Le 16 mai 1966, Mao Zedong lançait la « Grande Révolution culturelle prolétarienne », plongeant le pays dans plusieurs années de chaos, dont le nombre de victimes est aujourd’hui estimé entre 1,7 et 2 millions de personnes. Cinquante ans plus tard, la presse en Chine est restée muette sur cet anniversaire, …

… le Quotidien du Peuple, journal officiel du Parti communiste chinois, se contentant, le 17 mai, de publier un éditorial engageant les Chinois à laisser l’histoire à l’histoire et à regarder vers l’avant, vers « un futur brillant » guidé par « le socialisme aux caractéristiques chinoises » et le président Xi Jinping. Pour le Parti, la Révolution culturelle a été condamnée en 1981 lors du procès de la Bande des Quatre, sauvant ainsi l’héritage de Mao mais laissant les Chinois sans explication face à une période pourtant qualifiée de « décennie de la catastrophe ».

Face à cette chape de silence, il n’est pas aisé pour les Chinois eux-mêmes de conserver la mémoire des événements de la Révolution culturelle. Encore moins pour les catholiques chinois. Quelques livres ont bien paru ces dernières années : Enchaînés pour le Christ. Journaux de martyrs dans la Chine de Mao (paru en italien en 2015 aux Editions missionnaires italiennes, EMI, non traduit en français) ou bien encore, dans un autre registre, Dieu est rouge, de Lao Yiwu, écrit en 2011 et publié en français en 2015 aux éditions Les Moutons Noirs. Mais il manque une histoire complète des heures noires que les catholiques ont traversées durant les années 1966-1976. Des documents existent cependant, des documents photographiques notamment. Un universitaire américain s’attache à les rassembler. Professeur d’histoire de la Chine à Whitworth University (Etat de Washington), Anthony E. Clark est l’auteur de China’s Saints: Catholic Martyrdom During the Qing, 1644-1911 ; il a aussi contribué à une série sur la chaîne chrétienne EWTN The Saints of China: Martyrs of the Middle Kingdom. Nous en présentons quelques-uns ci-dessous.

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Pékin, été 1966 : des religieuses FMM (Franciscaines Missionnaires de Marie) lors d’une « séance de lutte » menée par les Gardes rouges
(Anthony E. Clarke, collection privée Whitworth University)

 

Alors que la Révolution culturelle bat son plein, des religieuses en habit sont contraintes à une « séance de lutte », ces sessions où, sous les accusations, les cris et souvent les coups de la foule, les adeptes des « Quatre vieilleries » (les vieilles idées, la vieille culture, les vieilles coutumes et les vieilles habitudes) doivent renoncer à ce quoi ils croient pour adopter la « pensée Mao Zedong ». Les Gardes rouges, point dressé et Petit Livre rouge à la main, paraissent très jeunes.
Durant cet été 1966, le 24 août, l’Ecole catholique du Sacré-Cœur, qui fonctionne pour les enfants des diplomates étrangers en poste à Pékin, est attaquée par les Gardes rouges. Alors que tous les missionnaires étrangers ont été expulsés du pays entre 1950 et 1952, sept religieuses étrangères sont encore actives au sein de cette école au statut très particulier ; elles sont soumises à des « séances de lutte », l’une d’elles est frappée si violemment qu’elle perd presque un œil. Le lendemain, les religieuses chinoises sont condamnées à vingt de prison et les religieuses étrangères à l’expulsion. Le chemin de Pékin à Honkgong est parcouru dans des conditions épouvantables ; arrivée à Lowu, poste-frontière de la colonie britannique, l’une des religieuses, Sœur Molly O’Sullivan, tombe inconsciente ; les gardes la charge sur une charrette qui est poussée par les autres religieuses. Sœur O’Sullivan décédera le lendemain, dans un hôpital de Hongkong.

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Pékin, été 1966 : Devant l’église Nantang (‘l’église du Sud’), la cathédrale de Pékin, dédiée à l’Immaculée-Conception.
(Anthony E. Clarke, collection privée Whitworth University)

 

A Pékin, après les années de lutte qui ont mené à la mise en place de l’Association patriotique des catholiques chinois, en 1957, les églises ouvertes ne sont pas si nombreuses. Lors du déclenchement de la Révolution culturelle, elles sont une cible facile pour les Gardes rouges. Profanée, saccagée, elles sont fermées au culte, vidées et transformées. A Pékin, l’église du Nord servira d’école, l’église du Sud d’atelier, l’église de l’Ouest d’entrepôt pour herbes médicinales. Rares sont les photos de ces églises à cette époque. Antony Clarke écrit : « Deux photographies prises devant l’église du Sud à Pékin sont caractéristiques des attaques des Gardes rouges contre les églises. L’église, qui a été édifiée précisément là où se trouvait la chapelle construite par Matteo Ricci (1552-1610) à la fin de la dynastie des Ming (1368-1644), a été entièrement vidée de son mobilier et des objets religieux qui s’y trouvaient (statues, objets d’art, reliques, tabernacle, etc.), pour en faire un bucher. La bannière suspendue à la façade de l’église porte les caractères : ‘Longue vie au président Mao !’ »

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Pékin, été 1966 : Sur le côté de l’église Nantang (‘l’église du Sud’), la cathédrale de Pékin.
(Anthony E. Clarke, collection privée Whitworth University)

Tout sourire, des Gardes rouges achèvent de détruire un crucifix ainsi que des statues de la Vierge et du Christ.

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Tianjin, été 1966 : Devant la cathédrale du diocèse de Tianjin, un prêtre est soumis à une « séance de lutte »
(Anthony E. Clarke, collection privée Whitworth University)

Attaché, encadré par deux Gardes rouges, un prêtre revêtu de ses ornements liturgiques est soumis à une séance d’accusation publique.

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Tianjin, été 1966 : Devant la cathédrale du diocèse de Tianjin, un prêtre est soumis à une « séance de lutte »
(Anthony E. Clarke, collection privée Whitworth University)

 

Même scène ou une scène semblable. Le prêtre soumis à une « séance de lutte » est visible sur l’estrade, à droite de la photo.

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Tianjin, été 1966 : Sur le perron de Laoxikai, cathédrale du diocèse de Tianjin.
(Anthony E. Clarke, collection privée Whitworth University)

 

Le tabernacle a été sorti sur le perron avant sans doute sa destruction. Un feu achève de consumer ce qui a été retiré de l’intérieur du lieu de culte. Au-dessus du portail principal a été accroché un portrait de Mao. Sur les slogans, on peut lire « hei jiao » (‘église noire’) et des slogans communistes.

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Le P. Wang Shiwei au début des années 1960, avant son arrestation.
(Anthony E. Clarke, collection privée Whitworth University)

Plus terrible encore que les accusations publiques et les destructions de biens sont les récits des arrestations, tortures et exécutions de catholiques. Anthony Clark cite le cas du P. Wang Shiwei (1910-1970), franciscain. « Dans les années 1960, tous les catholiques, évêques, prêtres, religieuses, séminaristes de Taiyuan (province du Shanxi) et de ses environs furent convoqués à un rassemblement à la cathédrale. La réunion tombait sous le coup des slogans maoïstes typiques de l’époque, ‘Eradiquer la religion’ en l’occurrence, et le P. Wang avait exhorté les catholiques, lors d’une de ces réunions, à « résister à la lâcheté » pour rester fidèle. Il fut arrêté par les Gardes rouges, qui se montrèrent sans pitié. « Sa prison était connue sous le nom de ‘la prison de la mort’, rapporte son biographe Wang Jingshan dans un récit non publié. Enchaîné par les pieds et les mains de façon à ce qu’il ne puisse pas se lever, il était accroché par une autre chaîne à une poutrelle de manière à ne pas pouvoir se coucher pour dormir. Il a passé plusieurs années de la sorte dans cette prison, avant, en janvier 1969, d’être condamné à mort pour avoir défier le gouvernement populaire et résister à ‘la réforme intellectuelle’. En réalité, il avait refusé de renier sa foi catholique et de soutenir le communisme. Le 15 février 1970, Wang Jingshan a été battu dans sa cellule, transporté sur une place publique et exécuté d’une balle dans la nuque. »

Durant les premières années de la Révolution culturelle, durant les innombrables campagnes visant à détruire les Quatre Vieilleries, les catholiques furent désignés comme « ennemis du peuple ».Comme le P. Wang, très nombreux sont ceux qui ont été la cible d’attaques constantes et répétées. Obligation de piétiner la croix, tout en étant encerclé de Gardes rouges hurlant ‘A bas Dieu’, « séances de lutte » sans fin pour humilier et casser psychologiquement et physiquement, enfermement dans des porcheries ou des étables sous le quolibet de « buffles diaboliques ». Beaucoup y trouvèrent la mort ou choisirent le suicide, sans compter ceux qui apostasièrent. Les souffrances étaient telles que certains ont dit que ceux qui étaient déjà en camps de rééducation par le travail après les campagnes d’arrestation des années 1950 étaient finalement moins à plaindre que ceux qui durent affronter les Gardes rouges.

Anthony Clarke dans un texte de mars 2014 : « Lors d’une récente visite à Pékin, je me trouvais devant mon église favorite, l’église de Xishiku, plus connue sous le nom d’église du Nord (Beitang). Alors que j’admirais la façade monumentale, j’aperçus un gardien qui semblait affairé auprès d’un endroit situé au pied d’un arbre ; c’était comme s’il prenait soin d’un lieu sacré. Après un temps considérable passé avec lui pour gagner sa confiance, il m’a confié l’histoire de l’attaque par les Gardes rouges contre un prêtre âgé, une attaque qui s’était passée là même, sur place, dans les mois de l’été 1966. Alors qu’une foule de Gardes rouges – des adolescents – chauffés à blanc par les slogans de Mao contre les Quatre Vieilleries approchait de l’église, un vieux prêtre se tenait près de l’entrée du lieu de culte. Le prêtre fut forcé de s’agenouiller, les bras attachés dans le dos dans cette position aussi douloureuse qu’humiliante connue sous le nom de ‘faire l’avion’. Ainsi ridiculisé, ordre lui fut intimé de renoncer à sa foi. Face à son refus, les Gardes rouges le menacèrent de l’enterrer vivant s’il n’apostasiait pas sur le champ. Nouveau refus. Le gardien me confia qu’il prenait soin du lieu même où le vieux prêtre fut enterré vivant par les Gardes rouges du président Mao. De tels événements n’étaient pas rares à cette époque, et les raconter aujourd’hui n’est pas sans risque. »

Rassembler et préserver la mémoire de ces années noires demeure sensible dans la Chine d’aujourd’hui. A l’église de l’Ouest, à Pékin, des slogans communistes sont toujours discrètement visibles et les curés du lieu se passent le mot pour préserver ce témoignage du passé. Dans une tribune publiée par l’agence AsiaNews, le P. Sergio Ticozzi, missionnaire des PIME, témoigne de ses efforts pour réunir des documents sur les persécutions commises durant la Révolution culturelle. Outre le fait qu’en Chine, victimes et bourreaux peuvent encore aujourd’hui cohabiter et vivre dans les mêmes quartiers, la situation demeure sensible. Le P. Ticozzi demandait à un prêtre chinois de réunir des témoignages ; il a eu la réponse suivante : « Du fond de mon cœur, je ne peux pas exprimer ce que je ressens quand je me remémore cette période de souffrances intenses. Je ne le peux pas car, étant donné les conditions présentes, la page n’a pas encore été tournée. Sans doute que les menaces qui pèsent sur ceux qui expriment une foi religieuse sont plus subtiles aujourd’hui, mais elles vont plus profond que pour les générations passées. Nous devons prier le Seigneur de nous donner la force et le courage de continuer à témoigner de notre foi en notre Sauveur. »

(eda/ra)

Source

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Malgré le cardinal Zen, le pape François soumet l’église de Chine au pouvoir communiste : vers une synthèse maçonne mondialiste ?

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Le cardinal Joseph Zen Ze-kiun, évêque émérite de Hong Kong.

Malgré les objurgations désespérées du cardinal Zen, le pape François doit bientôt signer l’accord avec Pékin qui soumettra l’église de Chine au pouvoir communiste. Une rupture de la doctrine romaine qui manifeste l’alignement de François sur le projet mondialiste et illustre la grande synthèse maçonne en cours.

Au début du mois de juillet, la signature par le pape François d’un accord entre le Vatican et la Chine étant imminente, le cardinal Zen, évêque émérite de Hong Kong, mettait en garde les fidèles contre les dangers d’un tel accord, qui reviendrait à soumettre l’intégralité de l’église chinoise au pouvoir communiste. C’est déjà le cas aujourd’hui de l’église officielle chinoise, « l’association patriotique », dirigée par des laïques athées auxquels sont soumis les évêques nommés par Pékin, mais jusqu’à présent, depuis 1949, Rome avait toujours soutenu l’Eglise des catacombes, avec son clergé fidèle et ses fidèles dont certains ont connu le martyre, notamment durant la révolution culturelle.

Le cardinal Zen, sa conscience, et le pape François
Le cardinal Zen, dans son appel de juillet, demandait aux fidèles de l’église de Chine de ne pas tenir compte de l’accord s’il allait contre leur conscience et la foi catholique : « Nous ne pouvons pas suivre un éventuel accord s’il apparaît à notre conscience clairement contraire à la foi catholique authentique ».

Aussitôt, un journaliste connu de la Stampa, Gianni Valente, l’a vivement condamné dans le Vatican Insider. Présentant le cardinal Zen comme un « incorrigible combattant » opposé par système au « dialogue entre l’Eglise et la Chine », et l’a accusé de fomenter des dissensions, sinon un schisme. Ce dont Zen se défend, il préfère parler de « retrait en silence », et de l’impossibilité de suivre le pape François dans le cas, « par exemple, où il encouragerait à embrasser l’association patriotique et à rejoindre une église totalement asservie à un gouvernement athée ».
L’Eglise de Chine soumise à une constitution civile du clergé
Ce qu’exige le pape François en effet de l’église de Chine à travers l’accord négocié secrètement (les cardinaux chinois ont été mis sur la touche, la commission ad hoc supprimée : le pape François, si ouvert au dialogue interreligieux, ne dialogue pas à l’intérieur de l’Eglise, et la réforme de son gouvernement l’a entraîné en la matière à gouverner directement, sans passer par les institutions ordinaires, et sans beaucoup de respect des personnes), ce qu’il impose ressemble moins au ralliement demandé par Léon XIII à l’église de France qu’à la constitution civile du clergé décrétée par la Constituante en 1790. A la différence que celle-ci, instrument de soumission de l’Eglise par l’Etat, fut logiquement condamnée par Pie VI, et l’église de France se scinda entre clergé jureur et clergé réfractaire, dont beaucoup de membres furent martyrisés.

C’est le cas type d’empiètement du pouvoir civil sur le pouvoir religieux, de confusion du temporel et du spirituel au profit d’une dictature totalitaire. Ce qui était en germe en 1790 connut sa floraison en 1793 sous la terreur, et un plein épanouissement en Chine avec l’association patriotique installée et contrôlée depuis plus de soixante ans par le pouvoir communiste.

Ce que le pouvoir communiste a manqué, le pape François le réussit

Le cardinal Zen, qui se définit comme « la voix des sans voix », se pose des questions à propos des actions récemment vues en Chine qui « offensent la doctrine et la discipline de notre Eglise », et il en nomme quelques unes : « des évêques illégitimes et excommuniés officient dans des rites pontificaux et ordonnent des prêtres, des évêques légitimes assistent à des sacres illégitimes, (…) et Rome n’élève pas la voix. Nos frères de Chine n’ont-ils pas des raisons d’être troublés ? »

De voir les ouailles restées fidèles durant des décennies à Rome se retrouver soumises à l’église officielle et à ses procédures biaisées crève le cœur du cardinal Zen. « Les évêques choisis par une élection démocratique ? Il n’y a pas d’élection en Chine qui ne soit manipulée par le pouvoir. Approbation par la conférence épiscopale ? Il n’y a pas de conférence épiscopale en Chine, ce n’est qu’un nom ! Que va devenir l’Eglise souterraine fidèle à Rome ? Si tout le monde rejoint « l’Eglise chinoise », il n’y aura plus d’Eglise catholique en Chine. » Et Zen de constater : « Nous savons qu’en Chine le pouvoir athée a toujours voulu avoir la pleine maîtrise des religions. (…) Mais aujourd’hui (…) l’autorité de l’Eglise nous dit de changer d’orientation. Ce qui était déclaré opposé à la doctrine et à la discipline de l’Eglise va devenir légitime et normal, et chacun devra obéir à des évêques qui étaient jusqu’à aujourd’hui illégitimes et même excommuniés. » Et le cardinal Zen se remémore une phrase lue sur un site internet catholique : « Depuis longtemps nos ennemis n’arrivaient pas à nous tuer. Maintenant nous devons mourir des mains de notre père. »

En Chine le pouvoir communiste est impitoyable

Ce n’est pas le principe du dialogue que condamne Zen, c’est la rupture et la trahison auxquelles il amène. Il rappelle la première condition d’un dialogue sain posée par le pape François lors du colloque des évêques d’Asie en Corée, qui est « la cohérence avec sa propre identité ». Et de poser deux questions simples : « Un pouvoir totalitaire peut-il accepter une religion qui se prévaut de sa propre autorité suprême ? Une religion peut-elle se soumettre au pouvoir total d’un gouvernement athée ? » Et de rappeler pour l’occasion que le communisme existe toujours en Chine, qu’il constitue la pire forme de « dictature moderne », qu’il a tué des hommes par monceaux, et que s’il a peut-être moins besoin de tuer aujourd’hui, il demeure « un état de violence, la négation des droits de l’homme les plus fondamentaux ».

Poursuivant sur sa lancée, Zen constate que le pouvoir communiste est plus que jamais « arrogant à l’extérieur » et « oppresseur à domicile ». D’où cette question de bon sens : « Usera-t-il de gentillesse avec le Vatican ? Avec tout ce qui s’est passé récemment (enlèvement des croix, destructions d’églises, lavage de cerveau incessant sur le droit de l’Etat de guider, de diriger la religion), comment notre très éminent Secrétaire d’Etat dire que « les perspectives du dialogue sont prometteuses » ?

Le cardinal Zen fidèle au pape François malgré tout

Prometteuses pour qui ? En cas de rupture, le pouvoir communiste ne perd rien. Il attend tranquillement une signature, « la bénédiction finale du pape à l’anormale situation présente de l’église de Chine, qui, objectivement, est déjà schismatique. » La question est de savoir si le Vatican est prêt, pour conclure un accord à tout prix, à admettre « une église schismatique » ? Ce qu’il y a de frappant dans les propos du cardinal Zen, en dépit de l’interprétation qu’en donne Gianni Valente, c’est que, tout en décortiquant les erreurs du Vatican, et en refusant de s’y soumettre, il refuse clairement de se révolter contre le pape François. Il s’en explique par une sorte de comparaison : « Avez-vous remarquer qu’un enfant, quand sa mère lui donne la fessée, ne s’en va pas, il se cramponne à ses jambes, tout en hurlant et pleurant… il n’a nulle part pour s’enfuir de sa mère. » Et d’ajouter, la mort dans l’âme : « Nous ne devons pas critiquer ce que le pape approuve ».

Une rupture manifeste de la doctrine de l’Eglise

Le drame est qu’en fait de « fessée », l’accord préparé par le Vatican ressemble plus à un coup de couteau dans le dos. Et il est manifestement en rupture avec toute la tradition de l’Eglise catholique, constante, claire, et même récente. C’est d’ailleurs pourquoi le cardinal Zen a cité une lettre de Benoît XVI expliquant aux fidèles catholiques de Chine l’impossibilité pour eux de rejoindre l’association patriotique. Sans doute Valente parle-t-il « un résumé erroné du texte original », mais c’est lui apparemment qui n’a pas lu ledit original. On y trouve par exemple au chapitre VII, section 5 : « Il est clair que la prétention de quelques organismes, désirés par l’Etat et étrangers à la structure de l’Eglise, de se placer au-dessus des évêques et de guider la vie de la communauté ecclésiale, ne correspond pas à la doctrine catholique ». Et à la section six : « l’objectif déclaré des organismes mentionnés plus haut de mettre en œuvre les principes d’indépendance et d’autonomie, de direction par soi-même et de gouvernement démocratique de l’Eglise est incompatible avec la doctrine catholique ». Pour ceux qui n’auraient pas compris, l’association patriotique est nommément citée en note de bas de page. La cause est entendue et elle n’avait d’ailleurs pas besoin de l’être, quiconque suit, même de très loin, l’actualité catholique en Chine, sait que la doctrine de l’Eglise est sans ambiguïté ni variation, et que l’accord que la diplomatie du pape François s’apprête à signer est une rupture sans précédent, assortie d’une tête à queue complète.

Les habiletés du pape François

Ici, contrairement à d’autres cas qui se sont trouvés dans l’histoire contemporaine, et dans l’histoire récente de l’Eglise, il n’est pas « plus facile de faire son devoir que de le connaître », le devoir et la doctrine crèvent les yeux, les textes ne sont pas douteux, complexes ou mal connus. Il n’y a ni doute ni controverse. Il y a une doctrine raisonnée, étayée, constamment rappelée, et sur laquelle le pape François et ses assistants ont décidé de s’asseoir.

Rien, apparemment, ne justifie leur décision. Il n’y a pas de demande du clergé de Chine, ni des fidèles. Alors quoi ? Les optimistes prétendrons que le pape François, ayant pris la mesure du rapport des forces sur le terrain, officialise un schisme de fait pour empêcher un schisme formel. Effet de « l’habileté jésuite », cette politique de Gribouille serait une catastrophe morale et doctrinale pour l’Eglise mais aurait l’excuse de la « bonne volonté ». L’hypothèse ne vaut pas grand chose, le pape François étant beaucoup trop intelligent pour donner dans de pareilles illusions. Alors, il faut malheureusement penser à une solution beaucoup plus simple.

La grande synthèse maçonne et mondialiste

Le pape François, que l’on a vu sinueux sur la théologie de la libération, manifeste une tendance nette à s’aligner, sinon sur la théorie marxiste, du moins sur la diplomatie communiste. On l’a vu à Cuba, on le voit avec la Chine. Le communisme existe encore, il n’est pas mort, il régit encore et asservit entre un cinquième et un sixième de l’humanité, et le pape François, dans son opposition très vive à la puissance américaine et à sa théorie du choc des civilisations, a choisi le camp communiste.

C’est sa façon à lui de participer à la dialectique mondialiste, avec aussi ses flamboyantes déclarations en faveur de l’invasion de l’Europe par les migrants. Son action à peine masquée contre le mariage traditionnel dans l’affaire du synode de la famille, et dans la déclaration Amoris Laetitia, la porte ouverte à la communion pour les divorcés remariés, les déclarations floues sur les homosexuels, tout indique un gentlemen’s agreement du pape François avec la pensée franc-maçonne et le projet mondialiste, comme aussi d’ailleurs son encyclique verte Laudato Si. La torpeur du mois d’août lui permet de faire tranquillement un nouveau pas dans cette direction. Un pape obligeant les fidèles catholiques de Chine à se soumettre au pouvoir communiste, quelle meilleure image du fait qu’il n’y a plus ni amis ni ennemis, quelle meilleure synthèse maçonne ?