Pour bien vanter Luther, il faut le réinventer ! Un numéro spécial hors-série de La Vie – autrefois catholique – s’y emploie, réécrivant l’histoire du protestantisme en mode négationniste. Un véritable chef d’œuvre de désinformation historique.

L’iconoclasme ? Né de père inconnu !

L’iconoclasme protestant a détruit des milliers d’églises et d’œuvres d’art au 16e siècle : le protestantisme ne devrait-il pas faire repentance ? Eh bien, pas du tout ! Après avoir noté que « les guides touristiques, souvent, expliquent les destructions de sculptures sur les façades de nos églises françaises par les actes iconoclastes des bandes de huguenots », Jérôme Cottin déclare que ces guides « ne font que renforcer une idée reçue » (p. 45). Et il assène :

« S’il est vrai que des mouvements iconoclastes accompagnèrent les temps troublés de la Réforme en Europe [on apprécie le choix du verbe : accompagnèrent], on ne saurait confondre celle-ci avec ceux-là. »

Voilà qui rappelle étrangement l’imam de la mosquée al-Azhar, comparant le terrorisme actuel à un « orphelin dont on ne connaît ni le père ni la mère ». L’éditorialiste de La Vie commentait alors, très justement : « On ignorerait donc, dans la grande institution du Caire, qu’al Qaida, Daech et ceux qui régulièrement tuent des Coptes revendiquent leur filiation avec l’islam originel ? » De la même manière, on ignorerait donc, à La Vie, que les iconoclastes français se réclamaient de Calvin ?

Jérôme Cottin affirme que « tous les réformateurs se sont distanciés des iconoclastes ». Mais Calvin ne déclarait-il pas que « des images en un temple sont une abomination, une souillure » (Institution de la religion chrétienne, livre I, ch. XI) ? Ne proclamait-il pas que le culte des reliques devait être « totalement abattu » (Traité des reliques) ? Son successeur Théodore de Bèze ne prônait-il pas la destruction de tous les crucifix ? Zwingli ne réclamait-il pas la démolition des églises ? Les consistoires français qui ont décidé de s’en prendre aux églises n’étaient-ils pas animés par des représentants de Genève ? Sans compter ce pasteur du 21e siècle, nommé Philippe de Robert, et que Jérôme Cottin a bien dû croiser quelquefois à la faculté de « théologie » protestante de Strasbourg, qui voit dans les iconoclastes des « prophètes combattant les idoles » et qui fait même l’apologie du terrorisme protestant (discours du 1er septembre 2002, à la grande assemblée protestante du Mas Soubeyran). Qui dit mieux ?

Le lutherrorisme a-t-il existé ?

Mais La Vie réinvente aussi les Guerres de religion. Désormais, c’est très simple : il y a les bourreaux, catholiques, et les victimes, protestantes. Patrick Cabanel, qui défend tranquillement ce schéma manichéen, divise l’histoire des violences en deux périodes : avant 1562, les protestants sont persécutés par le pouvoir royal. Puis, « à partir de 1562, on trouve une spécificité bien française : la foule catholique s’en mêle, et on passe à une forme de violence populaire, sauvage, de type pogrom ». C’est tout ?  – C’est tout ! Pas un mot du terrorisme protestant. Pas un mot sur les milliers d’attentats perpétrés par les calvinistes aux quatre coins du royaume. Pas un mot sur les milliers d’églises saccagées. Pas un mot sur les près de 10 000 prêtres assassinés. Pas un mot sur les fidèles massacrés… La violence est d’abord venue du roi puis du peuple catholique fanatisé. Les protestants, agneaux innocents, n’y sont pour rien…

Sur cette année 1562, un autre historien protestant, Louis Réau, avouait bien plus honnêtement :

« Les destructions s’étalent sur une longue période. Mais l’année fatale entre toutes pour l’art français du Moyen Age, plus calamiteuse encore que 1793 sous la Terreur révolutionnaire, fut 1562. Dans l’histoire du vandalisme en France, cette année néfaste doit être marquée d’un caillou noir : ce fut une sauvage hécatombe d’églises incendiées ou saccagées, de statues renversées ou décapitées… Non contents de s’attaquer à des pierres auxquelles ils prêtaient une âme, ces forcenés martyrisèrent en outre, avec d’effroyables raffinements de cruauté, des centaines de créatures de chair et de sang, leurs compatriotes, dont le seul crime était de croire encore à ce qu’eux ne croyaient plus… [1] ».

La réalité, c’est que le protestantisme s’est partout installé par la violence. A Londres comme à Genève, en Allemagne comme en Norvège, en Navarre comme en Danemark, en Écosse comme en Suède, en Islande comme en Irlande, la loi est universelle : je l’ai montré dans mon étude sur le lutherrorisme. Or c’est précisément cette agression lutherroriste qui explique la réaction du roi de France face aux premiers attentats protestants, comme celle du peuple lorsque ces attentats se sont multipliés par milliers. Sans aller prétendre que les catholiques n’auraient absolument rien à se reprocher (n’inversons pas bêtement le manichéisme de Cabanel), il est clair qu’ils étaient en état de légitime défense. Constat terrible pour les protestants (que reste-t-il de leur religion du libre examen, si elle s’est partout, dès le départ, imposée par la violence ?). Mais est-ce une raison pour le cacher dans La Vie ?

Luther et la grâce

La Vie doit surtout réinventer Luther. Gommer les épisodes les plus scabreux (comme la bigamie du Landgrave de Hesse). Masquer le déséquilibre évident du grand hérésiarque. Matthieu Arnold présente sans rire ce prédicateur verbeux et passionné, souvent contradictoire, allergique aux définitions claires et aux distinctions précises, comme un « théologien exigeant » (p. 13) ! Et il ose écrire :

« Au contraire de ses contemporains, Luther comprend la grâce comme une relation entre Dieu et l’homme, et non comme une qualité que Dieu infuse en l’être humain pour récompenser ses mérites ».

On croit rêver ! Évidemment, nous ne sommes plus au 17e siècle, où toute la France se passionnait pour les questions touchant à la grâce. Nous ne sommes même plus en 1950, où ces querelles étaient encore largement comprises du grand public moyennement cultivé. L’ignorance religieuse a effroyablement progressé. Mais tout de même !

Matthieu Arnold s’imagine-t-il vraiment que, pour une sainte Thérèse d’Avila ou pour un Cajetan – le grand Cajetan, fidèle disciple de saint Thomas d’Aquin, que Rome envoya discuter avec Luther – la grâce ne relie pas l’homme à Dieu ? Matthieu Arnold n’a-t-il jamais entendu dire que, pour les catholiques de tous les temps (y compris celui de Luther), la grâce est une participation à la vie divine et une habitation de la sainte Trinité dans l’âme ? Matthieu Arnold pense-t-il vraiment que Cajetan ou les théologiens espagnols du 16e siècle la définissaient comme la récompense des mérites ?

Mathieu Arnold n’est certes pas le premier à falsifier ainsi la doctrine catholique. La diabolisation de l’Église est une nécessité vitale pour le protestantisme, qui ne se maintient, siècle après siècle, que par ces sortes de mensonges, sans cesse renouvelés. Mais à l’heure où tous les médias, gagnés à l’anti-catholicisme, relaient servilement la désinformation protestante, fallait-il vraiment que La Vie s’y mette aussi ?

Yves Gérardin

Yves Gérardin collabore à la revue Le Sel de la terre. Il est l’auteur de l’étude Luther, Calvin, Ferry et le lutherrorisme, aux éditions du Sel (2017).

[1] — Louis Réau, Histoire du vandalisme en France, Paris, Laffont, 1999, p. 83.

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On vous vante Luther ? Répondez d’un seul mot : Lutherrorisme !

Car c’est par la violence, le pillage, la tyrannie et les massacres que le protestantisme a dominé la moitié de l’Europe, il y a cinq siècles. En un mot : par la Terreur. Yves Gérardin le montre en détails dans un article intitulé : « 1517-1617 : un siècle de Lutherrorisme », dans le dernier numéro de la revue Le Sel de la terre (numéro 99, hiver 2016-2017).

Premier exemple : la Suède, où sévit le roi luthérien Gustave Vasa (1496-1560). à des sujets nés catholiques, et voulant le rester, Gustave Vasa impose de force sa nouvelle religion. Des réclamations, puis des révoltes populaires se succèdent aux quatre coins du pays. Le pieux roi luthérien les fait noyer dans le sang. Quand il est en position de faiblesse, il promet toutes sortes d’arrangements. Quand tout est rentré dans l’ordre, il fait massacrer les naïfs qui l’ont cru. Pour crime de catholicisme, il fera même condamner à mort des compagnons qui lui avaient sauvé la vie ou procuré le trône.

Deuxième exemple : le Danemark, où tous les évêques catholiques sont emprisonnés par surprise en une seule nuit (11 août 1536). Christian III les a invités à une réunion, à Copenhague, dans le seul but de les faire ainsi arrêter. En Norvège et en Islande, le même Christian III envoie de véritables expéditions militaires pour arracher les évêques aux fidèles qui veulent les défendre. Privés d’évêques catholiques, les fidèles seront ensuite progressivement menés au protestantisme grâce à l’emploi conjugué de la carotte et du bâton.

Pour les religieux, le bâton : suppression de tous les monastères (au plus grand profit du trésor royal, mais aux dépens des pauvres, qui regretteront longtemps la charité des moines). Bâton aussi pour ceux qui s’écartent des paroisses officielles : peine de mort pour les prêtres réfractaires et leurs fidèles.
Mais à l’intérieur des paroisses officielles, on agite la carotte. On conserve soigneusement certaines apparences extérieures (y compris le latin et les chants traditionnels) et l’on ne change que très progressivement la liturgie et la doctrine. Au lieu d’attaquer les vérités catholiques, ce qui provoque des réactions, on commence habilement par les taire, pour les faire oublier. Il faudra du temps – trois ou quatre générations – mais on réussit, finalement, à faire avaler la nouvelle religion à un peuple qui voulait la vomir.
L’article montre ainsi, pays par pays, comment le protestantisme a été imposé par la terreur à tous les étages de la société (peuple, clercs et même princes).

Mais dites tout ça à un protestant. Sa réaction est garantie d’avance. Ce sera la litanie officielle de la légende noire anti-catholique : inquisition, Saint-Barthélemy, dragonnades, etc. Aussi, pour bien cerner la nature du lutherrorisme, une deuxième partie compare la violence protestante à celle des catholiques. Le résultat est sans appel : la violence catholique fut essentiellement défensive, face à des protestants qui, eux, voulaient réellement et partout imposer leur nouvelle religion par la force. L’Inquisition protégea l’Espagne et l’Italie. En France, le pouvoir royal fut à la fois moins vigilant et plus sévère, mais par à-coups, dans une alternance de faiblesse et de dureté qui est la pire des politiques. Les calvinistes en profitèrent pour s’implanter. Ils multiplièrent les attentats, massacrèrent plus de 8 000 prêtres et tentèrent de s’emparer du pays. La France n’échappa à leur emprise qu’après de terribles guerres de religion.

Au total, pour tout le protestantisme (luthérien, calviniste, anglican, etc.), le bilan est terrible. Une religion qui est basée sur le libre examen de la Bible, et qui engendre ainsi des centaines de sectes concurrentes, n’a déjà pas grande vraisemblance. Mais si on prouve qu’elle a violé d’emblée son propre principe, en s’imposant partout par la violence au lieu de librement convaincre, que lui reste-t-il ?

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1) L’Antisemitisme de Luther

—En 1923, Hitler fit l’éloge de Luther, et l’appela le plus grand génie allemand, car il « a vu le Juif comme nous, aujourd’hui, nous commençons à le voir »

—Durant les procès de Nuremberg après la guerre, Jules Streicher, rédacteur en chef du magazine antisémite Der Stürmer, se défendit en déclarant que Luther «serait aujourd’hui dans le box des accusés à ma place, si les procureurs ici présents l’avaient poursuivi pour avoir écrit Les juifs et leurs mensonges »

–Luther fut l’un des premiers à déclarer qu’il fallait se débarrasser des juifs en les tuant tous. Avec lui naît l’idéologie de la « solution finale » de la « question juive ». Surtout il fut le premier a répandre ses points de vue dans toute l’Allemagne par des sermons et des livres dont le plus fameux “Les Juifs et leurs mensonges”

A) mettre le feu à leurs synagogues et leurs écoles.
B) détruire et raser leurs maisons
C) arracher tous leurs livres de prière
D) leur retirer tout sauf-conduit pour se
promener dans les rues, les contraindre à des travaux humiliants,
E) Il faut également tuer les rabbins
F) interdire l’ « usure » aux juifs, leur prendre leur
argent et leurs bijoux,
G) imposer le travail obligatoire aux juifs jeunes et costauds.

—Luther incita les gouvernants à commencer à persécuter sérieusement les juifs.
Quelques jours après la Nuit de Cristal (du 9 au 10 novembre 1938), l’évêque de Thüringen écrivit que Luther, qui était né le 10 novembre 1483, n’aurait pu souhaiter un plus beau cadeau d’anniversaire.

2) Le Nationalisme

—Luther, le “pere de la langue allemande”.
La Bible de Luther est la traduction allemande de la Bible réalisée par le réformateur Martin Luther; Elle est considérée comme l’œuvre fondatrice de la langue allemande moderne actuelle

—“Luther fut la première manifestation du nationalisme allemand selon l’historienne” Maria Elvira Roca Barela dans le quotidien espagnol de gauche El País. Pour elle, “Luther était le grand défenseur des oligarchies, le garant religieux d’une féodalité tardive qui maintenait l’Allemagne pauvre et sous-développé”.

3) L’Eugénisme

—Il haïssait violemment ceux qui se trouvaient au bas de l’échelle sociale ou déviaient des normes dominantes : « Aux paysans, la paille et l’avoine. Ils ne veulent pas céder : le bâton et le fusil, point de miséricorde. Si on ne fait siffler l’arquebuse, ils seront cent fois plus méchants » (Lettre de Luther à Rühl, 1524)
Ses écrits forment une vaste collection de diatribes contre les juifs, les femmes, les non-croyants, les paysans (a) et les handicapés (b), mais aussi contre tous ceux qui refusaient de plier devant la tyrannie de la noblesse et de la royauté. 
Les sujets des princes et des rois n’avaient, selon Luther, aucun droit à résister à l’autorité de l’État, parce que ce pouvoir leur avait « été donné par Dieu »
« Mieux vaut que des tyrans commettent cent injustices contre le peuple, plutôt que le peuple en commette une seule contre eux », affirmait Luther. « Aussi mauvaise soit leur administration, Dieu préférera tolérer son existence, que de permettre à la foule de se révolter, aussi légitimes que soient les motifs de cette révolte. Un monarque doit rester monarque, même s’il s’agit d’un despote. Il sera nécessaire qu’il décapite seulement quelques individus, car ses sujets sont là pour lui permettre de régner (2). »

En raison de ses idées autoritaires, sa version du protestantisme est devenue populaire chez les bourgeois et les fonctionnaires, particulièrement en Allemagne.