Jean Paul II avait souhaité débuter le grand jubilé de l’an 2000 dans la région d’Ur, au pays d’Abraham, mais cela n’avait pu se faire en raison des menaces d’attentats.

Enjeux du voyage du Pape François en Irak du 5 au 8 mars 2021 : Consoler une communauté chrétienne exsangue après 20 ans de violences extrêmes, et continuer le dialogue avec l’islam, notamment par la rencontre avec le grand ayatollah Ali Sistani, 90 ans, à Najaf, où est enterré l’imam Ali, gendre de Mahomet, à qui se réfère le chiisme. François a déjà visité des pays devenus musulmans. En 2014 : Jordanie, Israël, Turquie ; 2015 : Bosnie-Herzégovine ; 2016 : Azerbaïdjan ; en 2017 : Egypte ; en 2019 : Maroc, Émirats arabes unis. Mais côté sunnite (L’Irak est à 60% chiite et à 37% sunnite), aucune rencontre n’est prévue… Comment comprendre cela ? Parce qu’il n’y a aucun responsable sunnite suffisamment représentatif ? Parce que personne les sunnites sont considérés infréquentables après le soutien à l’État islamique ? En tout cas, cette absence risque de réduire à néant le projet d’une « coalition » interreligieuse pour un Irak uni… 

La visite du Pape intervient après plusieurs attaques à la roquette et attentats suicides, dont celui du 21 janvier à Bagdad, qui a fait 32 morts, ou celui du 16 février à Erbil…

• L’article 2 de la Constitution de l’Irak stipule : « L’Islam est la religion officielle de l’État et aucune loi ne peut être promulguée si elle est contraire aux principes de l’Islam. »
• L’article 3 : « l’Irak est membre fondateur et actif de la Ligue arabe ; il applique sa charte, et il fait partie du monde islamique » ;
• Sa devise nationale est « Allahu Akbar ! » (Dieu est le plus Grand !).
De fait, les lois et règlements d’engagement personnel empêchent la conversion d’un musulman au christianisme. Le prosélytisme d’une autre religion que l’islam n’est pas autorisé.

Saddam Hussein (1979-2003) a porté un coup sévère à la liberté des chrétiens en nationalisant leurs écoles. De plus, dans les écoles publiques, impossible d’enseigner l’histoire du christianisme que si au moins un quart des élèves sont chrétiens. Mais la présence d’un seul étudiant musulman était suffisante pour imposer à chacun l’étude du Coran.

Guerre d’Irak (2003-2006) La chute en 2003 du régime de Saddam Hussein qui avait favorisé les communautés minoritaires comme les sunnites et les chrétiens au détriment de la majorité chiite, a laissé la place à cette dernière. Chassés du pouvoir, les djihadistes sunnites ont alors poursuivi la guerre d’Irak. Ce sont principalement les chiites qui ont persécuté les chrétiens. 

État islamique d’Irak et du Levant (2006-2014) En 2007, des djihadistes sunnites instaurent un prétendu “État islamique en Irak”, prélèvent la jiziya (impôt des infidèles), qui s’élève jusqu’à 200 dollars par an, obligent certaines familles chrétiennes à donner une de leurs filles en mariage à un musulman pour rester. Une fatwa interdit de porter la croix au cou, et les églises sont contraintes d’ôter les croix de leurs coupoles et de leurs façades, certaines sont incendiées, prêtres, diacres, fidèles sont enlevés, assassinés, ainsi, en février 2008 de l’archevêque chaldéen de Mossoul, Paulos Faraj Rahho. Entre 2003 et 2009, 710 chrétiens ont été assassinés. Le 31 octobre 2010, 68 tués et 70 blessés dans la cathédrale syriaque catholique du Perpétuel-Secours de Bagdad. Mais la cruauté perpétrée contre les chrétiens ne date pas de l’apparition de Daesh. IL faut lire le merveilleux petit livre de Joseph Fadelle, ex-Mohamed Moussaoui, « Le prix à payer » pour se faire une idée de la haine de l’islam à l’égard du christianisme.
À Erbil, en Irak, le pape demande aux chrétiens de «ne pas s’enfoncer dans une spirale de représailles sans fin ». Il est vrai que « Les premiers qui sont venus dévaliser nos maisons sont nos voisins musulmans (Père Shamasha) », mais comment les chrétiens, même s’ils en avaient le désir, pourraient-ils se venger dans un Irak de 39 millions d’habitants dont 98 % musulmans ?

 Avant la guerre d’Irak de 2003, les chrétiens étaient 1,5 M (6 %) et aujourd’hui : 75.000 (1%), accusant une baisse démographique de 90 % depuis 1990. À Mossoul, surnommée jadis la Jérusalem de Mésopotamie, les chrétiens étaient près de 50 000 avant 2003, en 2014 ils n’étaient plus que 5 000 …

 Il a été impossible d’y célébrer la Messe avec le Pape ailleurs qu’au milieu des ruines…

Le point d’orgue du voyage a été la visite à Ur, ville d’origine d’Abraham, où il ne reste plus qu’une seule famille chrétienne, à 17 kms d’Ur, dans la ville de Nassiriya

Au sujet de la rencontre interreligieuse qui s’est déroulée à cette occasion, il faut savoir que l’islam prétend rejeter la corruption du monothéisme, comme l’aurait fait Abraham, modèle de la pure foi monothéiste (Coran 16.123), en sorte que l’islam est « la religion d’Abraham (Coran 4.125) », la religion du pur monothéisme. Moïse et Jésus étaient certes des prophètes musulmans, mais Juifs et chrétiens se sont égarés en refusant la prédication de Mahomet qui prêchait la religion d’Abraham, modèle des musulmans (Coran 2.135). Judaïsme et christianisme ne sont plus la « religion d’Abraham », qui n’est que l’islam : « Ô gens du livre, pourquoi discutez-vous au sujet d’Abraham, alors que la Thora et l’Evangile n’ont été révélés qu’après lui ? […] Abraham n’était ni juif ni chrétien ; il était monothéiste ! (Coran 3.65,67) » Abraham est ainsi la figure d’un monothéisme supraconfessionel. Et c’est exactement la religion qu’a prêchée le Pape : une religion supraconfessionnelle. Par exemple, il dit : « Aujourd’hui, nous, juifs, chrétiens et musulmans, avec nos frères et sœurs d’autres religions, nous honorons notre père Abraham en faisant comme lui. (…) » Or, non seulement les autres religions n’honorent pas Abraham, mais à ceux qui refusaient de L’adorer, ce que font expressément aujourd’hui juifs, musulmans, et adeptes d’autres religions, Jésus a dénié leur prétention à se revendiquer de la filiation d’Abraham, et leur a attribué à la place celle du Diable (Jn 8.44). Une religion qui a pour référence, non Jésus-Christ, mais Abraham, est-elle encore chrétienne ?

Le Pape continua :« Celui qui a le courage de regarder les étoiles [Saint Paul voulait regarder non les étoiles, mais que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié ! (1 Co 2.2)]celui qui croit en Dieu [Mais quel Dieu ? Allah ? La Sainte Trinité ? Malek Taous, l’Ange-Paon des yézidis ?…], n’a pas d’ennemis à combattre. (…) D’où le chemin de la paix peut-il alors commencer ? Du renoncement à avoir des ennemis. » Or, avoir des ennemis ne dépend pas nécessairement de soi. Jésus a non seulement eu des ennemis, mais Il a commandé d’aimer ses ennemis (Mt 5.44), ce qui implique d’en avoir, et Il a même déclaré maudits ceux qui n’ont point d’ennemis (Lc 6.26) …

Et comme toute religion, la religion supraconfessionnelle, islamiquement compatible, s’exprime par la prière. Aussi François a t-il prié avec les représentants des communautés chrétiennes, musulmanes, et même « d’autres croyants et toutes les personnes de bonne volonté » (!), dans l’esprit de la Déclaration sur la Fraternité humaine signée en 2019 à Abou Dhabi. La prière remercie Dieu (mais quel Dieu ?) pour la disponibilité d’Abraham « à sacrifier son fils », mais quel fils ? En effet, pour les juifs, le fils d’Abraham est Isaac ; pour les chrétiens, sa vraie descendance est Jésus, figuré par Isaac (Ga 3.16), et pour les musulmans, il s’agit d’Ismaël … La prière se poursuit en demandant à « notre Dieu ( !), de nous accorder une foi forte ». Mais qu’est-ce que cette foi qui serait commune à tous ? La foi en Jésus n’est-elle plus la condition sine qua non de toute prière chrétienne ?

Ou encore, le Pape a invité chrétiens et musulmans à restaurer ensemble mosquées et églises, et à « pérégriner vers ces lieux sacrés (…) en souvenir de notre père Abraham », priant qu’il « nous aide à faire, des lieux sacrés de chacun, des oasis de paix et de rencontre pour tous ». Peu importe donc la religion, ce qui compte, c’est la paix et la rencontre. Pas besoin donc de Jésus pour que les hommes vivent en paix, et d’autant plus qu’Il a dit n’être pas venu apporter la paix, mais la division (Lc 12.51-52) ! Etc. Etc.

Comment ne pas penser à l’encyclique Mortalium animos (1928), de Pie XI, dont voici un extrait : « Jamais peut-être dans le passé, les esprits des hommes n’ont été saisis aussi fort que de nos jours du désir de renforcer et d’étendre pour le bien commun de la société humaine, les relations fraternelles qui nous lient à cause de notre communauté d’origine et de nature. (…) Convaincus qu’il est très rare de rencontrer des hommes dépourvus de tout sens religieux, on les voit nourrir l’espoir qu’il serait possible d’amener sans difficulté les peuples, malgré leurs divergences, religieuses, à une entente fraternelle sur la profession de certaines doctrines considérées comme un fondement commun de vie spirituelle [ici donc Abraham]. C’est pourquoi, ils se mettent à tenir des congrès, des réunions, des conférences, (…) invitant tous les hommes indistinctement, les infidèles de tout genre comme les fidèles du Christ, y compris ceux (…) qui nient la divinité de Sa nature et de Sa mission. De telles entreprises ne peuvent, en aucune manière, être approuvées par les catholiques, puisqu’elles s’appuient sur la théorie erronée que les religions sont toutes plus ou moins bonnes et louables (…). En vérité, les partisans de cette théorie s’égarent en pleine erreur, mais de plus, en pervertissant la notion de la vraie religion ils la répudient (…). La conclusion est claire : se solidariser des partisans et des propagateurs de pareilles doctrines, c’est s’éloigner complètement de la religion divinement révélée. »

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L’annonce de la visite du pontife a toutefois déjà produit ceci de bénéfique : à la mi-décembre, le Parlement irakien faisait du jour de Noël une fête nationale. Le premier ministre irakien a décrété que le 6 mars serait la fête de la tolérance et de la coexistence.