A partir d’un reportage sur la fabrique des djihadistes de Sophie Jeaneau et Ted Anspach produit pour France 5 en 2013, l’abbé Guy Pagès nous livre dans la vidéo ci-dessous ses réflexions sur la “dé-radicalisation”.

 Voici des extraits du livre-enquête Les Revenants (Seuil, 2016) de David Thomson. Un ex djihadiste français ne croit pas à la dé-radicalisation sans DÉS-ISLAMISATION, et préfère quitter l’islam.

Zoubeir (nom modifié) a passé un an avec l’Etat Islamique et Jahbat al Nosra, et un an dans une prison française à son retour.

Un musulman de stricte observance

« A la différence de nombreux jihadistes francophones, Zoubeir parle arabe (le darija, le dialecte marocain) ainsi que l’arabe littéral et il a de vraies connaissances en sciences islamiques. Son enfance a été rythmée par une édication religieuse très structurée. De 6 à 15 ans il fréquente l’école coranique une à deux fois par semaine. Ses parents sont musulmans pratiquants. (…) Dans le débat sur la question salafiste en France, Zoubeir considère que pour lui comme pour une majorité de Français rencontrés en Syrie, le salafisme quiétiste a préparé le terrain et constitué un marche pied vers son basculement vers le jihadisme. (…)

Son professeur de philosophie dans le déni

Un jour, en cours de philosophie, inspiré par l’actualité, son professeur évoque un attentat très meurtrier commis par les shebab somaliens au Kenya : l’attaque contre le centre commercial Westgate de Nairobi. « Il a commencé à en parler en disant : « Voilà ça n’a rien à voir avec la religion, c’est plus une guerre contre les valeurs occidentales. » Moi, j’en pouvais plus d’entendre toujours ce même discours, voilà ça n’a rien à voir avec l’islam, non il n’y a pas de motivation religieuse… » Ce jour là Zoubeir décide de claquer la porte de sa classe et de ne pas passer son bac.

Car à ses yeux, ce paradigme médiatique et politique destiné à éviter tout amalgame avec les musulmans est vain et contre productif. « J’aime pas ces discours qui cherchent à les décrédibiliser en disant : ‘Non c’est pas ça, il n’y a pas écrit ça dans le Coran’. Un jeune, même si tu lui dis ‘non y a pas écrit ça’, il va aller se renseigner le type, il est pas con. Il va cherche s’il y a bien écrit ça et il va voir qu’il y a bien écrit ça. Il va prendre l’exégèse du Coran, il va prendre Ibn Khatir ou Ibn Abbas, un compagnon du Prophète, c’était le cousin du Prophète, et il va voir que oui, il légitime le combat des gens qui nous ont combattus, et ça aura servi à rien de dire qu’il n’y a pas écrit ça et que ça n’a rien à voir avec l’islam. Ces gens là attirent du monde avec des arguments religieux. Ils parlent avec le Coran, ils parlent avec des dalil (preuve religieuse s’appuyant sur le coran ou le hadith). Pour ceux qui voient ça comme une secte en dehors de l’islam, c’est de l’endoctrinement. Pour ceux qui voient cela comme une partie intégrante de l’islam, c’est juste quelqu’un qui veut se conformer à ce quoi il croit. »

Retour de Syrie à la maison dans sa famille pratiquante

Avec ses parents, passé l’euphorie des retrouvailles, le relations se crispent et deviennent conflictuelles sur la question de la religion. Aujourd’hui, Zoubeir la rejette en bloc. Pour ses parents, comme pour de nombreux musulmans, Daesh n’a rien de religieux, c’est plutôt un complot sioniste : « ils sont toujours dans le déni. C’est jamais la faute des musulmans, c’est toujours la faute de l’Occident. Toujours la faute des juifs, des sionistes. C’est toujours les juifs qui financent. »

Lui ne supporte plus cette antienne du « ça-n’a-rien-à-voir-avec-l’islam » martelée dans les médias et dans le champ politique. A ses yeux, le jihadisme a tout à voir avec l’islam.

« Cette religion, pour moi, c’était l’émigration, la lutte armée, le jihad et vivre sous la charia dans un Etat Islamique. Et j’ai eu un dégoût. Je me suis résolu à abandonner cette religion parce que le jihad, pour moi, fait partie intégrante de cette religion. Donc j’ai tout abandonné. (…) Les références islamiques des sunnites prônent le jihad armé, la lutte contre les mécréants, l’instauration de la charia partout. C’est clairement pas quelque chose qu’ils ont inventé. Même le fait de brûler les gens, l’Etat Islamique ne l’a pas appris de nulle part, c’est dans les textes. Il y a des compagnons, un des « califes bien guidés », qui a déjà brûlé des personnes, c’était Abou Bakr al-Sidiki, le premier calife de l’islam et ami intime du Prophète, et Ali Ibn Abi Talib, le neveu du Prophète. Si ce n’était inscrit nulle part, ils ne l’auraient pas fait»

Zoubeir évoque le massacre du camp de Speicheir à Tikrit, au cours duquel l’Etat Islamique a exécuté 1500 prisonniers de l’armée irakienne par balle et jeté le corps de certains dans les eaux du Tigre : « Il y a une référence à ça. C’est pas quelque chose qu’ils ont inventé. Le fait de tuer des gens et de les jeter dans un lac, dans de l’eau, ça fait référence à un événement. Le fait d’égorger les gens, ils ne l’ont pas appris de nulle part. Ils prennent leur justification d’un verset coranique qui dit de frapper les cous. Dans une guerre, frapper les cous, c’est couper la tête. »

Convaincu de ce constat, Zoubeir ne prie plus, ne fréquente plus la mosquée et se cache pour ne pas respecter le jeûne durant le ramadan. «  Je suis très discret. J’en parle à personne. » Dans une famille très conservatrice, ça ne passe pas. « Ils me disent qu’il faut que je fasse attention parce que l’enfer… » (…)

La déradicalisation sans désislamisation : une foutaise

À ses yeux, aucun contre-discours délivré par une institution n’aurait pu produire le même effet. Le jeune homme ne croit donc pas à ce que les autorités françaises ont appelé « la déradicalisation », et dont certains ont fait un véritable business sans pour autant obtenir de résultats probants. En France, plus d’un million d’euros de fonds publics ont été dépensés entre fin 2014 et fin 2015 dans différents programmes. « De l’argent jeté par les fenêtres, lâche-t-il lors d’un entretien avec Les Jours. Je ne vois pas comment on peut déradicaliser ces gens sachant qu’eux ne se considèrent pas comme des radicaux, mais comme des musulmans en conformité avec ce qu’ils suivent, c’est-à-dire le Coran et la Sunnah. Et on ne va pas déradicaliser ces gens-là avec des imams qui se disent républicains, alors que la religion s’oppose complètement à la République ». Lire l’intégralité du témoignage de Zoubeir et 11 autres qui se sont confiés à David Thomson dans Le Revenants 

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En premier lieu, il est essentiel d’identifier la nature de la menace, à savoir qu’il s’agit du terrorisme islamique. Car il est trompeur de parler de terrorisme international ou de djihadisme en sous-entendant que cela n’a rien à voir avec l’islam. C’est ainsi qu’on conforte la thèse selon laquelle les terroristes sont mauvais tandis que l’islam est bon.