Il y a quelques jours le pape François recevait un groupe de jeunes Roumains qui l’ont interrogé au sujet de la possible damnation de l’un des leurs, mort en état de péché mortel, selon les dires d’un prêtre orthodoxe. Il leur a répondu : « Personne d’entre nous ne peut dire qu’une personne n’est pas allée au Ciel. Nous ne pouvons même pas dire cela de Judas. ». Or, comme je l’expose, entre autres considérations, dans mon ouvrage Judas est-il en Enfer ?, la damnation de Judas a toujours été une vérité de foi jusqu’à la moitié du XXe siècle. Le Pape poursuivait : « Une brebis perdue, quand le Bon Berger la trouve, Il la rapporte à la maison. Je suis sûr, connaissant Jésus, je suis sûr que c’est ce que le Seigneur a fait pour votre ami. ». Ainsi donc, sans connaître le défunt, ni avoir reçu les conclusions d’une enquête canonique qui aurait instruit le cas (et sans craindre non plus d’offenser ce prêtre orthodoxe qui lui était inconnu), voilà que le Pape affirme le salut d’un inconnu… mais non sans avoir pris d’abord soin de nier la damnation de Judas, tant il est vrai que la foi en celle-ci est le verrou qui empêche de passer de l’espérance dans le salut du plus grand nombre possible à la croyance en un Enfer vide. Puisque, selon François, personne ne peut dire que Judas est damné, alors, comme il en donne l’exemple, tout le monde peut dire que tout le monde est sauvé. Peut-être certains vont-ils tenter de justifier son propos en supposant qu’il aurait reçu une révélation privée au sujet du sort éternel de ce jeune défunt ? Mais le Pape ne dit pas tenir sa certitude d’un tel moyen, mais de sa connaissance de Jésus. Or, il se trouve que je connais moi aussi Jésus, et que la connaissance que j’en ai m’interdit absolument de dire la même chose…

Si « personne d’entre nous ne peut dire qu’une personne n’est pas allée au Ciel. » parce que certainement elle y est, qui qu’elle soit et quoi qu’elle ait fait, et cela parce que Jésus est Jésus, alors, à quoi bon encore prêcher l’urgence absolue de fuir le péché, et la conversion à la foi catholique ? Cela n’a plus d’intérêt. La raison d’être de l’Église et sa mission se trouvent ruinées. Enfin, nous allons pouvoir chanter avec tout le monde, catholiques ou non, pécheurs ou non (à l’exception, il est vrai, des musulmans, qui croient bien, eux, à l’Enfer… mais uniquement pour les non-musulmans !) : « Nous irons tous au Paradis ! ».

Je sais que la pensée de l’Enfer est terrifiante, et je comprends que l’on puisse craindre de faire de la peine, mais la charité est d’un autre ordre que la sentimentalité : « Si je voulais encore plaire à des hommes, je ne serais plus le serviteur du Christ ! (Ga 1.10) ». Personnellement, si j’avais été à la place du Pape, j’aurais répondu : “Si votre ami se trouvait bien en état de péché mortel au moment de sa mort, il n’y a aucun doute qu’il est en Enfer. Mais comme nous ne savons pas si avant de mourir il n’a pas demandé miséricorde à Notre Seigneur, nous pouvons prier pour qu’il en soit ainsi… Et pour que le malheur absolu de mourir en état de péché mortel ne soit pas notre propre lot, faisons ce qu’a commandé Jésus : veillons et prions sans cesse pour ne pas pécher (Mc 13.33,35,37).”

Bref, ce malheureux événement révèle très éloquemment la raison même de la crise de l’Église, à laquelle je prétends apporter une solution avec mon livre Judas est-il en Enfer ?.

« Luttez pour entrer par la porte étroite, car beaucoup, Je vous le dis, chercheront à entrer et n’y arriveront pas (Luc 13.24) ».

Abbé Guy Pagès

Article paru dans Riposte Catholique, Boulevard Voltaire, Tra Cielo y TerraHet Katoliek Forum.