Instruction « Memoriale Domini » regardant l’autorisation de recevoir la Sainte Communion dans la main, là où cet usage s’était déjà introduit ; suivie de la lettre « En réponse à la demande », rédigée en langue française et adressée aux Évêques de France.

I. L’Instruction « Memoriale Domini »

En célébrant le mémorial du Seigneur, l’Église affirme par ce rite sa foi et l’adoration du Christ, présent dans le sacrifice et offert en nourriture à ceux qui participent à la table eucharistique.

C’est pourquoi elle tient beaucoup à ce que l’Eucharistie soit célébrée et qu’on y participe de la façon la plus digne et la plus fructueuse, en gardant dans toute sa pureté la tradition – parvenue jusqu’à nous avec un certain développement – dont les richesses sont passées dans les usages et la vie de l’Église. Les documents historiques nous montrent en effet que l’Eucharistie a été célébrée et distribuée de multiples façons. Et de nos jours des changements importants et nombreux ont été introduits dans le rite de la célébration de l’Eucharistie, afin qu’il réponde mieux aux besoins spirituels et psychologiques des hommes d’aujourd’hui. De plus, dans la discipline relative au mode de participation des fidèles au divin sacrement a été rétabli, dans certaines circonstances, l’usage de la communion sous les deux espèces du pain et du vin, qui était autrefois commun, également dans le rite latin, et qui ensuite est progressivement tombé en désuétude. L’état de choses ainsi instauré s’était déjà généralisé au moment du Concile de Trente, lequel le sanctionna et le défendit par une doctrine dogmatique, parce qu’il convenait à la situation de cette époque1 Par ces éléments de renouveau, le signe du banquet eucharistique et l’accomplissement fidèle du mandat du Christ sont devenus plus manifestes et vivants. Mais en même temps, ces dernières années, la participation plus complète à la célébration eucharistique, exprimée par la communion sacramentelle, a suscité çà et là le désir de revenir à l’ancien usage de déposer le Pain eucharistique dans la main du fidèle, lequel se communie lui-même en le portant à sa bouche.

Dans certains endroits et dans certaines communautés, cette façon de faire est pratiquée, bien que le Saint-Siège n’ait pas encore donné l’autorisation demandée et que parfois cette pratique ait été introduite sans que les fidèles y aient été préparés convenablement.

Il est certes vrai qu’en vertu d’un usage ancien, les fidèles ont pu autrefois recevoir cet aliment divin dans la main et le porter eux-mêmes à la bouche. Il est également vrai que, dans des temps très anciens, ils ont pu emporter le Saint Sacrement avec eux, depuis l’endroit où était célébré le Saint Sacrifice, avant tout pour s’en servir comme viatique dans le cas où ils auraient à affronter la mort pour confesser leur foi.

Cependant, les prescriptions de l’Église et les textes des Pères attestent abondamment le très profond respect et les très grandes précautions qui entouraient la sainte Eucharistie. Ainsi, « que personne… ne mange cette chair s’il ne l’a auparavant adorée »2 , et à quiconque la mange est adressé cet avertissement : « … reçois ceci, en veillant à n’en rien perdre »3 : « C’est en effet le Corps du Christ »4 .De plus, le soin et le ministère du Corps et du Sang du Christ étaient confiés d’une façon toute spéciale aux ministres sacrés ou aux hommes désignés à cet effet : « Après que celui qui préside a récité les prières et que le peuple tout entier a acclamé, ceux que nous appelons les diacres distribuent â tous ceux qui sont présents, et portent aux absents, le pain, le vin et l’eau sur lesquels ont été données les grâces » 5 .

Aussi, la fonction de porter la Sainte Eucharistie aux absents ne tarda-t-elle pas à être confiée uniquement aux ministres sacrés, afin de mieux assurer le respect dû au Corps du Christ, et en même temps de mieux répondre aux besoins des fidèles. Par la suite, lorsque la vérité et l’efficacité du mystère eucharistique, ainsi que la présence du Christ en lui, ont été plus approfondies, on a mieux ressenti le respect dû à ce Très Saint Sacrement et l’humilité avec laquelle il doit être reçu, et la coutume s’est établie que ce soit le ministre lui-même qui dépose sur la langue du communiant une parcelle de Pain consacré.

Compte tenu de la situation actuelle de l’Église dans le monde entier, cette façon de distribuer la Sainte Communion doit être conservée, non seulement parce qu’elle a derrière elle une tradition multiséculaire, mais surtout parce qu’elle exprime le respect des fidèles envers l’Eucharistie.

Par ailleurs, cet usage ne blesse en rien la dignité personnelle de ceux qui s’approchent de ce sacrement si élevé, et il fait partie de la préparation requise pour recevoir le Corps du Seigneur d’une façon très fructueuse6 . Ce respect exprime bien qu’il s’agit non pas « d’un pain et d’une boisson ordinaires »7 , mais du Corps et du Sang du Seigneur, par lesquels « le peuple de Dieu participe aux biens du sacrifice pascal, réactualise l’alliance nouvelle scellée une fois pour toutes par Dieu avec les hommes dans le Sang du Christ, et dans la foi et l’espérance préfigure et anticipe le banquet eschatologique dans le Royaume du Père »8 .

De plus, cette façon de faire, qui doit déjà être considérée comme traditionnelle, assure plus efficacement que la Sainte Communion soit distribuée avec le respect, le décorum et la dignité qui lui conviennent ; que soit écarté tout danger de profanation des espèces eucharistiques, dans lesquelles, « d’une façon unique, totalement et intégralement le Christ, Dieu et homme, se trouve présent substantiellement et sous un mode permanent »9 ; et qu’enfin soit attentivement respecté le soin que l’Église a toujours recommande à l’égard des fragments de Pain consacré : « Ce que tu as laissé tomber, considère que c’est comme une partie de tes membres qui vient à te manquer »10 .

Aussi, devant les demandes formulées par un petit nombre de Conférences épiscopales, et certains évêques à titre individuel, pour que sur leur territoire soit admis l’usage de déposer le Pain consacré dans les mains des fidèles, le Souverain Pontife a-t-il décidé de demander à tous les évêques de l’Église latine ce qu’ils pensent de l’opportunité d’introduire ce rite. En effet, des changements apportés dans une question si importante, qui correspond à une tradition très ancienne et vénérable, non seulement touchent la discipline, mais peuvent aussi comporter des dangers qui, comme on le craint, naîtraient éventuellement de cette nouvelle manière de distribuer la Sainte Communion, c’est-à-dire : un moindre respect pour l’auguste sacrement de l’autel ; une profanation de ce sacrement ; une altération de la vraie doctrine.

C’est pourquoi trois questions ont été posées aux évêques, dont les réponses s’établissent ainsi à la date du 12 mars dernier :

1. Pensez-vous qu’il faille exaucer le voeu que, outre la manière traditionnelle, soit également autorisé le rite de la réception de la Communion dans la main ?

Placet : 567
Non placet : 1 233
Placet juxta modum : 315
Réponses non valides : 20.

2. Aimeriez-vous que ce nouveau rite soit expérimenté d’abord dans de petites communautés, avec l’autorisation de l’Ordinaire du lieu ?

Placet : 751
Non placet : 1 215
Réponses non valides 70.

3. Pensez-vous qu’après une bonne préparation catéchétique, les fidèles accepteraient volontiers ce nouveau rite ?

Placet : 835
Non placet : 1185
Réponses non valides : 128.

Ces réponses montrent donc qu’une forte majorité d’évêques estiment que rien ne doit être changé à la discipline actuelle et que si on la changeait cela offenserait le sentiment et la sensibilité spirituelle de ces évêques et de nombreux fidèles.

C’est pourquoi, compte-tenu des remarques et des conseils de ceux que « l’Esprit-Saint a constitués intendants pour gouverner » les Églises11 , eu égard à la gravité du sujet et à la valeur des arguments invoqués, le Souverain Pontife n’a pas pensé devoir changer la façon traditionnelle de distribuer la Sainte Communion aux fidèles.

Aussi, le Saint-Siège exhorte-t-il vivement les évêques, les prêtres et les fidèles à respecter attentivement la loi toujours en vigueur et qui se trouve confirmée de nouveau, en prenant en considération tant le jugement émis par la majorité de l’épiscopat catholique que la forme utilisée actuellement dans la sainte liturgie, et enfin le bien commun de l’Église.

Mais là où s’est déjà introduit un usage différent – celui de déposer la Sainte Communion dans la main – le Saint-Siège, afin d’aider les Conférences épiscopales à accomplir leur tâche pastorale, devenue souvent plus difficile dans les circonstances actuelles, confie à ces mêmes Conférences la charge et le devoir de peser avec soin les circonstances particulières qui pourraient exister, à condition cependant d’écarter tout risque de manque de respect ou d’opinions fausses qui pourraient s’insinuer dans les esprits au sujet de la Très Sainte Eucharistie, et d’éviter soigneusement tous autres inconvénients.

De plus, en pareils cas, pour que cet usage s’établisse comme il faut, les Conférences épiscopales prendront, après prudent examen, les décisions opportunes, par vote secret et à la majorité des deux tiers. Ces décisions seront ensuite soumises au Saint-Siège, pour en recevoir la nécessaire confirmation12 , accompagnées d’un exposé précis des causes qui les ont motivées. Le Saint-Siège examinera chaque cas attentivement, en tenant compte des liens existant entre les différentes églises locales, ainsi qu’entre chacune d’elles et l’Église universelle, afin de promouvoir le bien commun et l’édification commune, et afin que l’exemple mutuel accroisse la foi et la piété.

Cette instruction, rédigée par mandat spécial du Souverain Pontife Paul VI, a été approuvée par lui-même, en vertu de son autorité apostolique, le 28 mai 1969, et il a décidé qu’elle soit portée à la connaissance des évêques par l’intermédiaire des présidents des Conférences épiscopales.

Nonobstant toutes dispositions contraires.

À Rome, le 29 mai 1969.

Benno, Card. Gut, Préfet

A. Bugnini, Secrétaire

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Le 6 juin suivant, une lettre du Cardinal Gut, Préfet de la Sacrée Congrégation pour le Culte divin, répondait à la demande présentée par la Conférence épiscopale de France.

II. La Lettre de la Sacrée Congrégation pour le Culte divin en réponse à la demande présentée par Votre Conférence Épiscopale sur la permission de distribuer la Communion en déposant l’Hostie dans la main des fidèles, je suis en mesure de vous transmettre la communication suivante :

Tout en rappelant ce qui fait l’objet de l’Instruction ci-jointe, en date du 29 mai 1969, sur le maintien en vigueur de l’usage traditionnel, le Saint-Père a pris en considération les motifs invoqués à l’appui de Votre demande et les résultats du vote qui est intervenu à ce sujet. Il accorde que, sur le territoire de Votre Conférence Épiscopale, chaque Évêque, selon sa prudence et sa conscience, puisse autoriser dans son diocèse l’introduction du nouveau rite pour distribuer la Communion, à condition que soient évités toute occasion de surprise de la part des fidèles et tout danger d’irrévérence envers l’Eucharistie.

Pour cela, on tiendra compte des normes suivantes :

1. La nouvelle manière de communier ne devra pas être imposée d’une manière qui exclurait l’usage traditionnel. Il importe notamment que chaque fidèle ait la possibilité de recevoir la Communion sur la langue, là où sera concédé légitimement le nouvel usage et lorsque viendront communier en même temps d’autres personnes qui recevront l’Hostie dans la main. En effet, les deux manières de communier peuvent coexister sans difficulté dans la même action liturgique. Cela, pour que personne ne trouve dans le nouveau rite une cause de trouble à sa propre sensibilité spirituelle envers l’Eucharistie et pour que ce Sacrement, de sa nature source et cause d’unité, ne devienne pas une occasion de désaccord entre les fidèles.

2. Le rite de la Communion donnée dans la main du fidèle ne doit pas être appliqué sans discrétion. En effet, puisqu’il s’agit d’une attitude humaine, elle est liée à la sensibilité et à la préparation de celui qui la prend. Il convient donc de l’introduire graduellement, en commençant par des groupes et des milieux qualifiés et plus préparés. Il est nécessaire surtout de faire précéder cette introduction par une catéchèse adéquate, afin que les fidèles comprennent exactement la signification du geste et accomplissent celui-ci avec le respect dû au Sacrement. Le résultat de cette catéchèse doit être d’exclure quelque apparence que ce soit de fléchissement dans la conscience de l’Église sur la foi en la présence eucharistique, et aussi quelque danger que ce soit ou simplement apparence de danger de profanation.

3. La possibilité offerte au fidèle de recevoir dans la main et de porter à la bouche le Pain eucharistique ne doit pas lui offrir l’occasion de le considérer comme un pain ordinaire ou une chose sacrée quelconque ; elle doit, au contraire, augmenter en lui le sens de sa dignité de membre du Corps Mystique du Christ, dans lequel il est inséré par le Baptême et par la grâce de l’Eucharistie, et aussi accroître sa foi en la grande réalité du Corps et du Sang du Seigneur qu’il touche de ses mains. Son attitude de respect sera proportionnée à ce qu’il accomplit.

4. Quant à la manière de faire, on pourra suivre les indications de la tradition ancienne, qui mettait en relief la fonction ministérielle du prêtre et du diacre, en faisant déposer l’Hostie par ceux-ci dans la main du communiant. On pourra cependant adopter aussi une manière plus simple, en laissant le fidèle prendre directement l’Hostie dans le vase sacré [NOTA]. En tout cas, le fidèle devra consommer l’Hostie avant de retourner à sa place, et l’assistance du ministre sera soulignée par la formule habituelle : « Le Corps du Christ », à laquelle le fidèle répondra : « Amen ».

NOTA. On remarquera utilement que :
a) Cette phrase : « On pourra cependant adopter aussi une manière plus simple, en laissant le fidèle prendre directement l’Hostie dans le vase sacré » est omise au n. 21 de De sacra Communione et de cultu mysteria eucharistici extra Missam (21 juin 1973) ;
b) Cette pratique est formellement interdite dans l’édition 2002 de Missale Romanum, au n. 160 de la Présentation générale ;
c) Cette interdiction est rappelée le 25 mars 2004 au n. 94 de Redemptionis Sacramentum.

5.  Quelle que soit la forme adoptée, qu’on fasse attention à ne pas laisser tomber ni se disperser des fragments du Pain eucharistique, comme aussi à la propreté convenable des mains et à la bonne tenue des gestes selon les usages des divers peuples.

6. Dans le cas de la Communion sous les deux espèces distribuée par intinction, il n’est jamais permis de déposer dans la main du fidèle l’Hostie trempée dans le Sang du Seigneur.

7. Les Évêques qui auront permis l’introduction du nouveau mode de communion sont priés d’envoyer à cette Sacrée Congrégation, d’ici six mois, un rapport sur le résultat de cette concession.

  1.  Cf. Conc. Trid., Sess. XXI, Doctrina de communione sub utraque specie et parvulorum : DS 1726-1727 (930) ; Sess. XXII, Decretum super petitionem concessionis calicis : DS 1760. []
  2. Augustinus, Enarrationes in Psalmos 98, 9 : PL 37, 1264. []
  3. Cyrillus Hieros., Catecheses Mystagogicæ 5, 21 : PG 33, 1126. []
  4. Hippolytus, Traditio Apostolica 37 : ed. B. Botte, 1963, p. 84. []
  5.  Iustinus, Apologia I, 65 : PG 6, 427 []
  6. Cf. Augustinus, Enarrationes in Psalmos 98, 9 : PL 37, 1264-1265. []
  7. Cf. Augustinus, Apologia I, 66 : PG 6, 427 ; cf. Irenæus, Adversus Hæreses I. 4, c. 18, n. 5 : PG 7, 1028-1029. []
  8. Sacra Congregatio Rituum, Instr. Eucharisticum mysterium, n. 3a : AAS 59 (1967) 541. []
  9.   Cf. ibid., n. 9 : p. 547. []
  10. Cyrillus Hieros., Catecheses Mystagogicæ 5, 21 PG 33, 1126. []
  11. Cf. Act. 20, 28. []
  12.  Cf. Conc. oec. Vat II, Decr. Christus Dominos, n. 38, 4 : AAS 58 (1966) 693. []