Un djihadiste converti par la paix du chrétien qu’il s’apprêtait à tuer pour l’amour d’Allah… L’amour de la Croix de Jésus, seul bien indispensable ici-bas !

Tout commence au Mali, dans la région désertique de l’Azawad, au nord du pays. La famille de Moussa – qui se dénomme alors Mohamed – est une grande famille touareg. Des Berbères qui vivent dans le désert et pratiquent un islam sunnite rigoriste.  « À six ans, je connaissais le Coran par cœur », se souvient Moussa Diabate. Puis, jusqu’à 11 ans, je suis passé à l’interprétation, détaille l’homme au physique puissant. Enfin, de 11 à 15 ans, je suis arrivé à l’application du Coran. Solide physiquement, studieux, il honorait son rang d’aîné d’un dignitaire touareg, chef temporel et imam, qui régnait sur une communauté de plusieurs centaines d’âmes. Ils vivaient au nord du Mali, parcouraient le Sahara avec leurs dromadaires, comme le font les nomades depuis des temps immémoriaux. L’islam sunnite les marquait profondément, régissait chaque aspect de la vie quotidienne.

En 1994, alors à l’école à Bamako, il apprend qu’un jeune de son âge s’est converti au christianisme. La conversion au christianisme de l’un des leurs, Alou, était perçue comme tellement incroyable qu’elle traversa le désert comme une traînée de poudre. Atteint de tuberculose, Alou s’était converti au catholicisme après avoir été soigné par des religieuses catholiques.« À l’époque, je savais que deux choses me permettraient d’atteindre le salut : aller au djihad, ou bien trouver un kafir, un ennemi de Dieu, et le tuer. »

Moussa connaissait peu Alou. En revanche, il ne connaissait pas les détails de cette conversion et ne voulait pas les connaître : elle était un pur scandale à ses yeux. Une honte qu’il convenait d’effacer. Âgé de 16 ans, il prit la résolution de faire revenir l’apostat à l’islam ou de l’assassiner. Il marcha jusqu’à Bamako, où Alou résidait, et le retrouva. Alou lui dit : « Je sais pourquoi tu es là. Tu veux me forcer à prononcer la chahada (1). Et si je ne le fais pas, tu vas me tuer. » Effectivement, Moussa était sur le point de dégainer le pistolet qu’il gardait sous son vêtement, mais Alou le désarma par ces paroles : « En me tuant, tu vas m’envoyer au Paradis. Mais avant, je veux te donner un message. » Moussa l’écoute. « Il m’a dit que Jésus m’aimait. Cette parole, “Jésus t’aime”, m’a bouleversé », confie-t-il, ajoutant que du jeune converti jaillissait une paix admirable. « Je n’ai jamais vu quelqu’un rester aussi ferme, même devant la mort. J’avais l’impression qu’en lui disant qu’il allait mourir, je lui faisais du bien. » Décontenancé, Moussa renonce à le tuer dans l’immédiat.

La nuit suivante, le djihadiste en herbe ne dort pas. Il ne cesse de penser aux paroles du jeune homme. Il sait qu’il n’ira pas le tuer. Quelque chose se passe en lui. Tout bascule alors.

De la haine à l’amour

Moussa sentit que les fondements de sa foi musulmane se lézardaient. Lorsqu’il remonte au Nord retrouver les siens, l’accueil est glacial. Ses grands-parents le testent en lui demandant de faire les ablutions et de prier. Le jeune adolescent refuse. Un de ses oncles le gifle. C’est le début des souffrances. « Ils voulaient savoir le nom de celui qui m’avait parlé de Jésus. Puis ils m’ont demandé combien l’Église m’avait donné pour que je me convertisse. Ils pensaient alors que le Vatican envoyait de l’argent à des musulmans pour les convertir. Ils étaient prêts à vendre un chameau pour rembourser le Vatican ! » 

Devant son mutisme, on le déshabille et on l’attache pour le violenter. Il fut déshabillé, frappé, attaché à un arbre en plein désert, endurant la chaleur du jour et le froid de la nuit. Puis on lui lance un ultimatum : revenir à l’islam avant vendredi, sinon il sera tué. Humilié par sa famille, Moussa ne bronche pas. Comprenant qu’il ne changera pas d’avis d’ici au vendredi, un cousin décide de le libérer. « Il m’a dit de partir en évitant les campements sur la route. Il m’a donné un pantalon et une chemise, et j’ai filé jusqu’à la capitale du Mali, Bamako », où il reçut mystérieusement de l’aide : « Quelqu’un m’envoyait des documents de l’Aide à l’Église en Détresse, qui me parlait de chrétiens persécutés comme moi, se souvient Moussa. Puis une voiture de l’ambassade Suisse est venue me chercher. Encore aujourd’hui, je ne sais pas qui a eu vent de mon histoire, ni qui a décidé de m’aider ! », s’étonne encore Moussa, avec émotion.

Réfugié en Suisse, il vécut trois ans dans ce pays, où il fut baptisé, avant de revenir au Mali sous un faux nom, en qualité d’éducateur de missionnaire. Le consulat lui fabrique un passeport avec une nouvelle date de naissance et un nouveau nom. « On a enlevé Mohamed pour mettre Moussa, qui signifie Moïse, l’enfant abandonné sauvé des eaux. On a aussi choisi Diabate qui, en malien, signifie “messager de paix”. »

Une fidélité inébranlable

Conformément à la coutume touarègue, Moussa fit parvenir son premier salaire, à sa mère. Il lui fut retourné avec un mot lui signifiant qu’il n’existait plus aux yeux de sa propre famille. Cette réponse l’affecta profondément, mais il choisit de pardonner à sa famille. Et, chaque soir, il prie pour eux.

Jusqu’en 2012, sous une autre identité, Moussa a travaillé au Mali, malgré le danger d’être reconnu. Mais il dût à nouveau s’exiler, et gagna le Brésil où il réside actuellement.  Il s’occupe notamment de l’accueil des réfugiés. «  Je suis devenu disciple, quelqu’un qui ne vit pas pour lui-même mais pour sa religion, jusqu’à même donner sa vie. » Il y a fondé une association, Le Bon samaritain, qui accueille des réfugies du monde entier, quelle que soit leur religion. Elle fournit de la nourriture, un soutien et enseigne le portugais : « Nous devons former les réfugiés afin que, lorsqu’il y aura la paix dans leurs pays, ils puissent y retourner en étant formés pour y reconstruire leur vie ». En l’entendant raconter son histoire, on songe à saint Paul, le persécuteur devenu apôtre du Christ. 

Achevant le récit de son parcours ahurissant, Moussa Diabate marque un temps de silence. Puis, le colosse enturbanné répète une des paroles qui l’habite chaque jour depuis sa conversion : « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il porte sa croix et qu’il me suive » (Mt 16, 24).

(1) profession de foi islamique