Cette multinationale de la terreur a bâti un empire sans précédent. Ils ont pris le contrôle d’un territoire grand comme l’Italie, sur lequel vivent 10 millions d’habitants. Aux frontières de ce territoire, une véritable ligne de front. Une guerre territoriale et économique fait rage. En matière de communication, ils cherchent à séduire les occidentaux par des méthodes modernes. Ils seraient ainsi un millier de Français à avoir rejoint les rangs d’une armée de 50 000 hommes.
C’est l’organisation la plus puissante et la plus riche de tous les temps. Comment se financent-ils ? Nous avons plongé pendant trois mois au coeur du système économique du monstre.

Réalisateur : Eric Declemy & Emmanuel Creutzer, 18 déc. 2021 

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Syrie, Afghanistan, Nigeria… Daech est « est en train de se reconfigurer »

Par Philippine de Clermont Tonnerre, le 11 mai 2022

Pour la première fois depuis la création de la coalition il y a huit ans, la rencontre des pays engagés dans la lutte contre le groupe Etat islamique se déroule en Afrique. Preuve que l’expansion de Daech sur ce continent préoccupe la communauté internationale. Les ministres des Affaires étrangères des 84 Etats participants à cette alliance contre le terrorisme se retrouvent mercredi à Marrakech, au Maroc. Si, depuis la chute en 2019 de son califat en Irak et en Syrie, l’Etat islamique a perdu le contrôle de ses territoires conquis en 2014, le groupe est loin d’avoir disparu et montrerait ces derniers mois des signes de reprise. Pour le seul mois du Ramadan, plus de 340 attaques ont été revendiquées par l’EI.

Cellules dormantes en Syrie et en Irak

Dans son bastion syro-irakien, entre 6 000 et 10 000 combattants, fondus dans la population, continuent d’opérer « dans les zones désertiques et rurales suffisamment contestées et peu tenues (par l’Etat central) pour qu’ils puissent jouir d’une plus grande liberté de manœuvre », indique Marc Hecker, directeur de recherches à l’Ifri.

En Syrie, le groupe est surtout présent dans la Badia, cette région rocailleuse au sud de l’Euphrate, dans le nord est du pays, ainsi que dans le nord de l’Irak, dans des régions à cheval sur les gouvernorats de Kirkouk, Salah Al Din et Diyala, où se trouve le bassin du Hamrin, une forteresse naturelle à laquelle il est très difficile d’accéder. L’assaut mené fin janvier contre la prison d’Al-Sinaa dans la ville kurde de Hassaké, dans le nord de la Syrie, fût particulièrement spectaculaire. Finalement mis en échec au bout de dix jours d’affrontements, il aura tout de même nécessité l’intervention des forces spéciales américaines et britanniques. Signe, poursuit le spécialiste, que le groupe « tente à nouveau des opérations complexes préparées de longue date ».

Des effectifs doublés en Afghanistan

L’EI cherche également depuis quelques années à s’implanter en Afghanistan, un des foyers du terrorisme mondial. Dans ce pays, les effectifs de l’Etat islamique-Khorasan, nom de la branche afghane de la formation, ont doublé depuis l’arrivée au pouvoir des talibans. Selon l’ONU, le groupe compterait aujourd’hui près de 4000 combattants, contre moins de 2000 avant l’été 2021. Lors de leur offensive sur le pays, les talibans ont ouvert la porte des prisons et libéré les prisonniers.

A ce moment là, beaucoup de détenus ont rejoint les rangs de Daech. Le 26 août, le groupe signe un attentat à l’aéroport de Kaboul – tuant 85 personnes, dont 13 soldats américains – l’attaque la plus meurtrière contre les Etats-Unis depuis 2011. Surtout actifs dans l’est afghan, vers les provinces de Kundar, Nangarhar et Kaboul, les djihadistes se heurtent toutefois aux talibans, leurs ennemis jurés. « Les talibans ont su vendre à une partie des Afghans un projet idéologique acceptable (…). Contrairement à l’Etat islamique dont les massacres de population ont choqué, comme l’attaque de la maternité (perpétrée par l’EI en 2020 à Kaboul) », souligne pour sa part Myriam Benraad, professeure en relations internationales à l’ILERI.

« En Afghanistan, l’EI n’a pas réussi à tenir des villes et des territoires parce qu’ils ont fait face à une double opposition de la part du gouvernement afghan soutenus par les Américains et des talibans qui les considèrent comme des concurrents », abonde Marc Hecker.

L’Afrique, terrain le plus favorable

Plus qu’ailleurs, c’est en Afrique, que la montée en puissance du groupe inquiète la communauté internationale. L’Iswap (Etat islamique en Afrique de l’Ouest) est extrêmement actives dans la zone des trois frontières entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger, où opère l’Etat Islamique dans le Grand Sahara (EIGS), ainsi qu’au Nigéria, où l’EI a récemment pris le dessus sur Boko Haram, dont le chef, Abubakar Shekau, fût tué au printemps 2021 par ses combattants.

« Au Nigeria, l’activité djihadiste est particulièrement préoccupante, les attaques sont vraiment très régulières », s ‘alarme Marc Hecker. Comparé aux autres régions du monde, « l’Afrique dispose d’encore plus de facteurs favorables (à une expansion de l’EI), car on a des espaces totalement ouverts sans présence militaire de l’Etat », ajoute Myriam Benraad.

Depuis l’intense campagne de bombardements ayant entraîné la disparition de son califat en 2014, le groupe cherche à se réorganiser. Les opérations militaires conduites par la coalition constituent essentiellement aujourd’hui des frappes ciblées ayant permis d’éliminer plusieurs émirs de l’EI. « Le groupe est en train de se reconfigurer (…), conclut Marc Hecker. Aujourd’hui, les dynamiques locales sont très fortes, on est plus dans une logique de proto-état qui administre des populations et des territoires, capable de former des commandos et de les exporter à l’étranger. »

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