Le DIC est généralement exercé à partir de l’une des trois bases suivantes:

1 –LA RECHERCHE DU POINT SUBLIME.

Le dialogue est ici envisagé comme devant s’opérer sur le lieu le plus élevé de la religion, celui qui transcenderait toutes les confessions de foi. Il correspond très bien à la mentalité actuelle infectée par le New-Âge, lequel apporter la paix à l’humanité en réunissant les religions en une seule. Comme le disait déjà Nicolas de Cues (1401-1464), il s’agit d’«entrer dans la ténèbre qui consiste dans l’admission des contraires»…

Pour cette façon de voir, la vérité chrétienne serait enfouie dans le Coran (ce qui convient très bien au discours musulman), tandis que l’islam ne serait pas autre chose que le christianisme dans sa dernière et donc parfaite version.

Cette façon de voir, purement théorique, abstraite, abandonne le plan de l’histoire (du Salut) pour se faire prisonnière de l’anhistoricisme musulman. Elle impose une théologie désincarnée, nie l’abîme qui sépare la conversion au Dieu vivant de l’adhésion à un schéma théologique. 

  1. MANUEL PALEOLOGUE (empereur byzantin, 1350-1425) OU LES TROIS LOIS.

Il s’agit ici de trouver une base de dialogue possible en affirmant par exemple, que

a) Juifs, Chrétiens et musulmans seraient enfants d’Abraham.

Or, Jésus dit que ceux qui ne veulent pas croire en Sa divinité ne sont pas fils d’Abraham (Jn 8.44). Les musulmans refusant, tout comme les juifs, d’adorer Jésus-Christ, ne sont donc pas enfants d’Abraham, et les chrétiens ne peuvent donc pas prendre comme point de départ de leur dialogue leur supposée fraternité en Abraham.A ce sujet, faisons remarquer aux musulmans que si d’après la foi juive et aussi chrétienne, l’héritage d’Israël est transmis d’Abraham en Isaac, le fils de la Promesse (Gn 21.1), figure du Christ en Qui elle s’accomplit (Jn 8.56), l’Islamse revendique de la filiation d’Ismaël, celle du fils naturel d’Abraham, né de l’esclave Agar (Gn 16), et que cette filiation n’a donc rien de glorieux… Elle représente précisément celle du péché ! En effet, Abraham ayant cessé de croire que son épouse Sara lui donnerait la descendance promise par Dieu (Gn. 12.2) a attenté à la sainteté de l’union conjugale (Mt 19.4) en se donnant à Agar son esclave (Gn 16) d’où est né le fameux Ismaël. Aussi, «que dit l’Écriture ? Chasse l’esclave et son fils, car il ne faut pas que le fils de l’esclave hérite avec le fils de la femme libre» (Ga 4.30). Et à supposer que les Arabes soient vraiment la descendance charnelle d’Ismaël, ce qui n’est pas puisque les Arabes existaient avant Abraham (Gn 14), l’Islamne devrait savoir que faire de cet héritage. En effet, alors que le judaïsme se réclame de la descendance charnelle d’Abraham mais s’en contente, l’islam se veut une religion universelle, or l’identification de l’Islamà la descendance charnelle d’Abraham contredit la prétention à l’universalité… L’imitation du judaïsme a ses limites. C’est donc sur une confusion de plus, race et religion, que repose la justification de l’Islam. Par ailleurs, comment l’islam peut-il prétendre succéder à Moïse, David, les Prophètes et Jésus (Coran 4.163 ; 61.6 ; 27.167-171), tous Hébreux, descendants de la lignée d’Isaac, et se trouver lui-même séparé de cette généalogie de par son ascendance revendiquée d’Ismaël ? «Le salut vient des Juifs» avait déjà pourtant enseigné Jésus (Jn 4.22).1

b) Juifs, Chrétiens et musulmans auraient en commun une religion du livre.

Les Chrétiens n’ont pas à l’égard de la Bible le même rapport que celui qu’ont les Musulmans à l’égard du Coran, parole incréée d’Allah, car si le Nouveau et l’Ancien Testament sont un seul Livre saint inspiré par le Saint-Esprit, le message de Dieu ne s’est pas pour autant incarné dans la Bible, mais dans une Personne : le « Verbe de Dieu » (Jn 1.1), Jésus-Christ. C’est pourquoi on ne saurait ranger le christianisme parmi les « Religions du Livre », même si l’islam espère en retirer ainsi la reconnaissance du caractère divin du Coran, et de l’origine de l’islam. C’est là un autre des pièges de l’apostasie dans lesquels ont voulu tomber nombre de partisans chrétiens du dialogue islamo-chrétien.

c) Chrétiens, juifs et musulmans auraient en commun d’être monothéistes.

D’après cette conception, le dogme de la Trinité se rajouterait à celui de l’Unité divine. Or, il ne se rajoute pas à celui de l’Unité divine mais en exprime l’essence même ! La Trinité des Personnes, comme chacune d’Elles, EST l’Essence divine Elle-même. «En Dieu, chaque Personne est en chaque Personne et toutes en chacune, et chacune en toutes, et toutes en toutes, et toutes ne sont qu’un seul Être.» C’est pourquoi l’islam, comme le judaïsme, refusant le dogme de la Trinité, ignorent, déforment et rejettent l’essence même du monothéisme !

Ces trois supposés points communs oblitèrent la continuité organique du christianisme d’avec la religion hébraïque, qui passe moins par les notions de race, de livre ou d’unicité que par celles d’alliance, d’esprit et de communion.

  1. SAINT JEAN DAMASCENE (+ 754) OU L’IMPOSSIBILITE DU DIALOGUE ISLAMO-CHRETIEN.

Il s’agit dans cette position de bien réaliser que l’islam est un antichrist, une des têtes de la Bête de l’Apocalypse (Ap 13.1), annoncé par Jésus en Mt 24.4,11,24; 13.24-30,36-43; Jn 16.2…

Les Apôtres ont enseigné très clairement comment nous devons nous comporter vis-à-vis des hérétiques. L’Apôtre par excellence, saint Paul, demandait: «Ne formez pas d’attelage disparate avec des infidèles. Quel rapport en effet entre la justice et l’impiété? Quelle union entre la lumière et les ténèbres? Quelle entente entre le Christ et Satan? Quelle association entre le fidèle et l’infidèle? Quel accord entre le temple de Dieu et les idoles? Or c’est nous qui sommes le temple du Dieu vivant, ainsi que le Seigneur l’a dit: J’habiterai au milieu d’eux et j’y marcherai; Je serai leur Dieu et ils seront mon peuple. Sortez donc du milieu de ces gens-là et tenez-vous à l’écart, dit le Seigneur. Ne touchez à rien d’impur, et Moi, Je vous accueillerai.» (2 Co 6.14-17)et encore:«Quant à l’hérétique, après un premier et un second avertissement, romps avec lui. Un tel individu, tu le sais, est un dévoyé et un pécheur qui se condamne lui-même.» (Tt 10.11);

le doux saint Jean: «C’est que beaucoup de séducteurs se sont répandus dans le monde, qui ne confessent pas Jésus-Christ venu dans la chair. Voilà bien le Séducteur, l’Antichrist.(…)Quiconque va plus avant et ne demeure pas dans la doctrine du Christ ne possède pas Dieu. Celui qui demeure dans la doctrine, c’est lui qui possède et le Père et le Fils. Si quelqu’un vient à vous sans apporter cette doctrine, ne le recevez pas chez vous et abstenez-vous de le saluer. Celui qui le salue participe à ses œuvres mauvaises.» (2 Jn 7-11);

saint Jacques: «Tu crois qu’il y a un seul Dieu? Tu fais bien. Les démons le croient aussi, et ils tremblent!» (Jc 2.19);

saint Pierre: «A vous donc, les croyants, l’honneur, mais pour les incrédules, la pierre qu’ont rejetée les constructeurs, qui est devenue la pierre d’angle, est devenue aussi une pierre d’achoppement et un rocher qui fait tomber. Ils s’y heurtent parce qu’ils ne croient pas à la Parole, et c’est bien à cela qu’ils ont été destinés.(…)Sanctifiez dans vos cœurs le Seigneur Christ, toujours prêts à la défense contre quiconque vous demande raison de l’espérance qui est en vous. Mais que ce soit avec douceur et respect, en possession d’une bonne conscience, afin que, sur le point même où ils vous calomnient comme si vous étiez des malfaiteurs, ceux qui décrient votre bonne conduite dans le Christ soient couverts de confusion. Car il vaut mieux souffrir, si telle est la volonté de Dieu, en faisant le bien qu’en faisant le mal.» (1 P 2.7-8; 3.15-17)

Saint Jude: «Les uns, ceux qui hésitent, cherchez à les convaincre, les autres, sauvez-les en les arrachant au feu; les autres enfin, portez-leur une pitié craintive, en haïssant jusqu’à la tunique contaminée par leur chair.» (Jude 22-23).

On regrette que la sagesse et la vérité de ces paroles ne soient plus enseignées aujourd’hui… ce qui conduit sans aucun doute les musulmans à ne pas trouver en face d’eux le témoignage cohérent de foi qui pourrait remettre en cause leur pitoyable suffisance, mais encore conduit nombre de chrétiens à tomber dans les bras de l’islam, de l’apostasie, et donc de leur damnation. Pour ma part, lorsque l’un de mes fils spirituels m’a dernièrement demandé comment il devait se comporter vis-à-vis de ses voisins de palier musulmans, je lui ai répondu qu’il devait les accueillir s’ils venaient chez lui en tant que voisins, mais non s’ils désiraient venir chez lui en tant que musulmans.

Il n’y a pas en effet de dialogue possible au niveau théologique, mais seulement au niveau interpersonnel, amical, en usant du seul lieu commun possible, caractéristique de notre humanité, celui de la raison. Or la raison peut très bien comprendre qu’il y a des intérêts à sauvegarder plus importants que ceux d’une fausse paix. Le salut éternel a coûté la mort du Fils de Dieu, qui a accepté d’être compté au nombre des malfaiteurs (Lc 22.37) et fauteurs de division (Lc 12.51)…

Éléments à prendre en considération pour le DIC :

  • C’est Dieu qui appelle (Jn 6.44).
  • Avant de s’engager dans le dialogue islamo-chrétien, et inter-religieuxen général, il importe de bien prendre conscience que notre interlocuteurest né doublement prisonnier : d’une part, par suite du péché, sa naturehumaine est devenue étrangère, ennemie de son Créateur, source et garantde la Vérité ; d’autre part, le sentiment national, ethnique, et son appartenance culturelle, l’obligent à des liens de loyauté et de solidarité envers la religion dans laquelle il est né. L’appartenance à une région, un peuple, unenation, entraîne en effet automatiquement de par la naissance, une identitéreligieuse. La religion se présente de ce fait comme une donnée tout autantculturelle, nationale, ethnique, que spirituelle. Dans ces conditions, le phénomène de masse empêche le recul nécessaire pour une réflexion critique.L’appartenance au groupe auquel votre interlocuteur peut s’identifier parmimétisme, peut l’aveugler au point de le rendre incapable d’imaginer possible une autre approche du Dieu de la Révélation que celle qui lui a été enseignée, une approche qui soit à la fois véridique et personnelle.
  • N’avoir d’autre but que l’amour de Dieu et le salut des âmes ;
  • Édifier par son bon exemple (Cf. 1 P 3.15-17);
  • Le meilleur argument est celui d’une communauté dont on peut dire, comme des premiers chrétiens: «Voyez comme ils s’aiment!» (Jn 13.35);
  • Se former, revenir à l’apologétique (Cf. Mon livre «Interroger l’Islam») ;

  • Se montrer intransigeant avec la Vérité révélée, sans aucune concession à l’Islam, en aucune manière, jamais !
  • Une âme musulmane est semblable au terrain rempli de ronces de la parabole de Mt 13.7, c’est à dire des préjugés et calomnies de l’islam au sujet de la foi chrétienne, il importe donc de commencer par enlever ces ronces et épines avant que de semer la Parole;
  • Bien préciser que l’on distingue la personne de sa croyance;

  • La foi est un don, on ne peut que la proposer, jamais l’imposer;

  • Préférer des conversations personnelles, même avec peu de musulmans, mais intéressés;

  • Montrer la fausseté des accusations et calomnies contre les chrétiens sur lesquelles est basé l’islam. Par exemple, nous n’avons jamais dit et ne disons pas que Dieu n’est pas Un!

  • Utiliser comme points d’appui des éléments de leur culture et de leurs croyances: un seul Dieu et créateur, nécessité de la foi, vie future de récompense ou de châtiment, immortalité de l’âme…

  • Que l’interlocuteur ne se sente pas agressé, mais invité à se tourner vers Dieu pour en recevoir la miséricorde;

  • Présenter Jésus non comme un dogme, mais comme une personne vivante, présente! Et aimante!
  • Témoignage personnel d’expériences, de vie avec Jésus;
  • Déjouer que les critiques à l’endroit de l’Occident matérialiste et hédoniste en montrant qu’elles sont dues justement au rejet du Christ;
  • Rejeter l’idée selon laquelle Dieu convertissant les cœurs, il n’y aurait lieu de chercher à persuader (Cf. Ac 9.27; 18.4,28…);

  • Présenter le témoignage des convertis et celui des chrétiens persécutés en terres aujourd’hui musulmanes ;

  • Présenter les contradictions du Coran et les monstruosités de la vie de Mahomet et de l’islam, que beaucoup ignorent, n’étant musulmans que par héritage culturel;

  • Si nos arguments rationnels ne peuvent pas convaincre celui qui ne veut pas l’être, ils peuvent au moins nous permettre de montrer que les arguments musulmans sont sans consistance (Cf. mon livre “Interroger l’Islam”) ;

  • Dans une discussion, éviter de contredire l’interlocuteur, mais le renvoyer à lui-même par une question;

  • Un principe: «Ne rien dire de plus que ce qui peut être accepté par une personne bien concrète»;

  • Se rappeler que pour un musulman se convertir implique d’accepter d’être tué par ses anciens coreligionnaires, et au premier chef ses propres parents qui en ont le devoir, et enseigner que cela a été annoncé par le Christ (Mc 13.12-13) et vécu par les chrétiens;

  • Expliquer la fausse distinction entre musulman modéré et islamiste;

  • Reconnaître, apprécier et encourager l’oeuvre de Dieu déjà présente en lui;
  • Assurer que l’islam conduit les musulmans en Enfer ;
  • Nécessité d’entretenir une relation durable, empreinte de respect et d’amitié…

DIFFICULTÉS DU DIC:

  • Orgueil et suffisance musulmane qui font croire au musulman qu’il appartient à «la meilleure des communautés» (Coran 3.106) et n’a rien à apprendre des égarés que sont les chrétiens ;

  • La pression sociale;

  • L’islam ne doit rien au Christianisme: la Révélation vient directement d’Allah par le Coran qui suffit;

  • La croyance que l’islam est la confirmation des religions dites «antérieures» rend inutiles de s’y intéresser;

  • Le Coran déclare les chrétiens, parce qu’ils sont chrétiens, c’est-à-dire parce que notamment ils croient au Dieu Trinité, « ne sont qu’impureté » (9. 28), les « pires de l’humanité » (98. 6), « plus vils que des bêtes » (8. 22, 55), et à cause de cela tous voués au feu de l’Enfer (5. 72) …

  • Éviter de jouer le rôle attendu de faire-valoir de l’islam (Jésus n’est qu’un prophète annonçant la venue de Mahomet (Coran 61.6);

  • Ambivalence des textes coraniques (abrogeant/abrogé; homonymie des personnages…);

  • Croyance que la raison ne peut et ne doit pas s’occuper de religion…

  • La pratique de la takyia qui permet au musulman de dissimuler, frauder, mentir s’il estime que les intérêts de l’islam le demande. « Que les croyants ne prennent pas pour amis des incrédules de préférence aux croyants. Celui qui agirait ainsi, n’aurait rien à attendre d’Allah ! — à moins que ces gens ne constituent un danger pour vous. » (Coran 3. 28 ; 16. 106). «Le Coran permet au musulman de cacher la vérité au chrétien et de parler et agir contrairement à ce qu’il pense et croit.» (Mgr Beylouni, archevêque d’Antioche, Synode pour le Moyen- Orient, Rome, 2010).

ATTENTION :

  • Ne pas présenter l’Incarnation comme un monophysisme, laissant croire que Dieu S’est mué en un être humain, devenant un monstre mi-humain, mi-divin;
  • Ne pas faire de la Croix l’aboutissement de la vie chrétienne (échec: inacceptable);

  • Ne pas mépriser l’usage de la force militaire;

  • Refuser d’évangéliser ou de baptiser au motif que cela conduira au martyr;
  • Certains chrétiens sont allés jusqu’à faire du Coran un livre inspiré, une parole de Dieu (C. de Chergé, C. Geffré…) !
  • Donner un sens chrétien aux textes musulmans ;
  • Donner une place centrale à des aspects secondaires de la doctrine islamique ;
  • Faire du soufisme l’islam authentique ;
  • Oublier de prier et faire pénitence;

  • Oublier le devoir d’aimer ses ennemis…

    «Cette religion monstrueuse a pour toute raison son ignorance, pour toute persuasion sa violence et sa tyrannie, pour tout miracle ses armes, qui font trembler le monde et rétablissent par force l’empire de Satan dans tout l’univers.» (Bossuet,Panégyrique de Saint Pierre Nolasque).

1 Les arguments présentés ici sont tirés de: Abbé Guy Pagès, Interroger l’islam, Editions DMM, 2013.