacher la honte de L’avoir ainsi méconnu et défiguré, sinon en Enfer ? N’est-ce pas eux qui alors devront dire : « Seigneur ! Nous obéissions à nos chefs et à nos dignitaires et ce sont eux qui nous ont détournés du droit chemin. (Coran 33.67) (Extrait de Interroger l’islam, C 19) » ?

Non pas que M. Ramadan soit personnellement en faveur de l’excision. À y regarder de plus près, il indique même qu’il ne l’est pas, mais sans trop insister sur le point, en utilisant une formulation floue, une expression faible. Aucune indignation, rien de la véhémence que l’on aurait pu espérer s’agissant de pratiques internationalement reconnues comme des mutilations sauvages et des sévices corporels pénalement répréhensibles dans tout État de droit. Il aurait pu être en faveur de l’excision mais il se trouve qu’il est contre; on ne saura toutefois pas vraiment pourquoi. Car là n’est pas le cœur du message de M. Ramadan. Son message, c’est avant tout celui d’une injonction à la solidarité communautaire, à la soumission au groupe, d’autant plus impérative, dit le «savant» Ramadan à ses «frères» et «sœurs», qu’il y a conflit entre l’islam et l’occident. L’occident et les occidentaux, l’ouest, les «sionistes» pour reprendre une terminologie que l’on retrouve dans les commentaires des sites communautaristes musulmans et sous la vidéo de M. Ramadan sur Facebook. L’occident qui veut la perte de l’islam. Vous vivez en occident mais l’occident vous déteste, sachez-le. Chaque occidental, tous ceux qui vous entourent là où vous vivez, sont des racistes et des islamophobes. Chaque occidental tient chaque musulman pour son ennemi personnel. Et quand l’occidental critique les paroles de l’imam, c’est vous qu’il critique, c’est vous qu’il agresse, c’est vous qu’il entend détruire. Dès lors, vous, «frères» et «sœurs» musulmans américains (mais le message s’adresse vraisemblablement à tous les musulmans vivant dans des pays occidentaux), vous devez être conscients de ceci: votre devoir, c’est de soutenir votre communauté. Même si cela passe par accepter des pratiques, des diktats qui heurtent profondément votre sensibilité et votre éthique personnelle. Vous êtes avec nous ou contre nous, votre devoir est d’être avec nous, et si pour y parvenir, vous devez vous taire, eh bien, taisez-vous.

«Il ne faut pas laisser les autres décider pour nous quelles sont nos priorités. Nous devons dire avec dignité et confiance: c’est à nous de décider, pas aux islamophobes ni aux racistes», explique Ramadan dans sa vidéo. Encore une fois toute critique de l’islam est assimilé au racisme ou à l’islamophobie…

Exactement. Sauf que les critiques qui se sont élevées contre l’imam Elsayed ne sont pas une critique de l’islam. Ces critiques ont d’abord été formulées par des Américains musulmans, et par-dessus le marché par des musulmans fervents: il s’agit de fidèles fréquentant la mosquée de l’imam en question. Mais M. Ramadan opère un glissement sémantique tout à fait intentionnel. Si l’on attaque les paroles d’un imam, on attaque l’islam. Si cette critique vient de musulmans, elle fait le jeu de vos ennemis donc elle vise l’islam. Donc elle vise tous les musulmans. Donc elle est raciste ou elle fait le jeu des racistes. Ou plutôt des islamophobes, c’est-à-dire les racistes envers l’islam et les musulmans. C’est là qu’on voit toute la perversité du concept d’islamophobie créé par les têtes pensantes de l’islam politique. L’islamophobie n’est rien d’autre qu’une arme, un instrument de conquête. L’islamophobie est une mystification qui vise à réduire au silence tous ceux qui voudraient voir progresser l’islam vers un islam éclairé, un islam réformé, une religion de paix et d’amour qui deviendrait alors insusceptible d’être invoqué par des ennemis de l’occident pour justifier le djihad. L’islamophobie, c’est le rétablissement du délit de blasphème. Et nous, nous nous laissons faire: ce concept est repris par des responsables politiques, par des organisations internationales, par des intellectuels occidentaux. Ceux-là ont-ils oublié cette histoire de feu et de sang qui nous a permis de comprendre que réprimer le blasphème, c’est rester dans l’obscurantisme et dans la haine de l’autre? Ont-ils perdu de vue que là où le blasphème est encore réprimé, les pays musulmans en grande majorité, il est souvent utilisé par un islam majoritaire pour persécuter les minorités religieuses, par exemple au Pakistan avec les minorités chrétiennes?

Le discours de M. Ramadan est tragique. Il est tragique pour nous en tant que nations occidentales, il est tragique pour les musulmans. Tragique pour la cohésion nationale car c’est un discours destiné à alimenter la peur de l’autre, le repli communautaire, c’est un discours défensif, sécessionniste et in fine agressif. Si l’on suit le raisonnement de M. Ramadan, c’est très simple: tout musulman doit s’envisager avant tout comme un membre de la communauté des musulmans, et en tant que membre de cette communauté, il doit préférer la règle de l’islam aux droits et libertés fondamentales que lui garantit la constitution nationale. Concernant les mutilations sexuelles féminines, le bon musulman devra s’en remettre à la décision des savants de l’islam. Décident-ils que cette pratique est obligatoire, alors, si l’on suit la logique de M. Ramadan, les bons musulmans devront s’y soumettre et y soumettre leurs enfants. Ils auront le devoir de violer sciemment une loi nationale destinée à les protéger contre des sévices corporels épouvantables pour se montrer «dignes d’être musulman», pour reprendre les termes de M. Ramadan. Or les savants de l’islam auxquels fait référence M. Ramadan ont déjà une position sur cette question: ils les considèrent, selon les différents courants de l’islam sunnite, soit comme honorifique, soit comme recommandée, soit comme obligatoire …

L’injonction à la solidarité communautaire quel que soit son prix se retrouve dans l’enthousiasme manifesté par Houria Bouteldja, dans son livre Les Blancs, les juifs et nous, devant la réaction de cette femme noire qui expliquait qu’elle préférait ne pas porter plainte après avoir été violée par un homme noir car elle ne pouvait pas «supporter de voir un homme noir en prison». Pour reprendre le commentaire de Jack Dion, «un Blanc qui viole une Noire, c’est un crime raciste. Un Noir qui viole une Noire, c’est une affaire de famille». Ces discours sécessionnistes, de peur et de repli, sont remarquablement efficaces pour bien fédérer un groupe ; et surtout pour bien le fédérer derrière celui qui tente de leur insinuer cette peur. Car tel est l’objectif de M. Ramadan: fédérer une communauté musulmane qui aujourd’hui ne l’est pas, qui est éclatée en sous-communautés selon (notamment) les pays d’origine des fidèles, et la fédérer autour d’un projet politique fondamentaliste qui doit non seulement la conduire à faire prévaloir la Charia sur les règles du pays où ces musulmans vivent mais à le faire dans une démarche défensive et donc en définitive agressive. C’est la démarche typique de l’islam politique des Frères Musulmans qui, pour reprendre l’expression de l’ex-Frère Farid Abdelkrim, prétend servir Dieu et les hommes mais entend surtout «se servir de Dieu et se servir des hommes». Et ne nous y trompons pas, cette stratégie, qui vise à ce que chaque musulman considère chaque non musulman comme un ennemi personnel, a déjà commencé à porter des fruits et risque fort, sur le temps long, d’être redoutablement efficace et délétère… “Entre nous et vous, c’est l’inimitié et la haine à jamais jusqu’à ce que vous croyez en Allah, seul ! (Coran 60.4).

«Nous ne pouvons pas nier le fait que [l’excision] fait partie de nos traditions». En arrière-plan de cette polémique se pose la question de la compatibilité de l’islam avec les valeurs et le mode de vie occidentale?

M. Ramadan, le savant, le philosophe qui a fait sa thèse sur Nietzsche et étudié Kant, estime qu’il faut «discuter du point en interne». Voilà aussi toute l’habileté d’un certain discours fondamentaliste musulman, rodé à marginalement revisiter et habiller de relativisme les préceptes et pratiques les plus rigoristes de l’islam pour ne pas trop choquer l’opinion occidentale majoritaire (non musulmane): on ne dit pas que l’excision c’est bien, mais on suggère qu’il serait possible, voire opportun, de débattre de la question et d’en accepter à tout le moins les formes les moins extrêmes ; et ce alors même qu’il s’agit d’un délit pénal! C’est un peu comme si l’on prétendait débattre du point de savoir si arracher un œil à quelqu’un pourrait, dans certaines circonstances, être acceptable, aujourd’hui et dans une société occidentale avancée, au motif que cela ferait partie d’une tradition immémoriale sur un continent dont sont originaires certains membres de la société. Ajoutons que l’imam Elsayed précise également que dans les pays musulmans où cette circoncision n’est plus réalisée, il existerait des problèmes d’hypersexualisation de la femme. Pour le dire plus simplement, pour l’imam, la femme musulmane – et toutes les autres aussi bien sûr – non excisée une nymphomane en puissance.

Quelle est la position de l’occident dans tout cela? M. Ramadan a un point, et un seul. Oui, effectivement, l’occident porte des valeurs qui s’opposent frontalement à celles des fondamentalistes musulmans. Mais l’occident en porte une autre, qui domine toutes les autres: celle du rejet total et absolu de l’essentialisation. Pour le dire plus simplement, l’occident est sans aucun doute en conflit avec le fondamentalisme musulman qui veut qu’un individu ne soit pas libre mais soumis, à Dieu, à l’islam, à la communauté. Qui veut que la femme ne soit pas considérée comme l’égale de l’homme. Qui estime que le non musulman est un mécréant qui doit être combattu, quel qu’il soit, même celui qui vous a tendu la main, qui vous a donné son amitié, son estime, un travail. Qui prévoit des peines de lapidation pour les femmes adultères, qui en arrive à enjoindre la femme victime de viol d’épouser son violeur pour éviter le déshonneur d’arriver vierge au mariage. Qui doit encore réfléchir au point de savoir si les mutilations sexuelles féminines n’auraient pas en définitive quelques inconvénients. Mais l’occident ne considère pas les musulmans comme ses ennemis. Dans les pays occidentaux où certains d’entre eux se sont installés, ils jouissent des mêmes droits et libertés que tous leurs concitoyens. Des politiques de lutte contre les discriminations sont mises en œuvre, les manifestations de racisme sont non seulement sévèrement réprimées mais déclenchent de surcroît une opprobre publique systématique. M. Ramadan, dont l’audience, la notoriété et l’influence dans les pays musulmans est négligeable, ne s’adresse d’ailleurs qu’aux musulmans vivant en occident et, il faut bien le dire, avec un certain succès. Or à ces derniers, nous devons le dire: méfiez-vous du chant de la sirène Ramadan. M. Ramadan n’est pas votre ami. Vos amis, ce sont les gens qui sont autour de vous, les occidentaux. Ce sont eux qui vous ont accueillis, nourris, soignés, éduqués avec autant de soin qu’on a pu le faire avec n’importe lequel de vos concitoyens. Ce sont eux qui sont ou seront vos amis, vos amours, vos clients, vos employeurs, vos médecins, vos enseignants. C’est eux, ce n’est pas Frère Tariq et ce n’est pas les pays musulmans que vous avez quitté car précisément, ils n’ont pas été capables de vous donner ce que l’occident vous a fourni.

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Voir aussi :

L’excision, un remède à la débauche !

L’excision, précepte de la charia…