Ils leur ont demandé de renier leurs foi chrétienne, un à un,  mais tous ont refusé” lâche dans un souffle Père Rashed. Alors les hommes armés  les ont froidement abattus en leur tirant dans la tête. Au total 29 personnes, dont de nombreux enfants, ont été tués dans cette attaque que l’Etat islamique (EI) a revendiqué. Après avoir rencontré des blessés la veille, Père Rashed raconte comment leur voyage à un monastère situé à plus de 200 km au sud du Caire a brutalement viré au drame.

Dans le convoi de plusieurs véhicules, dont un bus, avaient pris place des ouvriers engagés dans des travaux mais aussi des fidèles désireux de passer la journée au monastère. “Avant d’être tué la plupart des hommes ont été sortis de leur voiture, d’autres sont restés à bord de leur véhicule” indique un autre prêtre.” Il semblerait qu’on les ai agenouillés. La plupart ont reçu une balle à ‘l’arrière du crâne, dans la bouche ou à la gorge“.

“Ils ont fait descendre les hommes du bus, ont pris leur carte d’identité et l’or qu’ils avaient sur eux” raconte aussi Maher Tawfik, venu du Caire soutenir sa famille. Sa nièce a survécu à l’attaque mais ni le mari ni la petite fille d’un an et demi de cette dernière. Puis “ils leur ont demandé de prononcer la profession de foi musulmane, ajoute Maher Tawfik. Avant d’exécuter ceux qui refusaient”.

Ce récit figure dans l’Orient le Jour, journal libanais en langue française, le meilleur du Proche-Orient. Et dans les journaux français ? Dans nos radios ? Nos télévisions ? Presque rien. Juste que 29 Coptes ont été tués et que l’attaque a été revendiquée par Daech. C’est à dire rien. Rien qui puisse indiquer que les Coptes sont morts en martyrs de leur foi.  Rien qui puisse signaler qu’on leur a demandé de “prononcer la profession de foi musulmane“. Ça pourrait fâcher…

Pourtant de nombreux médias français ont des correspondants au Caire. Et l’AFP y a un important bureau. Et pourtant rien. On devine pourquoi. Des hommes sont morts en refusant de renier leur religion. D’autres, d’une religion différente, les ont assassinés pour cela et que pour cela. Et ça, évidemment, ça ne peut pas s’écrire.

Puis on se dit que ce n’est pas possible. Que quelqu’un a bien dû parler des martyrs du Sinaï. Et on va sur La Croix, journal [dit] catholique. Et voilà ce qu’on y trouve : l’information selon laquelle 29 Coptes ont été tués. C’est tout et rien d’autre. L’information est assortie d’une docte analyse d’où il ressort qu’il y en a en Egypte des “tensions entre les communautés chrétienne et musulmane“. Tensions souvent liées à des conflits sociaux et fonciers”!! Peut-être que le massacre du Sinaï avait pour origine un litige foncier, une querelle de voisinage ? Peut-être, au point où nous en sommes !

Découragé mais pas résignés on feuillette l’Osservatore Romano, l’organe officiel du Vatican. Et on se dit que ce journal en fera au moins autant que l’Orient le Jour. On apprend –sans autres détails- que le pape François a envoyé un message de condoléance au président égyptien, le maréchal Sissi. Il y dénonce “un acte barbare qui a provoqué la mort de nombreux Égyptiens“.

Vous avez bien lu : des “Égyptiens”, pas des “chrétiens“… Le mot chrétien ne fait peut-être pas parti du vocabulaire de Sa Sainteté. Essayons de rester dans les limites de la bienséance et demandons-nous comment on peut qualifier une religion dont les chefs ne sont pas capables d’honorer les martyrs.

PS: Il y a quand même une ligne dans Le Monde pour citer les propos du Père Rashed. C’est peu ? C’est beaucoup comparé à ceux qui n’ont rien dit.

picture-67_0Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Source

5134665_6_fba4_service-funeraire-pour-les-victimes-de_c92dee0ad37905324ae0ab99f3cccc03

coptes_0