À tous Nos Vénérables Frères les Patriarches, Primats, Archevêques et Évêques du monde catholique, en grâce et communion avec le Siège Apostolique.

Léon XIII, pape

Vénérables Frères Salut et Bénédiction Apostolique.

Vous savez assez qu’une part considérable de Nos pensées et de Nos préoccupations est dirigée vers ce but : Nous efforcer de ramener les égarés au bercail que gouverne le Souverain Pasteur des âmes, Jésus-Christ. L’âme appliquée à cet objet, Nous avons pensé qu’il serait grandement utile à ce dessein et à cette entreprise de salut de tracer l’image de l’Eglise, de dessiner pour ainsi dire ses traits principaux, et de mettre en relief, comme le trait le plus digne d’une attention capitale, l’unité : caractère insigne de vérité et d’invincible puissance, que l’Auteur divin de l’Eglise a imprimé pour toujours à Son oeuvre. Considérée dans sa forme et dans sa beauté native, l’Eglise doit avoir une action très puissante sur les âmes : ce n’est pas s’éloigner de la vérité de dire que ce spectacle peut dissiper l’ignorance, redresser les idées fausses et les préjugés, surtout chez ceux dont l’erreur ne vient point de leur propre faute. Il peut même exciter dans les hommes l’amour de l’Eglise, un amour semblable à cette charité sous l’impulsion de laquelle Jésus-Christ a choisi l’Eglise pour Son épouse, en la rachetant de Son sang divin. Car «Jésus-Christ a aimé l’Eglise et S’est livré Lui-même pour elle» (Ephes., V, 25).

Si, pour revenir à cette mère très aimante, ceux qui ne la connaissent pas bien encore ou qui ont eu le tort de la quitter, doivent acheter ce retour, tout d’abord ce ne sera point sans doute au prix de leur sang (et pourtant c’est d’un tel prix que Jésus-Christ l’a payée) ; mais s’il leur en doit coûter quelques efforts, quelques peines bien plus légères à supporter, du moins, ils verront clairement que ces conditions onéreuses n’ont pas été imposées aux hommes par une volonté humaine, mais par l’ordre et la volonté de Dieu : et par suite, avec l’aide de la grâce céleste, ils expérimenteront facilement par eux-mêmes la vérité de cette divine parole : «Mon joug est doux et mon fardeau léger» (Matth., XI, 30).

C’est pourquoi mettant Notre principale espérance dans «le Père des lumières, de qui descend toute grâce excellente et tout don parfait» (Jac., I, 17), en Celui qui seul «donne la croissance» (I, Cor., III, 6), Nous lui demandons instamment de daigner mettre en Nous la puissance de persuader.

Dieu sans doute peut opérer, par Lui-même et par Sa seule vertu, tout ce qu’effectuent les êtres créés ; néanmoins, par un conseil miséricordieux de Sa Providence, Il a préféré, pour aider les hommes, Se servir des hommes euxmêmes. C’est par l’intermédiaire et le ministère des hommes qu’Il donne habituellement à chacun, dans l’ordre purement naturel, la perfection qui lui est due : il en use de même dans l’ordre surnaturel pour leur conférer la sainteté et le salut. Mais il est évident que nulle communication entre les hommes ne peut se faire que par le moyen des choses extérieures et sensibles. C’est pour cela que le Fils de Dieu a pris la nature humaine, Lui qui «étant dans la forme de Dieu s’est anéanti Lui-même, prenant la forme d’esclave, ayant été fait semblable aux hommes» (Phil., II, 6-7) ; et ainsi, tandis qu’Il vivait sur la terre, Il a révélé aux hommes, en conversant avec eux, Sa doctrine et Ses lois.

Mais comme Sa mission divine devait être durable et perpétuelle, Il s’est adjoint des disciples auxquels Il a fait part de Sa puissance, et ayant fait descendre sur eux du haut du ciel «l’Esprit de vérité», Il leur a ordonné de parcourir la terre entière et de prêcher fidèlement à toutes les nations ce que Lui-même avait enseigné et prescrit, afin qu’en professant Sa doctrine et en obéissant à Ses lois, le genre humain pût acquérir la sainteté sur la terre et, dans le ciel, l’éternel bonheur.

Tel est le plan d’après lequel l’Eglise a été constituée, tels sont les principes qui ont présidé à sa naissance. Si nous regardons en elle le but dernier qu’elle poursuit, et les causes immédiates par lesquelles elle produit la sainteté dans les âmes, assurément l’Eglise est spirituelle ; mais si nous considérons les membres dont elle se compose, et les moyens mêmes par lesquels les dons spirituels arrivent jusqu’à nous, l’Eglise est extérieure et nécessairement visible.

C’est par des signes qui frappaient les yeux et les oreilles que les Apôtres ont reçu la mission d’enseigner ; et cette mission, ils ne l’ont point accomplie autrement que par des paroles et des actes également sensibles. Ainsi leur voix, par l’ouïe extérieure, engendrait la foi dans les âmes : «La foi vient par l’audition et l’audition par la parole du Christ» (Rom., X, 17). Et la foi elle-même, c’est-à-dire l’assentiment à la première et souveraine vérité, de sa nature sans doute est renfermée dans l’esprit, mais elle doit cependant éclater au dehors par l’évidente profession qu’on en fait : «car on croit de coeur pour la justice, mais on confesse de bouche pour le salut» (Rom., 10). De même, rien n’est plus intime à l’homme que la grâce céleste, qui produit en lui la sainteté, mais extérieurs sont les instruments ordinaires et principaux par lesquels la grâce nous est communiquée : nous voulons parler des sacrements, qui sont administrés avec des rites spéciaux, par des hommes nommément choisis pour cette fonction. Jésus-Christ a ordonné aux Apôtres et aux successeurs perpétuels des Apôtres d’instruire et de gouverner les peuples : Il a ordonné aux peuples de recevoir leur doctrine et de se soumettre docilement à leur autorité. Mais ces relations mutuelles de droits et de devoirs dans la société chrétienne, non seulement n’auraient pas pu durer, mais n’auraient même pas pu s’établir sans l’intermédiaire des sens, interprètes et messagers des choses.

C’est pour toutes ces raisons que l’Eglise, dans les saintes Lettres, est si souvent appelée un corps, et aussi le corps du Christ. Vous êtes le corps du Christ (I, Cor., XII, 27). Parce que l’Eglise est un corps, elle est visible aux yeux ; parce qu’elle est le corps du Christ, elle est un corps vivant, actif, plein de sève, soutenu qu’il est et animé par Jésus-Christ qui le pénètre de Sa vertu à peu près comme le tronc de la vigne nourrit et rend fertiles les rameaux qui lui sont unis. Dans les êtres animés, le principe vital est invisible et caché au plus profond de l’être, mais il se trahit et se manifeste par le mouvement et l’action des membres : ainsi le principe de vie surnaturelle qui anime l’Eglise apparaît à tous les yeux par les actes qu’elle produit.

Il s’ensuit que ceux-là sont dans une grande et pernicieuse erreur, qui, façonnant l’Eglise au gré de leur fantaisie, se l’imaginent comme cachée et nullement visible ; et ceux-là aussi qui la regardent comme une institution humaine, munie d’une organisation, d’une discipline, de rites extérieurs, mais sans aucune communication permanente des dons de la grâce divine, sans rien qui atteste, par une manifestation quotidienne et évidente, la vie surnaturelle puisée en Dieu.

L’une et l’autre de ces deux conceptions est tout aussi incompatible avec l’Eglise de Jésus-Christ que le corps seul ou l’âme seule est incapable de constituer l’homme. L’ensemble et l’union de ces deux éléments est absolument nécessaire à la véritable Eglise, à peu près comme l’intime union de l’âme et du corps est indispensable à la nature humaine.

L’Eglise n’est point une sorte de cadavre : elle est le corps du Christ, animé de Sa vie surnaturelle. Le Christ Lui-même, chef et modèle de l’Eglise, n’est pas entier, si on regarde en Lui, soit exclusivement la nature humaine et visible, comme font les partisans de Photin et de Nestorius, soit uniquement la nature divine et invisible, comme font les Monophysites ; mais le Christ est un par l’union des deux natures, visible et invisible, et Il est un dans toutes les deux ; de la même façon, Son corps mystique n’est la véritable Eglise qu’à cette condition, que ses parties visibles tirent leur force et leur vie des dons surnaturels et des autres éléments invisibles ; et c’est de cette union que résulte la nature propre des partiesextérieures elles-mêmes.

Mais comme l’Eglise est telle par la volonté et par l’ordre de Dieu, elle doit rester telle sans aucune interruption jusqu’à la fin des temps, sans quoi elle n’aurait évidemment pas été fondée pour toujours, et la fin même à laquelle elle tend serait limitée à un certain terme dans le temps et dans l’espace : double conclusion contraire à la vérité. Il est donc certain que cette réunion d’éléments visibles et invisibles étant, par la volonté de Dieu, dans la nature et la constitution intime de l’Eglise, elle doit nécessairement durer autant que durera l’Eglise elle-même.

C’est pourquoi saint Jean Chrysostome nous dit : «Ne te sépare point de l’Eglise ; rien n’est plus fort que l’Eglise. Ton espérance, c’est l’Église ; ton salut, c’est l’Eglise ; ton refuge, c’est l’Eglise. Elle est plus haute que le ciel et plus large que la terre. Elle ne vieillit jamais, sa vigueur est éternelle. Aussi l’Écriture, pour nous montrer sa solidité inébranlable, l’appelle une montagne» (Hom. de capte Eutropio, n° 6). Saint Augustin ajoute : «Les infidèles cro ient que la religion chrétienne doit durer un certain temps dans le monde, puis disparaître. Elle durera donc autant que le soleil : tant que le soleil continuera à se lever et à se coucher, c’est-à-dire tant que durera le cours même des temps, l’Eglise de Dieu, c’està- dire le corps du Christ, ne disparaîtra point du monde» (In Psal. LXXI). Et le même Père dit ailleurs : «L’Eglise chancellera si son fondement chancelle ; mais comment pourrait chanceler le Christ ? Tant que le Christ ne chancellera point, l’Eglise ne fléchira jamais jusqu’à la fin des temps. Où sont ceux qui disent : “L’Eglise a disparu du monde”, puisqu’elle ne peut pas même fléchir ?» (Enarratio in Psal. CIII, sermo II, n. 5).

Tels sont les fondements sur lesquels doit s’appuyer celui qui cherche la vérité. L’Eglise a été fondée et constituée par Jésus-Christ Notre-Seigneur ; par conséquent, lorsque nous nous enquérons de la nature de l’Eglise, l’essentiel est de savoir ce que Jésus-Christ a voulu faire et ce qu’Il a fait en réalité. C’est d’après cette règle qu’il faut traiter surtout de l’unité de l’Eglise, dont il Nous a paru bon, dans l’intérêt commun, de toucher quelque chose dans ces Lettres. Oui, certes, la vraie Eglise de Jésus-Christ est une : les témoignages évidents et multipliés des saintes Lettres ont si bien établi ce point dans tous les esprits, que pas un chrétien n’oserait y contredire. Mais quand il s’agit de déterminer et d’établir la nature de cette unité, plusieurs se laissent égarer par diverses erreurs. Non seulement l’origine de l’Eglise, mais tous les traits de sa constitution appartiennent à l’ordre des choses qui procèdent d’une volonté libre : toute la question consiste donc à savoir ce qui, en réalité, a eu lieu, et il faut rechercher non pas de quelle façon l’Eglise pourrait être une, mais quelle unité a voulu lui donner son Fondateur.

Or, si nous examinons les faits, nous constaterons que Jésus-Christ n’a point conçu ni institué une Eglise formée de plusieurs communautés qui se ressembleraient par certains traits généraux, mais seraient distinctes les unes des autres, et non rattachées entre elles par ces liens, qui seuls peuvent donner à l’Eglise l’individualité et l’unité dont nous faisons profession dans le symbole de la foi : « Je crois à l’Eglise… une ». elle est une, quoique les hérésies essayent de la déchirer en plusieurs sectes. Nous disons que l’antique et catholique Eglise est une : elle a l’unité de nature, de sentiment, de d’excellence… (Clemens Alexandrinus, Stromatum, lib. VII, cap.17). Au reste, le sommet de la perfection de l’Eglise, comme le fondement de sa construction, consiste dans l’unité : c’est par là qu’elle surpasse tout au monde, qu’elle n’a rien d’égal ni de semblable à elle. Aussi bien, quand Jésus-Christ parle de cet édifice mystique, Il ne mentionne qu’une seule Eglise, qu’Il appelle Sienne : «Je bâtirai Mon Eglise». Toute autre qu’on voudrait imaginer en dehors de celle-là, n’étant point fondée par Jésus-Christ, ne peut être la véritable Eglise de Jésus-Christ. Cela est plus évident encore, si l’on considère le dessein du Divin auteur de l’Eglise. Qu’a cherché, qu’a voulu Jésus- Christ Notre-Seigneur dans l’établissement et le maintien de Son Eglise ? Une seule chose : transmettre à l’Eglise la continuation de la même mission, du même mandat qu’Il avait reçu Lui-même de Son Père. C’est là ce qu’Il avait décrété de faire, et c’est ce qu’Il a réellement fait. «Comme Mon Père M’a envoyé, ainsi Moi Je vous envoie (Jean, XX, 21). Comme Vous M’avez envoyé dans le monde, Moi aussi Je les ai envoyés dans le monde» (Jean, XXVII, 18). Or, il est dans la mission du Christ de racheter de la mort et de sauver «ce qui avait péri», c’est-à-dire non pas seulement quelques nations ou quelques cités, mais l’universalité du genre humain tout entier, sans aucune distinction dans l’espace ni dans le temps. «Le Fils de l’homme est venu pour que le monde soit sauvé par Lui (Jean, III, 17). Car nul autre Nom n’a été donné sous le ciel aux hommes par lequel nous devions être sauvés» (Act. IV, 12). La mission del’Eglise est donc de répandre au loin parmi les hommes et d’étendre à tous les âges le salut opéré par Jésus-Christ, et tous les bienfaits qui en découlent. C’est pourquoi, d’après la volonté de son Fondateur, il est nécessaire qu’elle soit
unique dans toute l’étendue du monde, dans toute la durée des temps. Pour qu’elle pût avoir une unité plus grande, il faudrait sortir des limites de la terre et imaginer un genre humain nouveau et inconnu.

Cette Eglise unique, qui devait embrasser tous les hommes en tous temps et en tous lieux, Isaïe l’avait aperçue et
l’avait désignée d’avance, lorsque son regard, pénétrant l’avenir, avait la vision d’une montagne dont le sommet élevé audessus de tous les autres était visible à tous les yeux, et qui était l’image de la maison du Seigneur, c’est-à-dire de «Dans les derniers temps, la montagne qui est la maison du Seigneur sera préparée sur le sommet des montagnes» (Isaïe, II, 2). Or, cette montagne placée sur le sommet des montagnes est unique : unique est cette maison du Seigneur, vers laquelle toutes les nations doivent un jour affluer ensemble pour y trouver la règle de leur vie. «Et toutes les nations afflueront vers elle et diront : Venez, gravissons la montagne du Seigneur, allons à la maison du Dieu de Jacob, et Il nous enseignera Ses voies, et nous marcherons dans Ses sentiers» (Ibid 2-3). Optat de Milève dit à propos de ce passage : «Il est écrit dans le prophète Isaïe : «La loi sortira de Sion et la parole du Seigneur de Jérusalem». Ce n’est donc pas dans la montagne matérielle de Sion qu’Isaïe aperçoit la vallée, mais dans la montagne sainte qui est l’Eglise, et qui, remplissant le monde romain tout entier, élève son sommet jusqu’au ciel… La véritable Sion spirituelle est donc l’Eglise, dans laquelle Jésus-Christ a été établi roi par Dieu le Père, et qui est dans le monde toutentier, ce qui n’est vrai que de la seule Eglise catholique» (De schism. Donatist. lib. III, n° 2). Et voici ce que dit saint Augustin : «Qu’y a-t-il de plus visible qu’une montagne ? Et cependant, il y a des montagnes inconnues, celles qui sont situées dans un coin écarté du globe… Mais, il n’en est pas ainsi de cette montagne, puisqu’elle remplit toute la surface de la terre, et il est écrit d’elle, qu’elle a été préparée sur le sommet des montagnes» (In Epist. Joan, tract. I, n. 13).

Il faut ajouter que le Fils de Dieu a décrété que l’Eglise serait Son propre corps mystique, auquel Il s’unirait pour en être la tête, de même que dans le corps humain, qu’Il a pris par l’Incarnation, la tète tient aux membres par une union nécessaire et naturelle. De même donc qu’Il a pris Lui-même un corps mortel unique, qu’Il a voué aux tourments et à la mort pour payer la rançon des hommes, de la même façon, Il a un corps mystique unique, dans lequel et par le moyen duquel Il fait participer les hommes à la sainteté et au salut éternel. «Dieu L’a établi (le Christ) chef sur toute l’Eglise qui est Son corps» (Ephes., I, 22-23).

Des membres séparés et dispersés ne peuvent point se réunir à une seule et même tète pour former un seul corps. Or saint Paul nous dit : «Tous les membres du corps, quoique nombreux, ne sont cependant qu’un seul corps : «Ainsi est le Christ» (I Corinth., XII, 12). C’est pourquoi ce corps mystique, nous dit-il encore, est uni et lié. «Le Christ est le chef, en vertu duquel tout le corps uni et lié par toutes les jointures, qui se prêtent un mutuel secours, d’après une opération proportionnée à chaque membre, reçoit son accroissement pour être édifié dans la charité» (Ephes., IV, 15-16). Ainsi donc, si quelques membres restent séparés et éloignés des autres membres, ils ne sauraient appartenir à la même tête que le reste du corps. «Il y a, dit saint Cyprien, un seul Dieu, un seul Christ, une seule Eglise du Christ, une seule foi, un seul peuple, qui par le lien de la concorde est établi dans l’unité solide d’un même corps. L’unité ne peut pas être scindée : un corps restant unique ne peut pas se diviser par le fractionnement de son organisme» (S. Cyprianus, De cath. Eccl. Unitate, n° 23). Pour mieux montrer l’unité de Son Eglise, Dieu nous la présente sous l’image d’un corps animé, dont les membres ne peuvent vivre qu’à la condition d’être unis avec la tête et d’emprunter sans cesse à la tête elle-même leur force vitale : séparés, il faut qu’ils meurent. «Elle ne peut pas (l’Église) être dispersée en lambeaux par le déchirement de ses membres et de ses entrailles. Tout ce qui sera séparé du centre de la vie ne pourra plus vivre à part ni respirer» (In loc. cit.). Or, en quoi un cadavre ressemble-t-il à un être vivant ? «Personne n’a jamais haï sa chair, mais il la nourrit et la soigne, comme le Christ l’Eglise, parce que nous sommes les membres de Son corps formés de Sa chair et de Ses os». (Ephes., V, 29-30).

Qu’on cherche donc une autre tête pareille au Christ, qu’on cherche un autre Christ, si l’on veut imaginer une autre Eglise en dehors de celle qui est Son corps. «Voyez à quoi vous devez prendre garde, voyez à quoi vous devez veiller, voyez ce que vous devez craindre. Parfois, on coupe un membre dans le corps humain, ou plutôt on le sépare du corps : une main, un doigt, un pied. L’âme suit-elle le membre coupé ? Quand il était dans le corps, il vivait ; coupé, il perd la vie. Ainsi l’homme, tant qu’il vit dans le corps de l’Eglise, il est chrétien catholique ; séparé, il est devenu hérétique. L’âme ne suit point le membre amputé» (S. Augustinus, Sermo CCLXVII, n. 4).

L’Eglise du Christ est donc unique et, de plus, perpétuelle : quiconque se sépare d’elle, s’éloigne de la volonté et de l’ordre de Jésus-Christ Notre-Seigneur, il quitte le chemin du salut, il va à sa perte. «Quiconque se sépare de l’Eglise pour épouse adultère, abdique aussi les promesses faites à l’Eglise. Quiconque abandonne l’Eglise du Christ ne parviendra point aux récompenses du Christ. Quiconque ne garde pas cette unité, ne garde pas la loi de Dieu, il ne garde pas la foi du Père et du Fils, il ne garde pas la vie ni le salut» (S. Cyp. De cath. Eccl. Unitate). Mais Celui qui a institué l’Eglise unique, l’a aussi instituée une : c’est-à-dire de telle nature, que tous ceux qui devaient être ses membres fussent unis par les liens d’une société très étroite, de façon à ne former tous ensemble qu’un seul peuple, un seul royaume, un seul corps. «Soyez un seul corps et un seul esprit, comme vous avez été appelés à une seule espérance dans votre vocation» (Ephes., IV, 4). Aux approches de Sa mort, Jésus-Christ a sanctionné et consacré de la façon la plus auguste, Sa volonté sur ce point, dans cette prière qu’Il fit à Son père : «Je ne prie pas pour eux seulement, mais encore pour ceux qui par leur parole croiront en Moi… afin qu’eux aussi, ils croient une seule chose en Moi… afin qu’ils soient consommés dans l’unité» (Jean., XVII, 20-21-23). Il a même voulu que le lien de l’unité entre Ses disciples fût si intime, si parfait, qu’il imitât en quelque façon Sa propre union avec Son Père : «Je vous demande… qu’ils soient tous une même chose, comme Vous, Mon Père, êtes en Moi et Moi en Vous» (Ibid. 21).

Or, une si grande, une si absolue concorde entre les hommes doit avoir pour fondement nécessaire l’entente et l’union des intelligences ; d’où suivra naturellement l’harmonie des volontés et l’accord dans les actions. C’est pourquoi, selon Son plan divin, Jésus a voulu que L’UNITÉ DE FOI existât dans Son Eglise : car la foi est le premier de tous les liens qui unissent l’homme à Dieu et c’est à elle que nous devons le nom de fidèles. «Un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême» (Ephes., IV, 5) ; c’est-à-dire, de même qu’ils n’ont qu’un seul Seigneur et qu’un seul baptême, ainsi tous les chrétiens, dans le monde entier, ne doivent avoir qu’une seule foi. C’est pourquoi l’apôtre saint Paul ne prie pas seulement les chrétiens d’avoir tous les mêmes sentiments et de fuir le désaccord des opinions, mais il les en conjure par les motifs les plus sacrés : «Je vous conjure mes frères, par le Nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, de n’avoir tous qu’un même langage et de ne pas souffrir de schismes parmi vous ; mais d’être tous parfaitement unis dans le même esprit et dans les mêmes sentiments» (I Corinth., I, 10). Ces paroles, assurément, n’ont pas besoin d’explication : elles sont assez éloquentes par elles-mêmes.

D’ailleurs, ceux qui font profession de christianisme reconnaissent d’ordinaire que la foi doit être une. Le point le plus important et absolument indispensable, celui où beaucoup tombent dans l’erreur, c’est de discerner de quelle nature, de quelle espèce est cette unité. Or, ici, comme nous l’avons fait plus haut dans une question semblable, il ne faut point juger par opinion ou par conjecture, mais d’après la science des faits : il faut rechercher et constater quelle est l’unité de foi que Jésus-Christ a imposée à Son Eglise.

La doctrine céleste de Jésus-Christ, quoiqu’elle soit en grande partie consignée dans les livres inspirés de Dieu, si elle eût été livrée aux pensées des hommes, ne pouvait par elle-même unir les esprits. Il devait aisément arriver, en effet, qu’elle tombât sous le coup d’interprétations variées et différentes entre elles et cela non seulement à cause de la profondeur et des mystères de cette doctrine, mais aussi à cause de la diversité des esprits des hommes et du trouble qui devait naître du jeu et de la lutte des passions contraires. Des différences d’interprétation naît nécessairement la diversité des sentiments : de là des controverses, des dissensions, des querelles, telles qu’on en a vu éclater dans l’Eglise dès l’époque la plus rapprochée de son origine. Voici ce qu’écrit saint Irénée en parlant des hérétiques : «Ils confessent les Ecritures, mais ils en pervertissent l’interprétation» (Lib. III, cap. 12, n. 12). Et saint Augustin : «L’origine des hérésies et de ces dogmes pervers qui prennent les âmes au piège et les précipitent dans l’abîme, c’est uniquement que les Ecritures, qui sont bonnes, sont comprises d’une façon qui n’est pas bonne» (ln Evang. Joan., tract. XXVIII, cap. 5, n. 1).

Pour unir les esprits, pour créer et conserver l’accord des sentiments, il fallait donc nécessairement, malgré l’existence des Écritures divines, un autre principe. La sagesse divine l’exige ; car Dieu n’a pu vouloir l’unité de la foi sans pourvoir d’une façon convenable à la conservation de cette unité, et les saintes Lettres elles-mêmes indiquent clairement qu’Il l’a fait, comme nous le dirons tout à l’heure. Certes, l’infinie puissance de Dieu n’est liée ni astreinte à aucun moyen et toute créature lui obéit comme un instrument docile. Il faut donc rechercher, entre tous les moyens qui étaient au pouvoir de Jésus-Christ, quel est ce principe extérieur d’unité dans la foi qu’Il a voulu établir. Pour cela, Il faut remonter par la pensée aux premières origines du christianisme. Les faits que nous allons rappeler sont attestés par les saintes Lettres etconnus de tous. Jésus-Christ prouve, par la vertu de Ses miracles, Sa divinité et Sa mission divine ; Il s’emploie à parler au peuple pour l’instruire des choses du ciel et Il exige absolument qu’on ajoute une foi entière à Son enseignement ; Il l’exige sous la sanction de récompenses ou de peines éternelles. «Si Je ne fais pas les oeuvres de Mon Père, ne Me croyez pas (Jean, X, 31). Si Je n’eusse point fait parmi eux des oeuvres qu’aucun autre n’a faites, ils n’auraient point de péché (Jean, XV, 24). Mais si Je fais de telles oeuvres et si vous ne voulez pas Me croire Moi-même, croyez à Mes oeuvres» (Jean, X, 38). Tout ce qu’Il ordonne, Il l’ordonne avec la même autorité ; dans l’assentiment d’esprit qu’Il exige, Il n’excepte rien, Il ne distingue rien. Ceux donc qui écoutaient Jésus, s’ils voulaient arriver au salut, avaient le devoir, non seulement d’accepter en général toute Sa doctrine, mais de donner un plein assentiment de l’âme à chacune des choses qu’Il enseignait. Refuser, en effet, de croire, ne fût-ce qu’en un seul point, à Dieu qui parle, est contraire à la raison. Sur le point de retourner au ciel, Il envoie Ses apôtres en les revêtant de la même puissance avec laquelle Son Père L’a envoyé Lui-même, et Il leur ordonne de répandre et de semer partout Sa doctrine. «Toute puissance M’a été donnée dans le ciel et sur la terre. Allez donc, et enseignez toutes les nations… leur enseignant à observer tout ce que Je vous ai ordonné» (Matth., XXVIII, 18-19-20). Seront sauvés tous ceux qui obéiront aux Apôtres ; ceux qui n’obéiront pas, périront. «CELUI QUI CROIRA ET SERA BAPTISÉ SERA SAUVÉ ; CELUI QUI NE CROIRA POINT SERA CONDAMNÉ» (Marc, XVI, 16). Et comme il convient souverainement à la Providence divine de ne point charger quelqu’un d’une mission, surtout si elle est importante et d’une haute valeur, sans lui donner en même temps de quoi s’en acquitter comme il faut, Jésus-Christ promet d’envoyer à Ses disciples l’Esprit de vérité, qui demeurera en eux éternellement. «Si Je m’en vais, Je vous L’enverrai (le Paraclet)…et quand cet Esprit de vérité sera venu, Il vous enseignera toute vérité (Jean, XVI, 7-13). Et Je prierai Mon Père, et Il vous donnera un autre Paraclet, pour qu’Il demeure toujours avec vous : ce sera l’Esprit de vérité… (Jean, XIV, 16-17).
C’est Lui qui rendra témoignage de Moi ; et vous aussi vous rendrez témoignage» (Jean, XV, 26-27).

Par suite, Il ordonne d’accepter religieusement et d’observer saintement la doctrine des Apôtres comme la Sienne propre. «Qui vous écoute, M’écoute : qui vous méprise (Luc, X, 16), Me méprise». Les Apôtres sont donc envoyés par Jésus-Christ de la même façon que Lui-même est envoyé par Son Père : «Comme Mon Père M’a envoyé, ainsi Moi Je vous envoie» (Jean, XX, 21). Par conséquent, de même que les Apôtres et les disciples étaient obligés de se soumettre à la parole du Christ, la même foi devait être pareillement accordée à la parole des Apôtres par tous ceux que les Apôtres instruisaient en vertu de leur mandat divin. Il n’était donc pas plus permis de répudier UN SEUL PRÉCEPTE de la doctrine des Apôtres, que de rejeter quoi que ce fût de la doctrine de Jésus-Christ Lui-même.

Assurément, la parole des Apôtres, après la descente du Saint-Esprit en eux, a retenti jusqu’aux lieux les plus éloignés. Partout où ils posent le pied, ils se présentent comme les envoyés de Jésus Lui-même. «C’est par Lui (Jésus- Christ) que nous avons reçu la grâce et l’apostolat pour faire obéir à la foi toutes les nations en Son Nom» (Rom., 1-5). Et partout, sur leurs pas, Dieu fait éclater la divinité de leur mission par des prodiges. «Et eux, étant partis, prêchèrent partout, le Seigneur coopérant avec eux et confirmant leur parole par des miracles qui l’accompagnaient» (Marc, XVI, 20). De quelle parole s’agit-il ? De celle, évidemment, qui embrasse tout ce qu’ils avaient eux-mêmes appris de leur maître : car ils attestent publiquement et au grand jour, qu’il leur est impossible de taire quoi que ce soit de tout ce qu’ils ont vu et entendu.

Mais nous l’avons dit ailleurs, la mission des Apôtres n’était point de nature à pouvoir périr avec la personne même des Apôtres, ou disparaître avec le temps, car c’était une mission publique et instituée pour le salut du genre humain. Jésus-Christ, en effet, a ordonné aux Apôtres de prêcher «l’Evangile à toute créature», et «de porter Son Nom devant les peuples et les rois», et de «Lui servir de témoins jusqu’aux extrémités de la terre». Et, dans l’accomplissement de cette grande mission, Il a promis d’être avec eux, et cela non pas pour quelques années ou quelques périodes d’années, mais pour tous les temps, «jusqu’à la consommation du siècle». Sur quoi saint Jérôme écrit : «Celui qui promet d’être avec Ses disciples jusqu’à la consommation du siècle montre par là, et que Ses disciples vivront toujours, et que Lui-même ne cessera jamais d’être avec les croyants» (In Matth., lib. IV, cap. 28, v. 20). Comment tout cela eût-il pu se réaliser dans les seuls Apôtres, que leur condition d’hommes assujettissait à la loi suprême de la mort ? La Providence divine avait donc réglé que le magistère institué par Jésus-Christ ne serait point restreint aux limites de la vie même des Apôtres, mais qu’il durerait toujours. De fait, nous voyons qu’il s’est transmis et qu’il a passé comme de main en main dans la suite des temps.

Les Apôtres, en effet, consacrèrent des évêques et désignèrent nominativement ceux qui devaient être leurs successeurs immédiats dans le «ministère de la parole». Mais ce n’est pas tout : ils ordonnèrent encore à leurs successeurs, de choisir eux-mêmes des hommes propres à cette fonction, de les revêtir de la même autorité, et de leur confier à leur tour la charge et la mission d’enseigner. «Toi donc, ô mon fils, fortifie-toi dans la grâce qui est en Jésus- Christ : et ce que tu as entendu de moi devant un grand nombre de témoins, confie-le à des hommes fidèles, qui soient eux mêmes capables d’en instruire les autres» (Tim., II, 1-2). Il est donc vrai que de même que Jésus-Christ a été envoyé par Dieu, et les Apôtres par Jésus-Christ, de même les évêques et tous ceux qui ont succédé aux Apôtres, ont été envoyés par les Apôtres. «Les Apôtres nous ont prêché l’Evangile, envoyés par Notre-Seigneur Jésus-Christ, et Jésus-Christ a été envoyé par Dieu. La mission du Christ est donc de Dieu, celle des Apôtres est du Christ, et toutes les deux ont été instituées selon l’ordre par la volonté de Dieu… Les Apôtres prêchaient donc l’Evangile à travers les nations et les villes ; et, après avoir éprouvé, selon l’esprit de Dieu, ceux qui étaient les prémices de ces chrétientés, ils établirent des évêques et des diacres pour gouverner ceux qui croiraient dans la suite… Ils instituèrent ceux que nous venons de dire, et plus tard ils prirent des dispositions pour que, ceux-là venant à mourir, d’autres hommes éprouvés leur succédassent dans leur ministère» (S. Clemens, Rom., Epist. I, ad Corinth., cap. 42-44).

Il est donc nécessaire que d’une façon permanente subsiste, d’une part, la mission constante et immuable d’enseigner tout ce que Jésus-Christ a enseigné Lui-même ; d’autre part, l’obligation constante et immuable d’accepter et de professer toute la doctrine ainsi enseignée. C’est ce que saint Cyprien exprime excellemment en ces termes : «Lorsque Notre-Seigneur Jésus-Christ, dans Son Evangile, déclare que ceux qui ne sont pas avec Lui sont Ses ennemis, Il ne désigne pas une hérésie en particulier, mais Il dénonce comme Ses adversaires tous ceux qui ne sont pas entièrement avec Lui et qui, ne recueillant pas avec Lui, mettent la dispersion dans Son troupeau : Celui qui n’est pas avec Moi, dit-Il, est contre Moi, et celui qui ne recueille pas avec Moi disperse» (Epist.,LXIX, ad Magnum, n 2).

Pénétrée à fond de ses principes et soucieuse de son devoir, l’Eglise n’a jamais rien eu de plus à coeur, rien poursuivi avec plus d’effort, que de CONSERVER DE LA FAÇON LA PLUS PARFAITE L’INTÉGRITÉ DE LA FOI. C’est pourquoi elle a regardé comme des rebelles déclarés, et chassé loin d’elle tous ceux qui ne pensaient pas comme elle, sur n’importe quel point de sa doctrine. Les Ariens, les Montanistes, les Novatiens, les Quartodécimans, les Eutychiens n’avaient assurément pas abandonné la doctrine catholique tout entière, mais seulement telle ou telle partie : et pourtant qui ne sait qu’ils ont été déclarés hérétiques et rejetés du sein de l’Eglise ? Et un jugement semblable a condamné tous les fauteurs de doctrines erronées qui ont apparu dans la suite aux différentes époques de l’histoire. «Rien ne saurait être plus dangereux que ces hérétiques qui, conservant en tout le reste l’intégrité de la doctrine, par un seul mot, comme par une goutte de venin, corrompent la pureté et la simplicité de la foi que nous avons reçue de la tradition dominicale, puis apostolique» (Auctor, Tractalus de Fide Orthodoxa contra Arianos). Telle a été toujours la coutume de l’Eglise, appuyée par le jugement unanime des saints Pères, lesquels ont toujours regardé comme exclu de la communion catholique et hors de l’Eglise quiconque se sépare le moins du monde de la doctrine enseignée par le magistère authentique. Epiphane, Augustin, Théodoret ont mentionné chacun un grand nombre des hérésies de leur temps. Saint Augustin remarque que d’autres espèces d’hérésies peuvent se développer, et que, si quelqu’un adhère à une seule d’entre elles, par le fait même, il se sépare de l’unité catholique. «De ce que quelqu’un, dit-il, ne croit point ces croire et se dire chrétien catholique. Car il peut y avoir, il peut surgir d’autres hérésies qui ne soient pas mentionnées dans cet ouvrage, et quiconque catholique» (De Hæresibus, n. 88).

Ce moyen institué par Dieu pour conserver l’unité de foi dont nous parlons est exposé avec insistance pax saint Paul dans son épître aux Ephésiens ; il les exhorte d’abord à conserver avec grand soin l’harmonie des coeurs : «Appliquezvous conserver l’unité d’esprit par le lien de la paix» (IV, 3 et seq) ; et comme les coeurs ne peuvent être pleinement unis charité, si les esprits ne sont point d’accord dans la foi, il veut qu’il n’y ait chez tous qu’une même foi. «Un seul Seigneur, une seule foi». Et il veut une unité si parfaite, qu’elle exclue tout danger d’erreur : «afin que nous ne soyons plus comme de petits enfants qui flottent, ni emportés çà et là à tout vent de doctrine, par la méchanceté des hommes, par l’astuce qui entraîne dans le piège de l’erreur». Et il enseigne que cette règle doit être observée, non point pour un temps, mais «jusqu’à ce que nous parvenions tous à l’unité de la foi, à la mesure de l’âge de la plénitude du Christ». Mais où Jésus-Christ a-t-il mis le principe qui doit établir cette unité, et le secours qui doit la conserver ? Le voici : «Il a établi les uns apôtres… d’autres pasteurs et docteurs, pour la perfection des saints, pour l’oeuvre du ministère, pour l’édification du corps du Christ».

Aussi, c’est cette même règle que, depuis l’antiquité la plus reculée, les Pères et les Docteurs ont toujours suivie et unanimement défendue. Ecoutez Origène : «Toutes les fois que les hérétiques nous montrent les Ecritures canoniques, auxquelles tout chrétien donne son assentiment et sa foi, ils semblent dire : C’est chez nous qu’est la parole de vérité. Mais nous ne devons point les croire, ni nous écarter de la primitive tradition ecclésiastique, ni croire autre chose que ce que les Eglises de Dieu nous ont enseigné par la tradition successive» (Vetus interpretatio commentariorum in Matth., n. 46).

Ecoutez saint Irénée : «La véritable sagesse est la doctrine des Apôtres… qui est arrivée jusqu’à nous par la succession des évêques… en nous transmettant la connaissance très complète des Ecritures, conservées sans altération» (Contra Hæreses, lib. IV, cap. 33, n. 8). Voici ce que dit Tertullien : «Il est constant que toute doctrine conforme à celle des Eglises apostoliques, mères et sources primitives de la foi, doit être déclarée vraie, puisqu’elle garde sans aucun doute ce que les Eglises ont reçu des Apôtres, les Apôtres du Christ, le Christ de Dieu… Nous sommes en communion avec les Eglises apostoliques ; nul n’a une doctrine différente : c’est là le témoignage de la vérité» (De Præscrip., cap. XXI).

Et saint Hilaire : «Le Christ, se tenant dans la barque pour enseigner, nous fait entendre que ceux qui sont hors de l’Eglise ne peuvent avoir aucune intelligence de la parole divine. Car la barque représente l’Eglise, dans laquelle seule le Verbe de vie réside et Se fait entendre, et ceux qui sont en dehors et qui restent là, stériles et inutiles comme le sable du rivage, ne peuvent point le comprendre» (Cornment. in Matth., XIII, n. 1). Rufin loue saint Grégoire de Nazianze et saint Basile de ce «qu’ils s’adonnaient uniquement à l’étude des livres de l’Ecriture sainte, et de ce qu’ils n’avaient point la présomption d’en demander l’intelligence à leurs propres pensées, mais de ce qu’ils la cherchaient dans les écrits et l’autorité des anciens, qui eux-mêmes, ainsi qu’il était constant, avaient reçu de la succession apostolique la règle de leur interprétation» (Hist. Eccl., lib. II ,cap. 9).

Il est donc évident, d’après tout ce qui vient d’être dit, que Jésus-Christ a institué dans l’Eglise un magistère vivant, authentique et, de plus, perpétuel (Richardus de S. Victore, De Trin., lib. I, cap. 2), qu’Il a investi de Sa propre autorité, revêtu de l’esprit de verité, confirmé par des miracles, et Il a voulu et très sévèrement ordonné que les enseignements doctrinaux de ce magistère fussent reçus comme les Siens propres. Toutes les fois donc que la parole de ce magistère déclare que telle ou telle vérité fait partie de l’ensemble de la doctrine divinement révélée, chacun doit croire avec certitude que cela est vrai ; car si cela pouvait en quelque manièreêtre faux, il s’ensuivrait, ce qui est évidemment absurde, que Dieu Lui-même serait l’auteur de l’erreur des hommes.

«Seigneur, si nous sommes dans l’erreur, c’est Vous-même qui nous avez trompés» (Conc. Vat. sess. III. cap. 3). Tout motif de doute étant ainsi écarté, peut-il être permis à qui que ce soit de repousser quelqu’une de ces vérités, sans se précipiter ouvertement dans l’hérésie, sans se séparer de l’Eglise et sans répudier en bloc toute la doctrine chrétienne ? Car telle est la nature de la foi que rien n’est plus impossible que de croire ceci et de rejeter cela. L’Eglise professe, en effet, que la foi est une vertu surnaturelle par laquelle, sous l’inspiration et avec le secours de la grâce de Dieu, nous croyons que ce qui nous a été révélé par Lui est véritable : nous le croyons, non point à cause de la vérité intrinsèque des choses vue dans la lumière naturelle de notre raison, mais à cause de l’autorité de Dieu Lui-même qui nous révèle ces vérités, et qui ne peut ni Se tromper ni nous tromper». Si donc il y a un point qui ait été évidemment révélé par Dieu et que nous refusions de le croire, nous ne croyons absolument rien de la foi divine. Car le jugement que porte saint Jacques au sujet des fautes dans l’ordre moral, il faut I’appliquer aux erreurs de pensée dans l’ordre de la foi.

«Quiconque se rend coupable en un seul point, devient transgresseur de tous» (II, 10). Cela est même beaucoup plus vrai des erreurs de la pensée. Ce n’est pas, en effet, au sens le plus propre qu’on peut appeler transgresseur de toute la loi celui qui a commis une faute morale ; car s’il peut sembler avoir méprisé la majesté de Dieu, auteur de toute la loi, ce mépris n’apparaît que par une sorte d’interprétation de la volonté du pécheur. Au contraire, celui qui, même sur un seul point, refuse son assentiment aux vérités divinement révélées, très réellement abdique tout à fait la foi, puisqu’il refuse de se soumettre à Dieu en tant qu’il est la souveraine vérité et le motif propre de foi. «En beaucoup de points ils sont avec Moi, en quelques-uns seulement, ils ne sont pas avec Moi ; mais à cause de ces quelques points dans lesquels ils se séparent de Moi, il ne leur sert de rien d’être avec Moi en tout le reste» (S. Augustinus, in Psal. LIV, n. 19).

Rien n’est plus juste : car ceux qui ne prennent de la doctrine chrétienne que ce qu’ils veulent, s’appuient sur leur propre jugement et non sur la foi ; et, refusant de «réduire en servitude toute intelligence sous l’obéissance du Christ» (II Corinth., X, 5), ils obéissent en réalité à eux-mêmes plutôt qu’à Dieu. «Vous qui dans l’Evangile croyez ce qui vous plaît et refusez de croire ce qui vous déplaît, vous croyez à vous-mêmes, beaucoup plus qu’à l’Evangile» (S. Augustinus, lib. XVII, Contra Faustum Manichæum, cap. 3). Les Pères du Concile du Vatican n’ont donc rien édicté de nouveau, mais ils n’ont fait que se conformer à l’institution divine, à l’antique et constante doctrine de l’Eglise et à la nature même de la foi, quand ils ont formulé ce décret : «On doit croire, de foi divine et catholique, toutes les vérités qui sont contenues dans la parole de Dieu écrite ou transmise par la tradition et que l’Eglise, SOIT PAR UN JUGEMENT SOLENNEL, SOIT PAR SON MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL, propose comme divinement révélée» (Sess. III, cap. 3).

Pour conclure, puisqu’il est évident que Dieu veut absolument dans Son Eglise l’unité de foi, puisqu’il a été démontré de quelle nature Il a voulu que fût cette unité et par quel principe Il a décrété d’en assurer la conservation, qu’il nous soit permis de nous adresser à tous ceux qui n’ont point résolu de fermer l’oreille à la vérité et de leur dire avec saint Augustin : «Puisque nous voyons là un si grand secours de Dieu, tant de profit et d’utilité, hésiterons-nous à nous jeter dans le sein de cette Eglise, qui, de l’aveu du genre humain tout entier, tient du siège apostolique, et a gardé, par la succession de ses évêques, l’autorité suprême, en dépit des clameurs des hérétiques qui l’assiègent et qui ont été condamnés soit par le jugement du peuple, soit par les solennelles décisions des Conciles, soit par la majesté des miracles ? Ne pas vouloir lui donner la première place, c’est assurément le fait ou d’une souveraine impiété ou d’une arrogance désespérée. Et si toute science, même la plus humble et la plus facile, exige, pour être acquise, le secours d’un docteur ou d’un maître, peut-on imaginer un plus téméraire orgueil, lorsqu’il s’agit des livres des divins mystères, que de refuser d’en recevoir la connaissance de la bouche de leurs interprètes, et, sans les connaître, de vouloir les condamner ?» (De utilitate credendi, cap. XVII, n. 35).

C’est donc, sans aucun doute, le devoir de l’Eglise de CONSERVER et de propager la doctrine chrétienne DANS TOUTE SON INTÉGRITÉ ET SA PURETÉ. Mais son rôle ne se borne point là, et la fin même pour laquelle l’Eglise est instituée n’est pas épuisée par cette première obligation. En effet, c’est pour le salut du genre humain que Jésus-Christ S’est sacrifié, c’est à cette fin qu’Il a rapporté tous Ses enseignements et tous Ses préceptes ; et ce qu’Il ordonne à l’Eglise de rechercher dans la vérité de la doctrine, c’est de sanctifier et de sauver les hommes. Mais ce dessein si grand, si excellent, la foi, à elle seule, ne peut aucunement le réaliser ; il faut y ajouter le culte rendu à Dieu, en esprit de justice et de piété et qui comprend surtout le sacrifice divin et la participation aux sacrements ; puis encore la sainteté des lois morales et de la discipline. Tout cela doit donc se rencontrer dans l’Eglise, puisqu’elle est chargée de continuer jusqu’à la fin des temps les fonctions du Sauveur : la religion, qui par la volonté de Dieu a en quelque sorte pris corps en elle, c’est l’Eglise seule qui l’offre au genre humain dans toute sa plénitude et sa perfection ; et de même tous les moyens de salut qui, dans le plan ordinaire de la Providence, sont nécessaires aux hommes, c’est elle seule qui les leur procure.

Mais, de même que la doctrine céleste n’a jamais été abandonnée au caprice ou au jugement individuel des hommes, mais qu’elle a été d’abord enseignée par Jésus, puis conférée exclusivement au magistère dont il a été question, de même ce n’est point au premier venu parmi le peuple chrétien, mais à certains hommes choisis, qu’a été donnée par Dieu la faculté d’accomplir et d’administrer les divins mystères et aussi le pouvoir de commander et de gouverner. Ce n’est, en effet, qu’aux apôtres et à leurs légitimes successeurs que s’adressent ces paroles de Jésus-Christ : «Allez dans le monde tout entier, prêchez-y l’Evangile… baptisez les hommes… faites cela en mémoire de Moi… Les péchés seront remis à ceux à qui vous les aurez remis». De la même façon, ce n’est qu’aux apôtres et à leurs légitimes successeurs qu’Il a ordonné de paître le troupeau, c’est-à-dire de gouverner avec autorité tout le peuple chrétien, lequel est en conséquence obligé, par le fait même, à leur être soumis et obéissant. Tout l’ensemble de ces fonctions du ministère apostolique est compris dans ces paroles de saint Paul : «Que les hommes nous regardent comme ministres du Christ et dispensateurs des mystères de Dieu» (I Corinth., IV, 1).

Ainsi Jésus-Christ a appelé tous les hommes sans exception, ceux qui existaient de son temps, et ceux qui devaient exister dans l’avenir, à Le suivre comme chef et comme Sauveur, non seulement chacun séparément, mais tous ensemble, unis par une telle association des personnes et des coeurs, que de cette multitude résultât un seul peuple légitimement constitué en société : un peuple vraiment uni par la communauté de foi, de but, de moyens appropriés au but, un peuple soumis à un seul et même pouvoir. Par le fait même, tous les principes naturels, qui parmi les hommes créent spontanément la société destinée à leur faire atteindre la perfection dont leur nature est capable, ont été établis par Jésus-Christ dans l’Eglise, de façon que, dans son sein, tous ceux qui veulent être les enfants adoptifs de Dieu pussent atteindre et conserver la perfection convenable à leur dignité et ainsi faire leur salut. L’Eglise donc, comme nous l’avons indiqué ailleurs, doit servir aux hommes de guide vers le ciel, et Dieu lui a donné la mission de juger et de décider par elle-même de tout ce qui touche la religion, et d’administrer à son gré, librement et sans entraves, les intérêts chrétiens. C’est donc ou ne pas la bien connaître ou la calomnier injustement que de l’accuser de vouloir envahir le domaine propre de la société civile, ou empiéter sur les droits des souverains. Bien plus, Dieu a fait de l’Eglise la plus excellente, à beaucoup près, de toutes les sociétés ; car la fin qu’elle poursuit l’emporte en noblesse sur la fin que poursuivent les autres sociétés, autant que la grâce divine l’emporte sur la nature, et que les biens immortels sont supérieurs aux choses périssables. Par son origine, l’Eglise est donc une société divine ; par sa fin, et par les moyens immédiats qui y conduisent, elle est surnaturelle ; par les membres dont elle se compose et qui sont des hommes, elle est une société humaine. C’est pourquoi nous la voyons désignée dans les saintes Lettres par des noms qui conviennent à une société parfaite. Elle est appelée non seulement la Maison de Dieu, la Cité placée sur la montagne, et où toutes les nations doivent se réunir, mais encore le Bercail, que doit gouverner un seul pasteur, et où doivent se réfugier toutes les brebis du Christ ; elle est appelée le Royaume suscité par Dieu et qui durera éternellement ; enfin le Corps du Christ, corps mystique, sans doute, mais vivant toutefois, parfaitement conformé et composé d’un grand nombre de membres, et ces membres n’ont pas tous la même fonction, mais ils sont liés entre eux et unis sous l’empire de la tête qui dirige tout. Or, il est impossible d’imaginer une société humaine véritable et parfaite, qui ne soit gouvernée par une puissance souveraine quelconque. Jésus-Christ doit donc avoir mis à la tête de l’Eglise un chef suprême à qui toute la multitude des chrétiens fût soumise et obéissante. C’est pourquoi, de même que l’Eglise pour être une en tant qu’elle est la réunion des fidèles requiert nécessairement l’unité de foi, ainsi pour être une en tant qu’elle est une société divinement constituée, elle requiert de droit divin l’unité de gouvernement, laquelle produit et comprend l’unité de communion.

«L’unité de l’Eglise doit être considérée sous deux aspects : d’abord dans la connexion mutuelle des membres de l’Eglise ou la communication qu’ils ont entre eux ; et, en second lieu, dans l’ordre qui relie tous les membres de l’Eglise à un seul chef» (S. Hieronymus. Commentar, in Epist. ad Titum).

Par où l’on peut comprendre que les hommes ne se séparent pas moins de l’unité de l’Eglise par le schisme que par l’hérésie. «On met cette différence entre l’hérésie et le schisme, que l’hérésie professe un dogme corrompu ; le schisme, suite d’une dissension dans l’épiscopat, se sépare de l’Eglise» (Hom. XI, in Epist. ad Ephes., n. 5). Ces paroles concordent avec celles de saint Jean Chrysostome sur le même sujet : «Je dis et je proteste que diviser l’Eglise n’est pas un moindre mal que de tomber dans l’hérésie. C’est pourquoi, si nulle hérésie ne peut être légitime, de la même façon, il qu’on puisse regarder comme fait à bon droit. Il n’est rien de plus grave que le sacrilège du schisme : il n’y a point de nécessité légitime de rompre l’unité» (S. Augustinus, Contra epistolam Parmeniani, lib. II, cap. 2, n. 25).

Quelle est cette souveraine puissance à laquelle tous les chrétiens doivent obéir ; de quelle nature est-elle ? On ne peut le déterminer qu’en constatant et en connaissant bien qu’elle a été sur ce point la volonté du Christ. Assurément, le Christ est le roi éternel, et éternellement, du haut du ciel, Il continue à diriger et à protéger invisiblement Son royaume ; mais, puisqu’Il a voulu que ce royaume fût visible, Il a dû désigner quelqu’un pour tenir Sa place sur la terre, après qu’Il serait lui-même remonté au ciel.

«Si quelqu’un dit que l’unique chef et l’unique pasteur est Jésus-Christ, qui est l’unique époux de l’Eglise unique, cette réponse n’est pas suffisante. Il est évident, en effet, que c’est Jésus-Christ Lui-même qui opère les sacrements dans l’Eglise ; c’est Lui qui baptise, c’est Lui qui remet les péchés ; Il est le véritable prêtre qui S’est offert sur l’autel de la croix, et par la vertu duquel Son corps est consacré tous les jours sur l’autel ; et cependant, comme Il ne devait pas rester avec tous les fidèles par Sa présence corporelle, Il a choisi des ministres par le moyen desquels Il pût dispenser aux fidèles les sacrements dont nous venons de parler, ainsi que nous l’avons dit plus haut (ch. 74). De la même façon, parce qu’Il devait soustraire à l’Eglise Sa présence corporelle, il a donc fallu qu’Il désignât quelqu’un pour prendre à Sa place le soin de l’Eglise universelle. C’est pour cela qu’Il a dit à Pierre avant Son ascension : «Pais mes brebis» (S. Thomas, Contra gentiles, lib. IV, cap.76)

Jésus-Christ a donc donné Pierre à l’Eglise pour souverain chef, et Il a établi que cette puissance, instituée jusqu’à la fin des temps pour le salut de tous, passerait par héritage aux successeurs de Pierre, dans lesquels Pierre lui-même se survivrait perpétuellement par Son autorité. Assurément, c’est au bienheureux Pierre, et en dehors de lui à aucun autre, qu’Il a fait cette promesse insigne : «Tu es Pierre, et sur cette pierre, Je bâtirai Mon Eglise» (Matth., XVI, 18). C’est à Pierre que le Seigneur a parlé : à un seul, afin de fonder l’unité par un seul (S. Pascianus ad Sempronium, epist. III, n. 11) – «En effet, sans aucun autre préambule, Il désigne par son nom et le père de l’apôtre et l’apôtre lui-même (Tu es bienheureux, Simon, fils de Jonas), et Il ne permet plus qu’on l’appelle Simon, le revendiquant désormais comme Sien en vertu de Sa puissance ; puis, par une image très appropriée, Il veut qu’on l’appelle Pierre, parce qu’il est la pierre sur laquelle il devait fonder Son Eglise» (S. Cyrillus Alexandrinus in Evang. Joan, lib. Il, in cap. 1. n. 42).

D’après cet oracle, il est évident que, de par la volonté et l’ordre de Dieu, l’Eglise est établie sur le bienheureux Pierre, comme l’édifice sur son fondement. Or, la nature et la vertu propre du fondement, c’est de donner la cohésion à l’édifice connexion intime de ses différentes parties ; c’est encore d’être le lien nécessaire de la sécurité et de la solidité de l’oeuvre tout entière : si le fondement disparaît, tout l’édifice s’écroule. Le rôle de Pierre est donc de supporter l’Eglise et de maintenir en elle la connexion, la solidité d’une cohésion indissoluble. Or, comment pourrait-il remplir un pareil rôle, s’il n’avait la puissance de commander, de défendre, de juger en un mot, un pouvoir de juridiction propre et véritable ? Il est évident que les Etats et les sociétés ne peuvent subsister que grâce à un pouvoir de juridiction. Une primauté d’honneur, ou encore le pouvoir si modeste de conseiller et d’avertir, qu’on appelle pouvoir de direction, sont incapables de prêter à aucune société humaine un élément bien efficace d’unité et de solidité.

Au contraire, ce véritable pouvoir, dont nous parlons, est déclaré et affirmé dans ces paroles : «Et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle». – «Qu’est-ce à dire, contre elle ? Est-ce contre la pierre sur laquelle le Christ bâtit l’Eglise ? Est-ce contre l’Eglise ? La phrase reste ambiguë ; serait-ce pour signifier que la pierre et l’Eglise ne sont qu’une seule et même chose ? Oui, c’est là, je crois, la vérité : car les portes de l’enfer ne prévaudront ni contre la pierre sur laquelle le Christ bâtit l’Eglise, ni contre l’Eglise elle-même» (Origenes, Comment. in Matt., t. XII, n. 11). Voici la portée de cette divine parole : L’Eglise, appuyée sur Pierre, quelle que soit la violence, quelle que soit l’habileté que déploient ses ennemis visibles et invisibles, ne pourra jamais succomber ni défaillir en quoi que ce soit. «L’Eglise étant l’édifice du Christ, lequel a sagement bâti “sa maison sur la pierre” ne peut être soumise aux portes de l’enfer ; celles-ci peuvent prévaloir contre quiconque se trouvera en dehors de la pierre, en dehors de l’Eglise, mais elles sont impuissantes contre elle (Origenes. Comment. in Matth). Si Dieu a confié Son Eglise à Pierre, c’est donc afin que ce soutien invisible la conservât toujours dans toute son intégrité. Il l’a donc investi de l’autorité nécessaire ; car, pour soutenir réellement et efficacement une Société humaine, le droit de commander est indispensable à celui qui la soutient. Jésus a ajouté encore : «Et Je te donnerai les clés du royaume des cieux». Il est clair qu’Il continue à parler de l’Eglise, de cette Eglise qu’Il vient d’appeler Sienne, et qu’Il a déclaré vouloir bâtir sur Pierre, comme sur son fondement.

L’Eglise offre, en effet, l’image non seulement d’un édifice, mais d’un royaume ; au reste, nul n’ignore que les clés sont l’insigne ordinaire de l’autorité. Ainsi, quand Jésus promet de donner à Pierre les clés du royaume des cieux, Il promet de lui donner le pouvoir et l’autorité sur l’Eglise. «Le Fils lui a donné (à Pierre) la mission de répandre dans le monde tout entier la connaissance du Père et du Fils Lui-même, et Il a donné à un homme mortel toute la puissance céleste, quand Il a confié les clés à Pierre, qui a étendu l’Eglise jusqu’aux extrémités du monde et qui l’a montrée plus inébranlable que le ciel» (S. Joannes Chrysostomus, Hom. LIV, in Matth., n. 2). Ce qui suit encore a le même sens : «Tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aussi dans le ciel, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié aussi dans le ciel». Cette expression figurée : lier et délier, désigne le pouvoir d’établir des lois, et aussi celui de juger et de punir. Et Jésus-Christ affirme que ce pouvoir aura une telle étendue, une telle efficacité, que tous les décrets rendus par Pierre seront ratifiés par Dieu. Ce pouvoir est donc souverain et tout à fait nindépendant, puisqu’il n’a sur la terre aucun pouvoir au-dessus de lui, et qu’il embrasse l’Eglise tout entière et tout ce qui est confié à l’Eglise.

La promesse faite à Pierre a été accomplie, au temps où Jésus-Christ Notre-Seigneur, après sa résurrection, ayant demandé par trois fois à Pierre s’il L’aimait plus que les autres, lui dit sous une forme impérative : «Pais mes agneaux… pais mes brebis» (Jean, XXI, 16-17). C’est-à-dire que tous ceux qui doivent être un jour dans Sa bergerie, Il les remet à Pierre comme à leur vrai pasteur. «Si le Seigneur interroge, ce n’est pas qu’Il doute : Il ne veut pas S’instruire, mais instruire au contraire celui que, sur le point de remonter au ciel, Il nous laissait comme le vicaire de Son amour… Et parce que, seul entre tous, Pierre professe cet amour, il est mis à la tète de tous les autres… à la tête des plus parfaits, pour les gouverner, étant plus parfait lui-même» (S. Ambrosius, Exposit. in Evanq. secundum Lucam, lib. X, n. 175-176). Or, le devoir et le rôle du pasteur, c’est de guider le troupeau, de veiller à son salut en lui procurant des pâturages salutaires, en écartant les dangers, en démasquant les pièges, en repoussant les attaques violentes : bref, en exerçant l’autorité du gouvernement. Donc, puisque Pierre a été préposé comme pasteur au troupeau des fidèles, il a reçu le pouvoir de gouverner tous les hommes pour le salut desquels Jésus-Christ a répandu Son sang. «Pourquoi a-t-Il versé Son sang ?

Pour racheter ces brebis qu’Il a confiées à Pierre et à ses successeurs» (S. Joannes Chrysostomus, De sacerdotio, lib.
II). Et parce qu’il est nécessaire que tous les chrétiens soient liés entre eux par la communauté d’une foi immuable, c’est pour cela que par la vertu de Ses prières, Jésus-Christ Notre-Seigneur a obtenu à Pierre que, dans l’exercice de son pouvoir, sa foi ne défaillît jamais. «J’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point» (Luc, XXII, 32). Et Il a ordonné, en outre, toutes les fois que les circonstances le demanderaient, de communiquer lui-même à ses frères la lumière et l’énergie de son âme : «Confirme tes frères» (Ibid). Celui donc qu’Il avait désigné comme le fondement de l’Eglise, Il veut qu’il soit la colonne de la foi. «Puisque de Sa propre autorité Il lui donnait le royaume, ne pouvait-il pas affermir sa foi, d’autant que, en l’appelant Pierre, Il le désignait comme le fondement qui devait affermir l’Eglise ?» (S. Ambrosius de Fide, IV, n. 56).

De là vient que certains noms, qui désignent de très grandes choses, et «qui appartiennent en propre à Jésus-Christ en vertu de Sa puissance, Jésus Lui-même a voulu les rendre communs à Lui et à Pierre par participation» (S. Leo M. sermo IV, cap. 2), afin que la communauté des titres manifestât la communauté du pouvoir. Ainsi Lui qui est «la pierre l’angle, sur laquelle tout l’édifice construit s’élève comme un temple sacré dans le Seigneur» (Ephes., II, 21),Il a établi Pierre comme la pierre sur laquelle devait être appuyée Son Eglise. Quand Jésus lui dit : «Tu es la pierre», cette parole lui conféra un beau titre de noblesse. Et pourtant il est la pierre, non pas comme le Christ est la pierre, mais comme Pierre peut être la pierre. Car le Christ est essentiellement la pierre inébranlable, et c’est par elle que Pierre est la pierre. Car Jésus communique Ses dignités sans s’appauvrir… Il est le prêtre, Il fait les prêtres… Il est la pierre, Il fait de Son apôtre la pierre (Hom. de Pænitentia, n. 4 in appendice opp. S. Basilii).

Il est encore le roi de l’Eglise, «qui possède la clé de David ; Il ferme et personne ne peut ouvrir ; Il ouvre et personne ne peut fermer» (Apoc. III, 7) ; or, en donnant les clés à Pierre, Il le déclare le chef de la société chrétienne. Il est encore le pasteur suprême qui S’appelle Lui-même «le bon pasteur» (Jean, X, 11) ; or, Il a établi Pierre comme pasteur de Ses agneaux et de Ses brebis. C’est pourquoi saint Chrysostome a dit : «Il était le principal entre les apôtres, il était comme la bouche des autres disciples et la tête du corps apostolique… Jésus lui montrant qu’il doit désormais avoir confiance, parce que toute trace de son reniement est effacée, lui confie le gouvernement de ses frères… Il lui dit : «Si tu M’aimes, sois le chef de tes frères» (Hom. LXXXVIII, in Joan., n. 1). Enfin, celui qui confirme «en toute bonne oeuvre et toute bonne parole», c’est Lui qui commande à Pierre de confirmer ses frères (Thessalon., II, 16).

Saint Léon le Grand a donc bien raison de dire : «Du sein du monde tout entier, Pierre seul est élu pour être mis à la tête de toutes les nations appelées, de tous les apôtres, de tous les Pères de l’Eglise ; de telle sorte que, bien qu’il y ait dans le peuple de Dieu beaucoup de pasteurs, cependant Pierre régit proprement tous ceux qui sont aussi principalement régis par le Christ» (Sermo IV, cap. 2). De même, saint Grégoire le Grand écrit à l’empereur Mauriste Auguste : «Pour tous ceux qui connaissent l’Evangile, il est évident que par la parole du Seigneur, le soin de toute l’Eglise a été confié au saint apôtre Pierre, chef de tous les Apôtres… Il a reçu les clés du royaume du ciel, la puissance de lier et de délier lui est attribuée, et le soin et le gouvernement de toute l’Eglise lui est confié» (Epistolarum, lib. V, epist. XX).

Or, cette autorité faisant partie de la constitution et de l’organisation de l’Eglise comme son élément principal, puisqu’elle est le principe de l’unité, le fondement de la sécurité et de la durée perpétuelle, il s’ensuit qu’elle ne pouvait en aucune façon disparaître avec le bienheureux Pierre, mais qu’elle devait nécessairement passer à ses successeurs et à l’autre. «La disposition de la vérité demeure donc, et le bienheureux Pierre, persévérant dans la fermeté de la pierre, dont il a reçu la vertu, n’a point quitté le gouvernail de l’Eglise, mis dans sa main» (S. Leo M. sermoIII, cap. 3).

C’est pourquoi les Pontifes qui succèdent à Pierre dans l’épiscopat romain possèdent de droit divin le suprême pouvoir dans l’Église. «Nous définissons que le Saint-Siège apostolique et le Pontife romain possèdent la primauté sur le monde entier, et que le Pontife romain est le successeur du bienheureux Pierre, prince des Apôtres, et qu’il est le véritable vicaire de Jésus-Christ, le chef de toute l’Eglise, le Père et le docteur de tous les chrétiens, et qu’à lui, dans la personne du bienheureux Pierre, a été donné par Notre-Seigneur Jésus-Christ le plein pouvoir de paître, de régir et de gouverner l’Eglise universelle ; ainsi que cela est contenu aussi dans les actes des Conciles œcuméniques et dans les sacrés canons» (Concilium Florentinum). Le quatrième Concile de Latran dit de même : «L’Eglise romaine… par la disposition du Seigneur, possède le principat de la puissance ordinaire sur toutes les autres Eglises, en sa qualité de mère et de maîtresse de tous les fidèles du Christ».

Tel était déjà auparavant le sentiment unanime de l’antiquité qui, sans la moindre hésitation, a toujours regardé et vénéré les évêques de Rome comme les successeurs légitimes du bienheureux Pierre. Qui pourrait ignorer combien nombreux, combien clairs sont sur ce point les témoignages des saints Pères ? Bien éclatant est celui de saint Irénée, qui parle ainsi de l’Eglise romaine : «C’est à cette Eglise que, à cause de sa prééminence supérieure, toute l’Eglise doit nécessairement se réunir» (Contra Hæreses, lib. III, cap. 3, n° 2).

Saint Cyprien affirme, lui aussi, de l’Eglise romaine, qu’elle est la «racine et la mère de l’Eglise catholique (Epist. XLVIII, ad Cornelium, n. 3), la chaire de Pierre et l’Eglise principale, d’où est née l’unité sacerdotale» (Epist. LIX, ad Cornelium, n. 14). Il l’appelle la «chaire de Pierre», parce qu’elle est occupée par le successeur de Pierre ; «l’Eglise principale», à cause du principat conféré à Pierre et à ses légitimes successeurs, «celle d’où est née l’unité», parce que, dans la société chrétienne, la cause efficiente de l’unité est l’Eglise romaine.

C’est pourquoi saint Jérôme écrit en ces termes à Damase : «Je parle au successeur du pêcheur et au disciple de la croix… Je suis lié par la communion à Votre Béatitude, c’est-à-dire à la chaire de Pierre. Je sais que sur cette pierre est bâtie l’Eglise» (Epist. XV, ad Damasum, n. 2). La méthode habituelle de saint Jérôme pour reconnaître si un homme est catholique, c’est de savoir s’il est uni à la chaire romaine de Pierre. «Si quelqu’un est uni à la chaire de Pierre, c’est mon homme» (Epist. XVI, ad Damasum, n. 2).

Par une méthode analogue, saint Augustin, qui déclare ouvertement que «dans l’Eglise romaine s’est toujours maintenu le principat de la chaire apostolique» (Epist. XLIII), affirme que quiconque se sépare de la foi romaine n’est point catholique. «On ne peut croire que vous gardiez la véritable foi catholique, vous qui n’enseignez pas qu’on doit garder la foi romaine» (Sermo CXX, n. 13). De même, saint Cyprien : «Etre en communion avec Corneille, c’est être en communion avec l’Eglise catholique» (Epist. LV, n. 1).

L’abbé Maxime enseigne également que la marque de la vraie foi et de la vraie communion c’est d’être soumis au Pontife romain. «Si quelqu’un veut n’être point hérétique et ne point passer pour tel, qu’il ne cherche pas à satisfaire celui-ci ou celui-là… Qu’il se hâte de satisfaire en tout le siège de Rome. Le siège de Rome satisfait, tous partout et d’une seule voix le proclameront pieux et orthodoxe. Car si l’on veut persuader ceux qui me ressemblent, c’est en vain qu’on se contenterait de parler, si l’on ne satisfait et si l’on n’implore le bienheureux Pape de la très sainte Eglise des Romains, c’est-à-dire le Siège Apostolique». Et voici, d’après lui, la cause et l’explication de ce fait. C’est que l’Eglise romaine «a reçu du Verbe de Dieu Incarné Lui-même, et, d’après les saints Conciles, selon les saints canons et les définitions, elle possède, sur l’universalité des saintes Eglises de Dieu qui existent sur toute la surface de la terre, l’empire et l’autorité en tout et pour tout, et le pouvoir de lier et de délier. Car lorsqu’elle lie et délie, le Verbe, qui commande aux vertus célestes, lie ou délie aussi dans le ciel» (Defloratio ex Epistola ad Petrum illustrem).

C’était donc un article de foi chrétienne, c’était un point reconnu et observé constamment, non par une nation ou par un siècle, mais par tous les siècles et par l’Orient non moins que par l’Occident, que rappelait au synode d’Éphèse, sans soulever aucune contradiction, le prêtre Philippe, légat du Pontife romain : «Il n’est douteux pour personne, et c’est une chose connue de tous les temps, que le saint et bienheureux Pierre, prince et chef des apôtres, colonne de la foi et fondement de l’Eglise catholique, a reçu de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Sauveur et Rédempteur du genre humain, les clés du royaume, et que le pouvoir de lier et de délier les péchés a été donné à ce même apôtre, qui, jusqu’au moment présent et toujours, vit dans ses successeurs et exerce en eux son autorité» (Actio Ill). Tout le monde connaît la sentence du Concile de Chalcédoine sur le même sujet : « Pierre a parlé… par la bouche de Léon» (Actio II), sentence à laquelle la voix du troisième Concile de Constantinople répond comme un écho : «Le souverain prince des Apôtres combattait avec nous, car nous avons eu en notre faveur son imitateur et son successeur dans son Siège… On ne voyait au dehors (pendant qu’on lisait la lettre du Pontife romain) que du papier et de l’encre, et c’était Pierre qui parlait par la bouche d’Agathon» (Actio XVIII). Dans la formule de profession de foi catholique, proposée en termes exprès par Hormisdas au commencement du VIè siècle, et souscrite par l’empereur Justinien et aussi par les patriarches Épiphane, Jean et Mennas, la même pensée est exprimée avec une grande vigueur : «Comme la sentence de Notre-Seigneur Jésus-Christ qui a dit : «Tu es Pierre, et sur cette pierre Je bâtirai Mon Eglise» ne peut être négligée,… ce qui a été dit est confirmé par la réalité des faits, puisque, dans le Siège Apostolique, la religion catholique a toujours été conservée sans aucunetache» (Post Epistolam XXVI, ad omnes Epius Hispan, n. 4).

Nous ne voulons point énumérer tous les témoignages : il Nous plaît néanmoins de rappeler la formule selon laquelle Michel Paléologue a professé la foi au deuxième Concile de Lyon : «La sainte Eglise romaine possède aussi la souveraine et pleine primauté et principauté sur l’Eglise catholique universelle, et elle reconnaît, avec vérité et humilité, avoir reçu cette primauté et principauté, avec la plénitude de la puissance du Seigneur Lui-même, dans la personne du bienheureux Pierre, prince ou chef des Apôtres, dont le Pontife romain est le successeur. Et, de même qu’elle est tenue de défendre, avant tous les autres, la vérité de la foi, de même, si des difficultés s’élèvent au sujet de la foi, c’est par son jugement qu’elles doivent être tranchées» (Actio IV).

Si la puissance de Pierre et de ses successeurs est pleine et souveraine, il ne faudrait cependant pas croire qu’il n’y en a point d’autre dans l’Eglise. Celui qui a établi Pierre comme fondement de l’Eglise a aussi «choisi douze de Ses auxquels Il a donné le nom d’Apôtres» (Luc IV, 13). De même que l’autorité de Pierre est nécessairement permanente et perpétuelle dans le Pontife romain, ainsi les évêques, en leur qualité de successeurs des Apôtres, sont les héritiers du pouvoir ordinaire des Apôtres, de telle sorte que l’ordre épiscopal fait nécessairement partie de la constitution intime de l’Eglise. Et quoique l’autorité des évêques ne soit ni pleine, ni universelle, ni souveraine, on ne doit pas cependant les regarder comme de simples vicaires des Pontifes romains, car ils possèdent une autorité qui leur est propre, et ils portent en toute vérité le nom de prélats ordinaires des peuples qu’ils gouvernent.

Mais comme le successeur de Pierre est unique, tandis que ceux des Apôtres sont très nombreux, il convient d’étudier quels liens, d’après la constitution divine, unissent ces derniers au Pontife romain. Et d’abord, l’union des évêques avec le successeur de Pierre est d’une nécessité évidente et qui ne peut faire le moindre doute ; car, si ce lien se dénoue, le peuple chrétien lui-même n’est plus qu’une multitude qui se dissout et se désagrège, et ne peut plus, en aucune façon, former un seul corps et un seul troupeau. «Le salut de l’Eglise dépend de la dignité du souverain prêtre : si on n’attribue point à celui-ci une puissance à part et élevée au-dessus de tout autre, il y aura dans l’Eglise autant de schismes que de prêtres» (S. Hieronymus, Dialog. Contra Luciferianos, n. 9).

C’est pourquoi il faut faire ici une remarque importante. Rien n’a été conféré aux Apôtres indépendamment de Pierre ; plusieurs choses ont été conférées à Pierre isolément et indépendamment des Apôtres. Saint Jean Chrysostome, expliquant les paroles de Jésus-Christ (Jean, XXI, 15), se demande «pourquoi, laissant de côté les autres, le Christ s’adresse à Pierre», et il répond formellement : «C’est qu’il était le principal entre les Apôtres, comme la bouche des autres disciples et le chef du corps apostolique» (Hom. LXXXVIII, in Joan., n. 1). Lui seul, en effet, a été désigné par le Christ comme fondement de l’Eglise. C’est à lui qu’a été donné tout pouvoir de lier et de délier ; à lui seul également a été confié le pouvoir de paître le troupeau. Au contraire, tout ce que les Apôtres ont reçu, en fait de fonctions et d’autorité, ils l’ont reçu conjointement avec Pierre. «Si la divine bonté a voulu que les autres princes de l’Eglise eussent quelque chose de commun avec Pierre, ce qu’elle n’avait pas refusé aux autres, elle ne leur a jamais donné que par lui (S. Leo M., sermo IV, cap. 2). Il a reçu seul beaucoup de choses, mais rien n’a été accordé à qui que ce soit sans sa participation» (Ibid).

Par où l’on voit clairement que les évêques perdraient le droit et le pouvoir de gouverner s’ils se séparaient sciemment de Pierre ou de ses successeurs. Car, par cette séparation, ils s’arrachent eux-mêmes du fondement sur lequel doit reposer tout l’édifice, et ils sont ainsi mis en dehors de l’édifice lui-même ; pour la même raison, ils se trouvent exclus du bercail que gouverne le Pasteur suprême, et bannis du royaume dont les clés ont été données par Dieu à Pierre seul.

Ces considérations nous font comprendre le plan et le dessein de Dieu dans la constitution de la société chrétienne.

Ce plan, le voici : L’auteur divin de l’Eglise, ayant décrété de lui donner l’unité de foi, de gouvernement, de communion, a choisi Pierre et ses successeurs pour établir en eux le principe et comme le centre de l’unité. C’est pourquoi saint Cyprien écrit : «Il y a, pour arriver à la foi, une démonstration facile, qui résume la vérité. Le Seigneur s’adresse à Pierre en ces termes : «Je te dis que tu es Pierre…» C’est sur un seul qu’Il bâtit l’Eglise. Et quoique après Sa résurrection Il confère à tous les Apôtres une puissance égale et leur dise : «Comme mon Père M’a envoyé…» ; cependant pour mettre l’unité en pleine lumière, c’est en un seul qu’Il établit, par Son autorité, l’origine et le point de départ de cette même unité» (De Unit. Eccl., n. 4). Et saint Optat de Milève : «Tu sais fort bien, écrit-il, tu ne peux le nier, que c’est à Pierre le premier qu’a été conférée la chaire épiscopale dans la ville de Rome : c’est là que s’est assis le chef des Apôtres : Pierre, qui, par suite, a été appelé Céphas. C’est dans cette chaire unique que tous devaient garder l’unité, afin que les autres Apôtres ne pussent se retrancher chacun isolément dans son siège, et que celui-là fût désormais schismatique et prévaricateur, qui élèverait une autre chaire contre cette chaire unique» (De schism. Donat., lib. II). De là vient cette sentence du même saint Cyprien, que l’hérésie et le schisme se produisent et naissent l’une et l’autre de ce fait, que l’on refuse à la puissance suprême l’obéissance qui lui est due. «L’unique source d’où ont surgi les hérésies et d’où sont nés les schismes, c’est que l’on n’obéit point au Pontife de Dieu et que l’on ne veut pas reconnaître dans l’Eglise et en même temps un seul pontife et un seul juge qui tient la place du Christ» (Epist. XII, ad Cornelium, n. 5).

Nul ne peut donc avoir part à l’autorité s’il n’est uni à Pierre, car il serait absurde de prétendre qu’un homme exclu de l’Eglise a l’autorité dans l’Eglise. C’est à ce titre qu’Optat de Milève reprenait les donatistes : «C’est contre les portes de l’enfer que Pierre, comme nous le lisons dans l’Evangile, a reçu les clés du salut ; Pierre, c’est-à-dire notre chef, à qui Jésus-Christ a dit : «Je te donnerai les clés du royaume des cieux, et les portes de l’enfer ne triompheront jamais d’elles». Comment donc osez-vous essayer de vous attribuer les clés du royaume des cieux, vous qui combattez contre la chaire de Pierre» (Lib. II, n. 4-5).

Mais l’ordre des évêques ne peut être regardé comme vraiment uni à Pierre, de la façon que le Christ l’a voulu, que s’il est soumis et s’il obéit à Pierre ; sans quoi il se disperse nécessairement en une multitude où règnent la confusion et le désordre. Pour conserver l’unité de foi et de communion telle qu’il la faut, ni une primauté d’honneur ni un pouvoir de direction ne suffisent ; il faut absolument une autorité véritable et en même temps souveraine, à laquelle obéisse toute la communauté. Qu’a voulu en effet le Fils de Dieu, quand il a promis les clés du royaume des cieux au seul Pierre ? Que les clés désignent ici la puissance suprême, l’usage biblique et le consentement unanime des Pères ne permettent point d’en douter. Et on ne peut interpréter autrement les pouvoirs qui ont été conférés, soit à Pierre séparément, soit aux apôtres conjointement avec Pierre. Si la faculté de lier, de délier, de paître le troupeau donne, aux évêques, successeurs des Apôtres, le droit de gouverner avec une autorité véritable le peuple confié à chacun d’eux, assurément cette même faculté doit produire le même effet dans celui à qui a été assigné par Dieu Lui-même le rôle de paître les agneaux et les brebis. «Pierre n’a pas seulement été établi pasteur par le Christ, mais pasteur des pasteurs. Pierre donc paît les agneaux et il paît les brebis ; il paît les petits et il paît les mères ; il gouverne les sujets, il gouverne aussi les prélats, car dans l’Eglise, en dehors des agneaux et des brebis, il n’y a rien» (S. Brunonis, Episcopi signiensis, Comment. in Joan., part. III, cap. 21, n. 55).

De là viennent chez les anciens Pères ces expressions tout à fait à part qui désignent le bienheureux Pierre et qui le montrent évidemment comme placé au degré suprême de la dignité et du pouvoir. Ils l’appellent fréquemment «le chef de l’assemblée des disciples ; le prince des saints Apôtres ; le coryphée du chœur apostolique ; la bouche de tous les Apôtres : le chef de cette famille ; celui qui commande au monde entier ; le premier parmi les Apôtres ; la colonne de l’Eglise.

La conclusion de tout ce qui précède semble se trouver dans ces paroles de saint Bernard au pape Eugène : «Qui êtes-vous ? Vous êtes le grand prêtre, le pontife souverain. Vous êtes le prince des évêques, vous êtes l’héritier des Apôtres… Vous êtes celui à qui les clés ont été données, à qui les brebis ont été confiées. D’autres que vous sont aussi portiers du ciel et pasteurs de troupeaux ; mais ce double titre est en vous d’autant plus glorieux, que vous l’avez reçu en héritage dans un sens plus particulier que tous les autres. Ils ont, eux, leurs troupeaux qui leur ont été assignés ; chacun a le sien ; à vous, tous les troupeaux ensemble ont été confiés ; à vous seul, un seul troupeau, formé non pas seulement des brebis, mais aussi des pasteurs : vous êtes l’unique pasteur de tous. Vous me demandez comment je le prouve. Par la parole du Seigneur. A qui, en effet, je ne dis pas entre les évêques, mais même entre les Apôtres, ont été confiées ainsi absolument et indistinctement toutes les brebis ? Si tu M’aimes, Pierre, pais Mes brebis ? — Lesquelles ? Les peuples de telle ou de telle cité, de telle contrée, de tel royaume ? Mes brebis, dit-Il. Qui ne voit qu’Il n’en désigne point quelques unes, mais qu’Il les assigne toutes à Pierre ? Nulle distinction, donc nulle exception» (De consideratione, Iib. II, cap. 8).

Mais ce serait s’éloigner de la vérité, et contredire ouvertement à la constitution divine de l’Eglise, que de prétendre que chacun des évêques pris isolément doit être soumis à la juridiction des Pontifes romains, mais que tous les évêques pris ensemble ne le doivent point. Quelle est en effet toute la raison d’être et la nature du fondement ? C’est de sauvegarder l’unité et la solidité, bien plus encore de l’édifice tout entier que de chacune de ses parties. Et cela est beaucoup plus vrai dans le sujet dons nous parlons, car Jésus-Christ Notre-Seigneur a voulu, par la solidité du fondement de Son Eglise, obtenir ce résultat, que les portes de l’enfer ne puissent prévaloir contre elle. Or, tout le monde convient que cette promesse divine doit s’entendre de l’Eglise universelle et non de ses parties prises isolément, car celles-ci peuvent en réalité être vaincues par l’effort des enfers, et il est arrivé à plusieurs d’entre elles, prises séparément, d’être en effet vaincues.

De plus, celui qui a été mis à la tète du troupeau tout entier doit avoir nécessairement l’autorité, non seulement sur les brebis dispersées, mais sur tout l’ensemble des brebis réunies. Est-ce que par hasard l’ensemble des brebis gouverne et conduit le pasteur ? Les successeurs des Apôtres réunis ensemble seraient-ils le fondement sur lequel le successeur de Pierre devrait s’appuyer pour la solidité ?

Celui qui possède les clés du royaume a évidemment droit et autorité, non seulement sur les provinces isolées, mais sur toutes à la fois ; et de même que les évêques, chacun dans son territoire, commandent avec une véritable autorité, non seulement à chaque particulier, mais à la communauté entière, de même les Pontifes romains, dont la juridiction embrasse toute la société chrétienne, ont toutes les parties de cette société, mêmes réunies ensemble, soumises et obéissantes à leur pouvoir. Jésus-Christ Notre-Seigneur, Nous l’avons déjà assez dit, a donné à Pierre et à ses successeurs la charge d’être Ses vicaires et d’exercer perpétuellement dans l’Eglise le même pouvoir qu’Il a exercé Lui-même durant Sa vie mortelle. Or, dira-t-on que le collège des Apôtres l’emportait en autorité sur son Maître ?

Cette puissance, dont Nous parlons, sur le collège même des évêques, puissance que les Saintes Lettres énoncent si ouvertement, l’Eglise n’a jamais cessé de la reconnaître et de l’attester. Voici sur ce point les déclarations des Conciles : «Nous lisons que le Pontife romain a jugé les prélats de toutes les Eglises ; mais Nous ne lisons point qu’il ait été jugé par qui que ce soit» (Hadrianus II, in Allocutione III ad Synodum Romanam an. 869. Cf. Actionem VII Concilii Constantinopolitani IV). Et la raison de ce fait est indiquée, c’est que «il n’y a point d’autorité supérieure à l’autorité du Siège Apostolique» (Nicolaus in epist. LXXXVI, Ad Michael. Imperat. «Patet profecta Sedis Apostolicæ, cuius auctoritate major non est, judicum a nemine fore retractandum, neque cuiquam de ejus liceat judicare judicio»).

C’est pourquoi Gélase parle ainsi des décrets des Conciles : «De même que ce que le premier Siège n’a point approuvé n’a pu rester en vigueur, ainsi, au contraire, ce qu’il a confirmé par son jugement a été reçu par toute l’Eglise» (Epist. XXVI, ad Episcopos Dardaniæ, n. 5). En effet, ratifier ou infirmer les sentences ou les décrets des Conciles a toujours été le propre des Pontifes romains. Léon le Grand annula les actes du conciliabule d Éphèse ; Damase rejeta celui de Rimini ; Adrien Ier, celui de Constantinople ; et le vingt-huitième canon du Concile de Chalcédoine, parce qu’il est dépourvu de l’approbation et de l’autorité du Siège Apostolique, est resté, on le sait, sans vigueur et sans effet. C’est donc avec raison que, dans le cinquième Concile de Latran, Léon X a porté ce décret : «Il résulte manifestement, non seulement des témoignages de l’Ecriture Sainte, des paroles des Pères et des autres Pontifes romains et des décrets des saints canons, mais encore de l’aveu formel des Conciles eux-mêmes, que, seul, le Pontife romain, selon le temps où il est en charge, a plein droit et pouvoir, comme ayant autorité sur tous les Conciles, pour convoquer, transférer et dissoudre les Conciles». Les Saintes Lettres attestent bien que les clés du royaume des cieux ont été confiées à Pierre seul, et aussi que le pouvoir de lier et de délier a été conféré aux Apôtres conjointement avec Pierre : mais de qui les Apôtres auraient-ils reçu le souverain pouvoir sans Pierre et contre Pierre ? Aucun témoignage ne nous le dit.

Assurément, ce n’est point de Jésus-Christ qu’ils l’ont reçu. C’est pourquoi le décret du Concile du Vatican qui a défini la nature et la portée de la primauté du Pontife romain, n’a point introduit une opinion nouvelle, mais a affirmé l’antique et constante foi de tous les siècles (Sess. IV, cap. 3).

Et il ne faut pas croire que la soumission des mêmes sujets à deux autorités entraîne la confusion de l’administration. Un tel soupçon nous est interdit tout d’abord par la sagesse de Dieu, qui a Lui-même conçu et établi l’organisation de ce gouvernement. De plus, il faut remarquer que ce qui troublerait l’ordre et les relations mutuelles, ce serait la coexistence, dans une société, de deux autorités du même degré, dont aucune ne serait soumise à l’autre. Mais l’autorité du Pontife souveraine, universelle et pleinement indépendante : celle des évêques est limitée d’une façon précise et n’est pas pleinement indépendante. «L’inconvénient serait que deux pasteurs fussent établis avec un degré égal d’autorité sur le même troupeau. Mais que deux supérieurs, dont l’un est au-dessus de l’autre, soient établis sur les mêmes sujets, ce n’est pas un inconvénient ; et c’est de la sorte que le même peuple est gouverné immédiatement par le prêtre de la paroisse, par l’évêque et par le Pape» (S. Thomas in IV. Sent., dist. XVII, a. 4, ad q. 4, ad. 3).

D’ailleurs, les Pontifes romains, sachant leur devoir, veulent plus que personne la conservation de tout ce qui a été divinement institué dans l’Eglise : c’est pourquoi de même qu’ils défendent les droits de leur propre pouvoir avec le zèle et la vigilance nécessaires, ainsi ils ont mis et mettront constamment tous leurs soins à sauvegarder l’autorité propre des évêques. Bien plus, tout ce qui est rendu aux évêques d’honneur et d’obéissance, ils le regardent comme leur étant rendu à eux-mêmes. « Mon honneur, c’est l’honneur de l’Eglise universelle. Mon honneur, c’est la pleine vigueur de l’autorité de mes frères. Je ne me sens vraiment honoré que lorsqu’on rend à chacun d’eux l’honneur qui lui est dû» (Gregorius M.;Epistolarum, lib. Vlli, epist. XXX, ad Eulogium).

Dans tout ce qui précède, Nous avons fidèlement tracé l’image et exprimé les traits de l’Eglise d’après sa divine constitution. Nous avons insisté sur son unité ; Nous avons assez montré quelle en est la nature et par quel principe son divin Auteur a voulu en assurer le maintien. Tous ceux qui, par un insigne bienfait de Dieu, ont le bonheur d’être nés dans le sein de l’Eglise catholique et d’y vivre, entendront – Nous n’avons aucune raison d’en douter – Notre voix apostolique. «Mes brebis entendent Ma voix» (Jean, X, 27). Ils auront trouvé dans cette lettre de quoi s’instruire plus pleinement et s’attacher avec un amour plus ardent, chacun à leurs propres pasteurs et par eux au pasteur suprême, afin de pouvoir plus sûrement demeurer dans le bercail unique, net recueillir une plus grande abondance de fruits salutaires.

Mais, en «fixant Nos regards sur l’auteur et le consommateur de la foi, sur Jésus» (Hebr., XII, 2), dont Nous tenons la place et dont Nous exerçons la puissance, tout faible que Nous sommes pour le poids de cette dignité et de cette charge, Nous sentons Sa charité enflammer Notre âme, et ces paroles que Jésus-Christ disait de Lui-même, Nous Nous les approprions, non sans raison : «J’ai d’autres brebis qui ne sont point de ce bercail ; il faut aussi que Je les amène, et elles entendront Ma voix» (Jean, X, 16). Qu’ils ne refusent donc point de Nous écouter et de se montrer dociles à Notre amour paternel, tous ceux qui détestent l’impiété aujourd’hui si répandue, qui reconnaissent Jésus-Christ, qui Le confessent Fils de Dieu et Sauveur du genre humain, mais qui, pourtant, vivent errants et éloignés de Son Épouse. Ceux qui prennent le Christ, il faut qu’ils Le prennent tout entier. «Le Christ tout entier, c’est une tête et un corps : la tête, c’est le Fils unique de Dieu ; le corps, c’est Son Eglise : c’est l’époux et l’épouse, deux en une seule chair. Tous ceux qui ont à l’égard de la tête un sentiment différent de celui des Écritures Saintes ont beau se trouver dans tous les lieux où est établie l’Eglise, ils ne sont point dans l’Eglise. Et de même, tous ceux qui pensent comme l’Ecriture Sainte au sujet de la tête, mais qui ne vivent point en communion avec l’unité de l’Eglise, ils ne sont point dans l’Eglise» (S. Augustinus, Contra Donatistas Epistola, sive de Unit. Eccl., cap. IV, n. 7).

Et c’est aussi avec une égale ardeur que Notre cœur s’élance vers ceux que le souffle contagieux de l’impiété n’a point encore entièrement empoisonnés, et qui ont au moins le désir d’avoir pour père le Dieu véritable, créateur de la terre et du ciel. Qu’ils réfléchissent et qu’ils comprennent bien qu’ils ne peuvent en aucune façon être au nombre des enfants de Dieu, s’ils n’en viennent à reconnaître pour frère Jésus-Christ et pour mère l’Eglise.

C’est donc à tous que Nous adressons, avec un grand amour, ces paroles que Nous empruntons à saint Augustin : «Aimons le Seigneur notre Dieu, aimons Son Eglise : Lui comme un père, elle comme une mère. Que personne ne dise : je vais encore aux idoles ; je consulte les possédés et les sorciers, mais cependant je ne quitte pas l’Eglise de Dieu : je suis catholique. Vous restez attaché à la mère, mais vous offensez le père. Un autre dit pareillement : A Dieu ne plaise ; je ne consulte point les sorciers, je n’interroge point les possédés, je ne pratique point de divinations sacrilèges, je ne vais point adorer les démons, je ne sers point des dieux de pierre, mais je suis du parti de Donat. Que vous sert de ne point offenser le père, qui vengera, lui, la mère que vous offensez ? Que vous sert de confesser le Seigneur, d’honorer Dieu, de Le louer, de reconnaître Son Fils, de proclamer qu’Il est assis à la droite du Père, si vous blasphémez Son Eglise ? Si vous aviez un protecteur, auquel vous rendiez tous les jours vos devoirs, et si vous veniez à outrager son oseriez-vous encore entrer dans la maison de cet homme ? Tenez-vous donc, mes bien-aimés, tenez-vous tous unanimement attachés à Dieu votre père et à votre mère l’Eglise (Enarratio in. Psal. LXXXVIII, sermo II, n. 14).

Nous confiant grandement dans la miséricorde de Dieu, qui peut toucher très puissamment les coeurs des hommes et forcer les volontés, même rebelles, à venir à Lui, Nous recommandons très instamment à Sa bonté tous ceux qu’a visés Notre parole. Et comme gage des dons célestes et en témoignage de Notre bienveillance, Nous vous accordons avec grand amour dans le Seigneur, à vous, Vénérables Frères, à votre clergé et à votre peuple, la Bénédiction apostolique.

Donné à Rome, près Saint-Pierre, le vingt-neuvième jour de juin, l’an 1896, de notre Pontificat le dix-neuvième.

LÉON XIII, PAPE.