Petite coche et ā long

                                                                                                                           A mes chers Fatima et Bahcine

Les manuscrits de Sanaa comptent parmi les plus anciens textes coraniques retrouvés à ce jour.  La datation au C14 donne pour certains d’entre eux un âge antérieur à la date de naissance supposée du prophète. Ce type de datation sur des peaux traitées et manipulées peut-être être largement sujet à caution. Loin d’être « l’arme ultime de la datation » comme on a voulu le faire croire par exemple pour le linceul de Turin, le C14 ne fonctionne vraiment que sur des bouts de charbon. Mais là n’est pas le sujet du jour.

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Ce qui est important c’est de constater que ces textes anciens retrouvés dans de volumineux sacs de jute cachés dans le toit de la mosquée s’avèrent être tous des palimpsestes. Le prix du support étant tellement exorbitant que la technique consistait à laver, gratter, racler pour effacer le texte primitif de sorte que l’on puisse réutiliser le support en réécrivant par-dessus. La lumière ultraviolette permet de lire cette strate primitive.

On pourra discuter plus tard du contenu du texte lui-même, qui diverge du Coran actuel, et qui nous montre un travail constant de correction, modification et d’ajout. Exit donc la conservation miraculeuse du Coran, il est comme tout livre une création humaine.

Ici je voudrais soulever un petit point presque anodin, mais d’une importance capitale. On constate dans ces documents très anciens une convention d’écriture qui a été abandonnée par la suite, chose que les scribes non arabophones des Califes de Bagdad ignoraient…

Avec cette écriture primitive où les voyelles ne sont pas mentionnées, le texte coranique restant pendant près de 250 ans dénué du moindre signe diacritique, il s’agissait de mentionner ce « ā » long. Le scribe fait figurer une sorte de petite coche vers le haut pour prévenir que la voyelle longue suit. De nos jours dans la langue arabe, ce signe serait interprété comme un « i » en ajoutant deux points en dessous.

Dans S40-3 on trouve le fameux verset, « Nulle divinité excepté Lui » (trad Régis Blachère). Dans ce contexte, le mot Dieu qui s’est toujours prononcé « ilāha » se lirait « ilyaha », comme le montre le petit dessin ci-dessous.

Les savants comme le Dr. Gerd Puin qui ont étudié ces manuscrits depuis 1972 sont arrivés à la seule conclusion logique : cette coche qui vaudrait aujourd’hui le son « i », n’est rien d’autre qu’une convention d’écriture qui indique que le glyphe est immédiatement suivi d’une voyelle « ā » longue. Cela se comprend parfaitement dans une écriture encore dénuée du moindre signe diacritique. Ce qui explique pourquoi on lit bien « ilāha » dans les manuscrits plus tardifs. Dans la mesure où c’est toujours le même mot « ilāha » qu’il faut lire, cela ne semble pas être un gros problème. En fait il n’en est rien ! Car on a commencé à chercher cette convention d’écriture ailleurs dans les textes… Et en réalité on la retrouve un peu partout dans les textes modernes alors que personne ne se souvenait de la vieille convention d’écriture. Voici quelques exemples :

 

La petite coche a continué son chemin dans les manuscrits, retranscrite par des scribes non arabophones qui ont composé le texte. Quand on a commencé à ajouter les signes diacritiques, l’erreur a consisté à transcrire ـﯿـ en ignorant que la convention était abandonnée depuis longtemps. Ainsi tout le monde lit par erreur la voyelle « i » au lieu du « ā » ancien d’origine. C’est flagrant avec le nom propre Ibrahim qui doit se lire en réalité :

Or, les signes diacritiques, ajoutés très tardivement, l’ont souvent été au petit bonheur la chance, ainsi que Lüling l’a amplement démontré à travers des centaines d’exemples. Ici il y a clairement une erreur entre أet إAu lieu de figurer sous la barre du alif, le hamza, ء doit être placé au-dessus, pour lire finalement « Abraham », en parfaite adéquation avec la prononciation des langues sémitiques :

Pour les mêmes raisons, le nom propre « Shaytan », qui n’existe que dans le Coran, doit se lire correctement Satan.

Par la seule existence de cette simple petite coche, on prouve

1) Que le Coran inchangé est une pure fable.
2) Qu’il n’y a jamais eu de transmission orale, mais bien uniquement un texte écrit à l’origine du Coran.

Références :
1) https://youtu.be/7cpPBPsjMBw, sur le site de l’excellent Thomas Alexander
2) Günther Lüling « A Challenge to Islam for Reformation ».

EB, dit Yervant Hodja

Pourquoi a-t-on écrit au VIIe siècle un premier texte du Coran, puis l’a-t-on effacé pour en écrire un autre ?
Pourquoi ce Coran présente-t-il les sourates dans un ordre différent de celui qui est aujourd’hui admis (par exemple, la sourate 19 vient après la sourate 9) ?

Dans un article d’Atlantic Monthly en 1999, nous trouvons cette citation de Gerd-Rüdiger Puin :

« Mon idée est que le Coran est une sorte de cocktail de textes qui n’étaient déjà pas entièrement compris même à l’époque de Mahomet. Beaucoup d’entre eux peuvent même être plus vieux que l’Islam lui-même d’une centaine d’années. Même dans les traditions islamiques, il existe une énorme quantité d’informations contradictoires, y compris un important substrat chrétien ; on peut, si l’on veut, en tirer toute une histoire alternative de l’Islam. Le Coran lui-même proclame qu’il est “mubeen”, c’est-à-dire clair, mais si vous le regardez de près, vous remarquerez qu’une phrase sur cinq ou à peu près n’a tout simplement pas de sens. Beaucoup de musulmans vous diront le contraire, bien sûr, mais c’est un fait qu’un cinquième du texte coranique est absolument incompréhensible. C’est ce qui est à l’origine de la gêne traditionnelle concernant la traduction. Si le Coran n’est pas compréhensible, si même en arabe on ne peut pas le comprendre, alors il n’est traduisible dans aucune langue. Voilà pourquoi les musulmans ont peur. Puisque le Coran répète à plusieurs reprises qu’il est clair alors qu’il ne l’est pas, il y a là une contradiction évidente et très grave. Il faut passer à autre chose. »