A la suite de Jésus (Lc 13.22+ ; Mt 7.13-14) et de tant de Pères et Docteurs de l’Eglise qui prêchaient que seul un petit nombre d’âmes seraient sauvées, le Supérieur général de la Compagnie des prêtres de St Sulpice, Louis Tronson, enseignait pour sa part que la plupart des prêtres vont en Enfer (Entretiens et méditations ecclésiastiques, éd. Rusand, Paris, 1826. Cf. www.JesusMarie.com). Et de cela, il donnait quatre raisons : 
1. Parmi ceux qui sont prêtres, tous n’ont pas la vocation.
2. Parmi ceux qui ont vraiment la vocation, un certain nombre ne persévèrent pas.
3. Parmi ceux qui ont vraiment reçu la vocation au sacerdoce, et qui persévèrent, beaucoup ne remplissent pas les obligations de leur charge, notamment en n’avertissant pas les âmes qui leur sont confiées de leurs défauts et péchés, et du danger où elles sont ainsi de se damner (Ez 33.6).
4. Enfin, dernière raison : lorsqu’un prêtre tombe dans un péché, il y a peu de chance qu’il s’en relève (He 6.4-6).
C’est pourquoi il nous faut beaucoup prier pour les prêtres !
Beaucoup de prêtres se damnent parce que le Démon a réussi à leur faire oublier que leur mission est de sauver les âmes de l’Enfer. Si le rôle d’un prêtre n’est pas de sauver les âmes de l’Enfer, à quoi sert-il ?
St Jean-Marie Claret (1807-1870) : « VOYANT LA MULTITUDE QUI EST CONTINUELLEMENT EN ETAT DE PÉCHÉ MORTEL ET VA AINSI A LA MORT ET EN ENFER, JE NE PUIS RESTER EN REPOS, je sens que je dois courir et crier. Et je me dis : Si je voyais quelqu’un tomber dans un puits ou dans un brasier, je courrais certainement et je crierais pour l’avertir et l’empêcher de tomber ! Pourquoi n’en ferais-je pas autant pour empêcher quelqu’un de tomber dans le puits et le brasier de l’Enfer ? Je ne puis comprendre comment les autres prêtres qui croient aux mêmes vérités que moi −vérités que tous doivent croire− ne font ni prêches ni exhortations pour EMPÊCHER LES GENS DE TOMBER EN ENFER. Je m’étonne même que les laïcs, hommes et femmes, qui ont la foi, ne crient pas, et je me dis : si une maison se mettait à brûler de nuit, ses habitants et les autres habitants du quartier étant endormis et ne voyant pas le péril, le premier qui sen apercevrait ne courait-il pas dans les rues en criant : « Au feu ! Au feu ! Dans telle maison ! » ? Alors, pourquoi ne pas crier « Au feu de l’Enfer ! » pour réveiller tant de dormeurs assoupis dans le sommeil du péché et qui, au réveil, se trouveront dans les flammes du feu éternel ? Ce qui m’oblige également à prêcher sans arrêt c’est de voir la multitude d’âmes qui tombent en Enfer, car il est de foi que tous ceux qui meurent en état de péché mortel se damnent. » (Autobiographie, II, 11, 2-3-4.).
Je me permets de recommander mon livre : “Judas est en Enfer“, Guy Pagès, FX de Guibert, Paris, 2007.
Voici un extrait de ce qui était enseigné aux futurs prêtres par Louis Tronson, prêtre (+1700), successeur de Monsieur Olier [prêtre] à la tête de la Compagnie de Saint Sulpice, institut voué à la formation des prêtres, et ami de saint Vincent de Paul (in Entretiens et méditations ecclésiastiques, éd. Rusand, Paris, 1826) :

Chap. XVII Le petit nombre des prêtres sauvés.

Dans les derniers entretiens nous avons fait voir que les prêtres doivent être saints, qu’ils doivent être animés de l’esprit ecclésiastique, qu’ils doivent être appelés de Dieu, et qu’ils doivent répondre à leur vocation par une application fidèle à leur ministère.

En établissant ces grandes vérités, nous avons pu connaître, par les réflexions que nous avons faites, qu’il y a peu de prêtres que répondent à toutes ces obligations ; d’où j’infère une conséquence bien terrible, qu’il y a peu de prêtres sauvés.

C’est la conséquence que les Saints Pères [les Pères de l’Eglise] ont tirée, en considérant d’un côté les grandes obligations des prêtres, et de l’autre le peu de fidélité qu’ils avaient à répondre à toute leur étendue.

Je crois qu’il est très important que nous fassions une sérieuse réflexion sur cette vérité terrible et épouvantable qu’il y a peu de prêtres sauvés.
Si cette vérité était bien méditée et bien gravée dans notre esprit,
on ne se presserait point tant pour entrer dans le sacerdoce,
on y entrerait avec plus de précautions qu’on ne fait,
on s’appliquerait avec plus de zèle aux fonctions de son ministère,
et l’on ferait tous ses efforts pour persévérer dans le service de Dieu et de son Eglise.

Ne croyez pas que je veuille vous épouvanter sans fondement. Lorsque je dis qu’il y a peu de prêtres sauvés, ce n’est pas de moi-même que je l’avance, je ne le dis qu’après un grand saint et un grand docteur de l’Eglise, qui assure, après de sérieuses réflexions et dans une parfaite conviction, qu’il y a peu de prêtres sauvés, et qu’il y en a beaucoup plus qui périssent et qui se damnent : c’est saint Jean Chrysostome écrivant sur les Actes des Apôtres ; voici comment il parle : Non temerè dico, sed ut affectus sum ac sentio ; non arbitror multos esse sacerdotes qui salvi fiant, sed multo plures, qui pereant. « Je ne parle point, dit ce saint, témérairement et sans fondement, ce n’est pas par exagération que je m’en explique, mais je m’explique suivant mes sentiments et suivant la conviction et la persuasion où je me trouve ; je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de prêtres sauvés et je crois qu’il y en a beaucoup plus de ceux qui se damnent que de ceux qui se sauvent.»

Remarquez comme ce saint docteur dit que le nombre des prêtres damnés surpasse de beaucoup celui de ceux qui sont sauvés. Qui de nous, à présent, ne tremblera pas en entendant cette terrible vérité ?

Mais remarquez encore que le clergé du temps de saint Jean Chrysostome, était bien plus réglé qu’il n’est présentement.
Qu’on ne s’imagine donc plus lorsqu’on parle du petit nombre des élus, que cela ne regarde que les laïcs qui vivent dans le monde où la plupart font naufrage comme sur une mer orageuse ;
Et ne nous trompons pas nous-mêmes en nous flattant que cette vérité terrible ne nous regarde pas.

Il faut donc au contraire, soit que nous soyons engagés dans le sacerdoce, soit que nous y aspirions, que nous prenions garde de n’être pas du nombre des prêtres réprouvés ; et pour nous mettre à couvert de ce malheur, je crois qu’il est important,
1° de vous découvrir les sources ordinaires de la réprobation des prêtres, afin de vous précautionner, et
2° de vous indiquer les règles à suivre pour éviter ce malheur, et être du petit nombre des prêtres sauvés.

1°/ Les sources ordinaires de la réprobation des prêtres :
Je réduis à quatre les sources ordinaires de la réprobation des prêtres
1° le défaut de vocation
2° le défaut de correspondance dans sa vocation
3° le défaut de persévérance dans sa vocation
4° la nature des chutes que l’on fait dans l’état ecclésiastique.

Je dis donc qu’il y a peu de prêtres sauvés parce qu’il y en a très peu ,
1° qui soient appelés [parmi ceux qui sont actuellement prêtres];
2° très peu qui répondent à leur vocation [les obligations que leur état de prêtre]
3° très peu qui persévèrent dans leur vocation
4° très peu enfin qui se relèvent de leurs chutes ;

En d’autres termes,
le défaut de vocation,
le défaut de fidélité à sa vocation,
le défaut de persévérance dans sa vocation,
la nature des chutes qui, dans le sacerdoce, sont presque irréparables,
quatre sources trop fécondes de la perte d’une infinité de prêtres,
quatre raisons pour lesquelles il y a si peu de prêtres sauvés.

Reprenons-les, s’il vous plait, et examinons-les avec une grande application.

Je dis, premièrement, qu’il y a très peu de prêtres qui soient sauvés, parce qu’il y en a très peu qui rentrent bien dans le sacerdoce. Pour bien entrer dans le sacerdoce, il faut avoir des vues conformes à celles de Notre Seigneur. Il faut répondre à ses intentions et à ses desseins sur les prêtres.
Qu’elles sont les vues de Notre Seigneur sur les prêtres ?
Que demandent-ils de ceux qui s’engagent dans le sacerdoce ?

1° Notre Seigneur demande d’eux qu’ils aient un grand désir de procurer la gloire de son Père, c’est la principale fin du sacerdoce. Comme c’était la grande intention de Notre Seigneur qui est le souverain prêtre de l’Eglise, ce doit être aussi celle de ceux qui sont rendus participants de son divin sacerdoce. Il faut donc être animé du grand désir de procurer la gloire de Dieu, en entrant dans le sacerdoce ; si l’on manque de cette disposition, on manque de la plus essentielle aux prêtres.
Néanmoins, la plupart se jettent dans l’Eglise sans consulter la volonté de Dieu.

2° Il demande d’eux qu’ils aient un grand zèle pour le salut des âmes ; c’est la seconde fin de l’institution du sacerdoce. Il faut entrer dans les sentiments de Notre Seigneur qui a eu un zèle si admirable pour les âmes, et qui les a tant aimées, qu’Il a donné Son sang et Sa vie pour les racheter. Les prêtres doivent avoir les mêmes dispositions, et ils doivent les exprimer par leur conduite à l’égard des âmes ; et si l’on n’a pas cette disposition en recevant la prêtrise, on peut dire qu’on n’a pas l’esprit du sacerdoce : Ego elegi vos uteatis et fructum afferatis, et fructus vester maneat.

3° Notre Seigneur demande que ceux qui entrent dans le sacerdoce aient une grande sainteté et un désir très grand de se sanctifier de plus en plus, afin de soutenir par la pureté de leur vie la sainteté de leur état qui demanderait une vertu plus qu’angélique.

Voilà de grandes dispositions et de saintes intentions que Notre Seigneur demande de ceux qui reçoivent le sacerdoce, et qui entrent dans un état si saint. Or il y en a très peu qui répondent au dessein de Notre Seigneur. De là vient que ceux qui n’y répondent pas se damnent, et en s’élevant à un état si sublime, ils montent bien haut pour faire ensuite des chutes plus terribles.

J’ai dit qu’il en a très peu qui répondent aux intentions de Notre Seigneur, lorsqu’ils entrent dans le sacerdoce ; car ordinairement on a des vues toutes contraires aux Siennes. Au lieu de se proposer pour fin la gloire de Dieu, le salut des âmes et sa propre sanctification, on a des vues basses, grossières, terrestres et criminelles. Si l’on pénétrait le cœur de la plupart de ceux qui reçoivent les saints ordres, on verrait que ce sont la chair et le sang, l’intérêt et l’avarice, la gloire et les aises de la vie qui les animent et les dirigent.

Les uns sont appelés au sacerdoce par leurs parents qui sont bien aise de décharger leur famille, et de procurer des bénéfices à leurs enfants. Ils les destinent d’eux-mêmes au sacerdoce, et leur font une espèce de violence pour les engager à prendre cet état. Ils leur représentent qu’ils leur donneront peu pour subsister, et qu’ils n’ont pas grand choses à attendre. Voilà ce qui fait la vocation d’un très grand nombre d’ecclésiastiques. Comme les enfants ont une crainte révérencielle pour leurs parents, et qu’ils n’osent pas les contredire, ils prennent l’état de vie qu’ils leur proposent, pour ne pas les contrarier.

Ils y en a d’autres qui entrent dans le sacerdoce par l’inspiration et la suggestion du démon. Ce malin esprit, ennemi irréconciliable de Dieu et des hommes, voyant les grands maux que peut faire dans l’Eglise, un prêtre qui n’est pas appelé de Dieu, tâche de persuader plusieurs d’entrer dans l’Eglise et de s’élever au sacerdoce. Il les élève sur le pinacle du Temple parce qu’il sait bien que lorsque ces misérables seront prêtres, il les portera à commettre une infinité de désordres qui les perdront, et une infinité d’âmes avec eux.

Enfin il y en a d’autres qui entrent dans le sacerdoce par des vues toutes charnelles, ils se promettent telle place et ses revenus, qui vaudront mieux que le patrimoine qu’ils auraient dans le monde. ; ils se proposent qu’ils mèneront une vie douce et commode ; ou bien encore l’honneur et l’élévation : ils envisagent les charges et les emplois ecclésiastiques comme des choses honorables ; c’est ce que remarque saint Jean Chrysostome dans l’homélie que je vous ai citée. Maintenant dit ce Père, nous recherchons le sacerdoce comme une magistrature séculière et profane, et nous aspirons à cette dignité afin de nous attirer l’honneur et la gloire du monde : nunc autem non aliter quam profanos magistratus, et hanc affectamus dignitaten, nimirum ut glorificemur et honoremur apud homines. D’où il conclut qu’on se damne et qu’on se perd devant Dieu, en ayant des vues si peu conformes à la sainteté du sacerdoce : perdimur apud Deum. On s’élève devant le monde, mais devant Dieu, l’on s’abaisse et l’on se perd ; qui lucri fecit hic honos ? C’est un honneur qui coûte bien cher.

Telle est la première cause de la damnation des prêtres : ils entrent mal dans le sacerdoce ; aussi leur dira-t-on un jour ce qui est rapporté dans l’Evangile, de celui qui est entré dans la salle du banquet sans être revêtu de la robe nuptiale : Amice, quomodo huc intrasti ? Mon ami, comment vous êtes vous agrégé au sacerdoce ? Comment y êtes-vous entré n’ayant point la robe nuptiale, c’est à dire les dispositions nécessaires ? Où est le désir que vous aviez de procurer la gloire de Dieu ? Où est le zèle que vous aviez pour le salut des âmes ? Quelle sainteté aviez-vous ? Vous n’aviez que des vues profanes en entrant dans le plus saint de tous les états, et vous vous êtes présenté à cet état auguste qui fait trembler les anges, étant encore dans le péché ou tout dégoulinant encore du péché ! Quomodo huc intrasti ? Comment êtes-vous entré ? Des ecclésiastiques diront peut être alors : Seigneur, nous avons prophétisé en Votre Nom, nous avons chassé les démons, nous avons fait des miracles ; et cependant le Seigneur leur dira : Je ne vous connais pas : nescio vos.
Voilà donc ce qui damnera la plupart des prêtres, une mauvaise entrée dans le sacerdoce ; c’est la première source de leur réprobation.

La seconde source de la réprobation d’une infinité de prêtres est que, de ceux qui sont bien entrés, il y en a peu qui répondent à leur vocation, parce qu’il y en a peu qui s’acquittent entièrement de leurs obligations, et ne manquent à quelqu’une qui est essentielle à leur état ; en voilà assez pour les damner. Saint Chrysostome fait une attention particulière à ceux-ci, et , en assurant qu’il y a un très grand nombre de prêtres qui se damnent, il ajoute : multas enim causas habet quae depellant ipsum a suis moribus : il y a plusieurs principe qui portent un prêtre à se perdre, et à corrompre la pureté de ses mœurs ; et il dit qu’il faut qu’il ait une très grande vigilance pour se conserver : et innumeris oculis illi opus undiquè. Il faut qu’il ait une attention particulière sur lui-même, autrement il se perdra infailliblement.

Nous pouvons dire qu’un prêtre, pour bien se conserver doit veiller particulièrement sur trois choses :
1° sur lui même
2° sur les obligations de son état
3° sur le monde

1° Il faut qu’il veille sur lui ; car comme nous sommes tous portés au mal, et parce que notre chair est toute rebelle à la loi de Dieu, il est nécessaire qu’on s’applique sans cesse à la réprimer et à la mortifier, qu’on n’écoute point ses plaintes et ses murmures lorsqu’elle se plaindra du travail et de la fatigue, et qu’elle fera entendre sa voix pour dire qu’on se tue, qu’on ruine sa santé par excès de travail, que cela ne peut pas durer. Mais il faut encore veiller sur son âme, car elle a aussi des passions et des désirs déréglés en grand nombre. Tantôt elle a des pensées secrètes d’ambition, tantôt elle veut amasser quelque chose par esprit d’avarice, et ainsi des autres désirs déréglés. Or, il faut mortifier tous ses désirs désordonnés, et l’avoir toujours entre les mains, comme faisait David : anima mea in manibus meis semper : J’ai toujours mon âme entre les mains pour l’observer et pour l’empêcher de contracter aucune souillure.

2° Ce n’est point assez de veiller sur sa chair et sur son âme, il faut veiller sur ses obligations. Or ces obligations sont très étendues et très difficiles. Si vous êtes simple prêtre, vous devez réciter tous les jours dévotement l’Office divin, vous devez garder fidèlement la continence, vous devez approcher des saints autels avec une grande pureté de cœur, vous devez vivre avec un grand détachement des richesses, des parents et du monde. Vous devez vous occuper et travailler selon vos talents, et suivant les facilités que vous trouvez pour faire la bien. Ces obligations sont grandes. Mais, disent quelques uns, je ne suis que simple prêtre, je ne suis pas obligé de travailler. Vous vous trompez, l’état ecclésiastique n’est pas un état d’oisiveté ; vous devez craindre l’effet de ces paroles : servum inutilem ejicite in tenebras exteriores. Mais si vous êtes engagé dans une place à charge d’âme, vous avez un grand surcroît d’obligation. Il faut que vous ayez soin de vos ouailles, il faut les paître et les nourrir par les instructions nécessaires, en sorte que si, faute de les instruire, quelqu’une se perd par ignorance, vous en répondrez devant Dieu ; si vous instruisez, il ne faut point par lâcheté taire la vérité, mais il faut l’annoncer avec une sainte liberté, comme faisaient les apôtres : loquebantur verbum Dei cum fiducia. Si vous êtes dans le tribunal de la pénitence, il faut ménager les intérêts de Dieu. Il faut quelquefois, refuser ou différer l’absolution à ceux qu’on ne juge pas suffisamment disposés, quand ce serait un magistrat, quand ce serait un gentil homme, quand ce serait votre curé. Si vous ne le faites, vous commettez un sacrilège, et vous participez au péché des autres : Hic jam quaeritur inter dispensatores utfidelis quis inveniatur. Si vous avez des malades, il faut les visiter et leur donner les sacrements ; si vous y manquez vous vous damnez, et si quelque personne meurt sans les recevoir par votre négligence, vous en répondrez devant Dieu, et vous avez commis une très grande faute. Cela n’est-il pas capable d’épouvanter, dit saint Jean Chrysostome : si vel unus tantium decedat non initiatus, nonne totam ipsius subvertit salutem ? Si une seule personne meurt sans baptême par la faute du prêtre, voilà tout son salut ruiné ; et pourquoi ? C’est que le salut d’une seule âme est quelque chose de si considérable, que l’esprit n’en peut comprendre le prix et la valeur : Unius enim animae perditio tantam habet jacturam, uti nulla ratio possit aestimare. Et pour prouver plus amplement qu’un âme est d’un grand prix, il fait ce raisonnement : si le salut d’une seule âme est si considérable que le Fils de Dieu S’est fait homme pour elle, et qu’Il a souffert de si grands tourments, concevez combien la perte de cette âme attirera de châtiments et de punition sur celui qui était chargé de son salut, et qui l’aura laissée périr par sa faute. Si un homme qui est cause de la mort corporelle d’un autre, est digne de mort, à combien plus forte raison celui qui est coupable de la mort spirituelle d’une âme ! Etenim si unius animae salus tanti est, ut ob hanc Filius Dei fieret homo, tantaque pateretur, perditio, vogita quantam conciliabit paenam. Quod si quis ob hominem in hac vita perditum morte dignus est, quanto magis ille ! Vous voyez comme le salut d’un prêtre dépend souvent d’une seule infidélité. Cela doit, en vérité, nous remplir de crainte et d’épouvante.

Ajoutons que pour bien s’acquitter de ses obligations devant Dieu, il faut qu’un prêtre surmonte beaucoup de difficultés, soit du côté du temps, soit de la part des lieux difficiles où il faut aller, soit de la part des personnes auxquelles il faut parler et avec lesquelles il faut traiter, ménageant généreusement en toute circonstances les intérêts de Dieu, ce qui s’appelle, selon saint Chrysostome, avoir un esprit grand et magnanime ; et de ce défaut de magnanimité, qui est fort commun parmi les prêtres, ce saint conclut qu’il y en a peu de sauvés : quoniam res resquirit excelsum animum. Car il est certain qu’un prêtre qui n’a pas une grande force se damne dans son état. Il faut qu’il ait une grande force pour soutenir toutes les persécutions des méchants, et surtout les persécutions des mauvais prêtres qui sont nos plus cruels ennemis. Il faut une grande force pour soutenir tous les assauts du démon, les combats de la chair, les révoltes violentes et fréquentes de la triple concupiscence, et pour en être toujours victorieux. Quelle force ne faut-il pas pour faire des corrections à des pécheurs publics et scandaleux, surtout si ce sont des personnes de qualité selon le monde ! Quelle fermeté ne faut il pas pour dire à ces personnes : non licet tibi ! On tremble dans ces occasions, et l’on succombe aux dépens de son salut éternel.
Disons encore que les péchés des prêtres, quoiqu’ils ne soient que légers dans les laïcs, deviennent très grands dans les prêtres, à raison de leur état, de leurs lumières, des grâces qu’ils ont reçues de Dieu, et du bon exemple qu’ils doivent donner : si peccas privatim, nihil tale passurus es ; si in sacerdotio, periisti ; en sorte qu’au jugement de Dieu on dira à un prêtre : quomodo vixisti ? Comment avez-vous vécu dans le sacerdoce ? Comment vous êtes-vous acquitté de vos obligations ? Quelle a été votre sainteté, et quel est le bon exemple que vous avez donné, quomodo vixisti ? Comment avez-vous conduit le troupeau qui vous a été confié ? Que sont devenues ces ouailles ? Les avez-vous nourries de la Parole de Dieu, et édifiées de vos exemples ? Comment avez-vous assisté les malades ? Comment avez-vous apaiser les discordes ? Mon Dieu ! Que la plupart des prêtres seront confus au Jour du Jugement, parce qu’ils ne pourront pas satisfaire à toutes les demandes qu’on leur fera, pas même de la moindre partie ! On leur fera voir qu’ils n’ont pas vécu en prêtres, et qu’ils ont passé leur vie sans étude, sans oraison, sans piété, sans application à leur charge, s’occupant du jeu, de la chasse, du négoce, de procès, de repas de côté et d’autre, perdant le temps en visites, en voyages, en promenades et en une infinité d’exercices indignes de la profession d’un prêtre.

3° Ce n’est pas tout : il faut qu’un prêtre veille non seulement sur soi et sur les obligations de son état, mais il faut encore qu’il veille sur le monde pour se préserver de sa corruption et de sa contagion. Vous savez ce que saint Jean nous apprend : Totus mundus in maligno positus est. Il faut donc avoir une très grande fidélité pour ne point se laisser gâter et corrompre par le monde. Il est difficile d’être dans le monde et de n’être pas du monde ; il est difficile de converser avec les gens du monde, et de ne pas en prendre l’esprit et les maximes. Cela demande une vigilance continuelle et une application très grande, pour ne pas participer à la malice du monde ; et parce que la plupart des prêtres n’ont pas cette vigilance et cette application, étant dans le monde ils deviennent mondains, ils en prennent l’esprit, ils se laissent conduire par ses maximes, ils estiment ce que le monde estime, ils parlent et agissent comme le monde, en un mot, ils sont du monde, et ils attirent sur eux les malédictions que le Fils de Dieu lance contre le monde. On peut dire d’eux ces paroles du prophète : commixti sunt inter gentes et didicerunt opera eorum. Voilà une source très commune de la perte des prêtres. Ils font bien quelquefois dans la retraite et dans un séminaire : mettez les dans le monde, en peu de temps on ne les reconnaît plus ; ils se pervertissent et contractent le mauvais air et la contagion du monde. Ne faut-il donc pas inférer de ce que nous venons de dire, qu’il y a peu de prêtres qui se sauvent ? Il y a très peu de prêtres qui entrent bien dans le sacerdoce ; de ceux qui y entrent bien, il y en a peu qui s’acquittent entièrement de leurs obligations ; ajoutons encore que ceux qui s’acquittent bien, pendant un temps de leurs obligations et répondent à leur vocation, il y en a très peu qui persévèrent jusqu’à la mort et qui meurent saintement. C’est la troisième considération, qui nous fera connaître combien il y a peu de prêtres qui se sauvent.

Troisième considération :
Ce n’est pas assez dans les simples chrétiens, pour être sauvés, de bien vivre pendant quelque temps, ni pour un prêtre de bien s’acquitter de ses obligations pendant une bonne partie de sa vie ; mais il faut que les uns et les autres persévèrent jusqu’à la mort. S’ils manquent de fidélité avant de mourir, ils sont perdus ; témoin Judas qui avait bien commencé et bien vécu pendant quelque temps, mais qui finit mal. Or nous voyons que plusieurs prêtres qui vivent bien un certain temps, qui édifient et qui tâchent de s’acquitter de leurs obligations, succombent enfin et finissent par le relâchement. C’est ce qu’une malheureuse expérience nous apprend tous les jours, puisque souvent nous avons la douleur d’apprendre que des personnes qui avaient même paru les plus ferventes ne se soutiennent pas longtemps après leur sortie du séminaire. Ces chutes viennent de plusieurs principes.

  1. Le premier est que souvent l’on n’est pas bien établi dans la piété, ni bien enraciné dans la charité ; et les tentations venant fondre sur un cœur, il y succombe : Et in tempore tentationis recedunt. On n’a pas une résolution bien ferme de servir Dieu malgré les efforts du démon, malgré les attraits du monde, malgré la malignité de notre chair ; et le démon nous attaquant avec violence, notre chair venant à se révolter, le monde nous présentant ses charmes, ou nous intimidant par ses menaces, ses persécutions et ses railleries, l’on succombe sous le poids de ces tentations : Et in tempore tentationis recedunt. C’est le premier principe de nos chutes et du défaut de persévérance.
  2. Le second est une certaine présomption qui fait qu’on s’établit en soi-même, qu’on s’appuie sur sa prétendue justice et qu’on méprise les autres. On est comme ces scribes et ces pharisiens dont parle le Fils de Dieu, qui in se confidebant tanquam justi, et aspernabantur caeteros. C’est cette présomption pharisaïque qui attire la Colère de Dieu ; elle nous prive de Sa protection et de l’abondance de Ses grâces ; elle nous porte à nous exposer témérairement dans les occasions, et l’on y tombe, l’on s’y perd, comme nous le verrons tout à l’heure.
  3. Un troisième principe de nos chutes est notre propre inconstance. On se lasse de bien faire ; les bonnes œuvres causent enfin du dégoût par leur continuation, l’on perd insensiblement le goût d’une bonne règle de vie qui nous avait maintenus jusqu’alors, on se rapproche un peu du monde, on laisse revivre ses passions, et l’on abandonne sa première ferveur, qu’on ne reprend pas ordinairement, soit parce que s’étant dégoûté de la régularité, il n’y a plus rien qui fasse impression sur le cœur, soit parce que Dieu se voyant méprisé par une personne à qui il avait fait beaucoup de grâces, la méprise à son tour et la rejette de son cœur. Qu’il y en a qui abandonnent ainsi l’œuvre de leur salut, les uns un an après leur sortie du séminaire, les autres plus tôt ou plus tard ! Ne lisons-nous pas dans l’Ecriture Sainte, que Salomon après avoir reçu tant de grâces de Dieu, après avoir été doué d’une sagesse si admirable, se pervertit dans sa vieillesse par l’amour des femmes qui le portèrent à l’idolâtrie ? Judas n’avait-il pas été élevé à l’école du Fils de Dieu ? Néanmoins il tomba ensuite et par la malheureuse flexibilité de son cœur et par une passion qu’il avait négligé de mortifier.
  4. Quatrième cause pour laquelle on ne persévère pas : on ne veille pas sur soi, on néglige de mortifier ses passions ; elles demeurent comme assoupies, et tôt ou tard, elles se révoltent et surprennent ceux qui ne se tiennent pas sur leurs gardes. Il ne faut donc pas s’assurer [ prendre confiance] sur sa prétendue fidélité, ni sur les bonnes œuvres, ni sur sa piété, nous ne sommes que faiblesse par nous-mêmes. Il faut être fidèle, si nous voulons persévérer, à mortifier continuellement nos passions, nous humilier sans cesse, et recourir souvent à la prière ; autrement nous ferons certainement des chutes, et elles seront irréparables ; c’est la quatrième et dernière considération qui nous montrera combien il y a peu de prêtres qui se sauvent.

Quatrième considération
Je ne dis pas que les péchés des prêtres soient entièrement irrémissibles, mais je dis qu’ils sont presque irrémissibles. Saint Bernard nous apprend cette vérité dans ses Déclarations. Ce grand saint qui pesait les choses au poids du sanctuaire, dit que les prêtres sont appelés les anges du Seigneur, et que, comme la prédestination des anges était attachée à une bonne ou mauvaise action, de même les prêtres sont élus ou réprouvés. Voici ses paroles : Caeleste officium tenet sacerdos, Angelus Domini exercituum factus est, tanquam angelus, aut eligitur aut reprobatur, inventa quippe in angelis pravitas, et districtius judicetur necesse est, et inexorabilius quam humana. La raison en est que les péchés des prêtres sont censés, comme ceux des anges des péchés de malice, On demande pourquoi Dieu n’a pas fait miséricorde aux anges, et qu’il l’a faite aux hommes. La raison qu’on en rend est que le péché des anges était un péché de malice, et le péché des hommes un péché de fragilité. Or nous pouvons dire que, quoique les prêtres soient des hommes, il y a néanmoins plus de malice que de fragilité dans leurs péchés. Ce sont des personnes éclairées, ou qui doivent l’être par leur état ; ce sont des personnes qui ont reçu des grâces spéciales de Dieu ; ce sont des personnes qui, étant élevées à une haute dignité, font une très grande injure à Dieu et à leur état, lorsqu’elles commettent des péchés ; et par conséquent leurs péchés étant des péchés de malice et contre le Saint Esprit, ils ne se remettent ni en ce monde ni en l’autre, c’est à dire qu’ils ne se remettent que très difficilement, c’est ce qui est à craindre, et un prêtre doit beaucoup appréhender que, s’il commet un seul péché mortel, il ne s’en relève jamais.
Qu’il y a un grand nombre de prêtres qui, ayant offensé Dieu mortellement une fois, ne se sont jamais relevés de cet état ! Sachez qu’il y a tant d’ingratitude, tant de mépris, tant d’irrévérence dans un prêtre qui pèche mortellement, et qui se laisse aller au désordre, surtout à l’impureté, que souvent il n’en revient plus : il s’en confessera à la vérité, mais il n’en aura pas un véritable regret, et il ne se convertira pas.
Nous pouvons inférer de là qu’il y a bien peu de prêtres qui se sauvent, parce qu’il y en a une infinité qui vivent de manière déréglée. Ils ne commettent pas un seul péché, mais ils en commettent plusieurs, ils passent leur vie en tombant de péchés en péchés, tantôt dans l’impureté, tantôt dans l’intempérance, tantôt dans l’avarice, tantôt dans les irrévérences ; ils roulent de précipice en précipice, et par leur conduite déréglée ils attirent la malédiction de Dieu sur eux, et ils meurent dans l’insensibilité.
Il ne faut pas se flatter : un prêtre s’imagine quelquefois qu’il n’a qu’à se donner du bon temps, et qu’il fera pénitence avant de mourir ; c’est une illusion ; ces sortes de prêtres meurent comme des Judas, ils portent le caractère de leur réprobation.

Après toutes ces raisons il ne nous est plus permis de douter du très petit nombre de prêtres sauvés, et il ne nous reste plus qu’à suivre quelques règles que je vais vous indiquer, pour éviter ce grand malheur.

2° / Les règles à suivre pour être du petit nombre des prêtres sauvés :

Ceux qui ne sont pas engagés dans le sacerdoce et qui y aspirent, doivent bien se pénétrer des fins du sacerdoce, savoir : du désir de la gloire de Dieu, et du salut des âmes, et bannir toutes les vues profanes, acquérir la sainteté qui est nécessaire aux prêtres, sans se presser si fort, comme on fait, et ne faisant rien sans conseil.
Si l’on n’a pas les signes de vocation, il ne faut pas avancer, quoi qu’il puisse arrive.
Saint Jean Chrysostome donne cet avis aux personnes qui désirent le sacerdoce : il faut penser aux persécutions et aux injures auxquelles on sera exposé si l’on veut faire son devoir, au dégagement de toutes les affaires du monde, et aux châtiments terribles qu’on se prépare en l’autre.

Si l’on est dans le sacerdoce pour assurer son salut, il faut,

Entrer véritablement dans la voie étroite, c’est à dire dans la pratique de l’abnégation, de la mortification et de l’humiliation ; il n’y a que ce chemin qui conduise au ciel. Il ne faut pas se contenter de quelque idée que l’on en a ; car, pour parler de l’abnégation et de la mortification, on ne la pratique par pour cela. On demeure même d’accord, en général, de ces vérités, parce qu’elles n’incommodent pas en les considérant de cette manière. On convient qu’il faut renoncer à soi même, qu’il faut se mortifier, qu’il faut se détacher des honneurs, des richesses et des plaisirs ; qu’un prêtre, en un mot, doit, pour représenter Jésus-Christ sur la terre, L’imiter en tout, mais quand il faut venir à la pratique, on voit naître des difficultés, et l’on se trouve arrêté par mille considérations humaines. C’est ce que répondit Clément VIII à saint Bellarmin. Le Pape avait consulté ce cardinal sur plusieurs articles qui concernaient le souverain pontificat. Celui-ci dit son sentiment fort généreusement, et le Pape même reconnut qu’il avait raison. Néanmoins il lui dit ensuite : Vera sunt quae dicitis, fatemur, sed cum ad praxim decernimus, in multas difficultates incedimus. On connaît, par exemple qu’il faut mener une vie fort frugale et bien réglée, que le superflu des revenus ecclésiastiques doit être donné aux pauvres, qu’il ne faut jamais exercer le saint ministère par des vues d’intérêt, qu’il faut instruire assidûment, néanmoins cum ad praxim devennimus, in multas difficultates incidimus.

Un prêtre doit donc :

1° Marcher constamment dans la voie étroite du salut qu’il connaît mieux que personne.

2° Se représenter souvent l’importance du salut et les suites de cette grande affaire : être éternellement damné ou sauvé. Il faut que dans cette vue, on se détermine toujours à prendre le plus sûr. Je n’en fait pas une obligation, mais je dis que la prudence le demande. Et pourquoi ne ferions-nous pas pour notre salut ce que nous faisons dans toutes les autres affaires, dans un procès, dans une maladie, dans un ouvrage ? N’oublions jamais cet avis des saints : Nulla satis magna securitas ubi periclitatur aeternitas. De là un prêtre se gardera bien de ne s’abstenir que des péchés mortels, mais il évitera tant qu’il pourra les péchés véniels et ceux qui paraissent les plus légers. Car les péchés véniels dans les prêtres déplaisent fort à Dieu, et il arrive souvent que ce qui n’est que véniel dans les laïcs est mortel dans les prêtres, à raison de leur état et du scandale qu’ils donnent. C’est ce qui a fait dire ces paroles si remarquable à saint Grégoire [Grégoire le Grand, pape et docteur de l’Eglise] : Plerumque quod in laicis culpa non est, hoc crimen est in sacro ordine constitutis.
Et voilà ce qui trompe bien des ecclésiastiques ; ils se mesurent sur les laïcs. Ce n’est presque rien à des laïcs de passer quelques temps de conversation avec des personnes d’un autre sexe, si l’honnêteté y est gardée ; dans un prêtre ce sera un écueil et un sujet de scandale. Ce n’est presque rien dans un laïc de dire des plaisanteries ou des paroles à faire rire ; dans un prêtre ce sera souvent un blasphème et un sacrilège : Nugea in ore laicorum nugae sunt ; in ore sacerdotis blasphemiae ; talibus aperire illicitum, assuescere sacrilegium. Il faut donc éviter les moindres péchés, et même autant qu’il se peut, l’ombre et l’apparence du péché : ab omni specie mala abstinete vos ; c’est l’avis de saint Paul, et agir autrement ce serait ne pas prendre le plus sûr, et par conséquent ignorer l’importance du salut et les suites de cette affaire.

3° Enfin, il faut suivre le petit nombre. Comme il y a peu de personnes qui se sauvent dans tous les états, il faut imiter les plus fervents. Ne nous comparons jamais aux lâches qui sont en plus grand nombre, mais à ceux qui sont véritablement fidèles à leurs obligations : Vice cum paucis, ut cum paucis merearis eligi. Oh mais, dit-on, je serai singulier, on me remarquera. Vous serez singulier, à la bonne heure ; mais il faut l’être un peu pour se sauver ! La foule n’incommode pas dans le chemin du Ciel ! Un ami de don Barthélemy-des-martyrs lui ayant représenté qu’il devait s’accommoder un peu à la coutume des autres évêques, et qu’autrement il se rendrait singulier, reçut pour réponse ces belles paroles : que si les évêques des premiers siècles n’avaient pas suivi les singularités des Apôtres, on ne lirait pas maintenant leur nom dans le martyrologe. Profitons d’une si sage réponse ; ne craignons pas de paraître singuliers ; sans nous inquiéter de ce que dira de nous le grand nombre des lâches, tâchons d’imiter le petit nombre des saints prêtres, suivons leurs vestiges, et nous aurons part à leur bonheur.

Fin du chapitre XVVII des Entretiens Ecclésiastiques de Louis Tronson, supérieur général de la compagnie des prêtres de saint Sulpice, fondée par Monsieur Olier (prêtre) , contemporain et ami de de saint Vincent de Paul.
Edité gratuitement par www.JesusMarie.Com, Paris, France.

Cf. Judas est-il en Enfer ?, Guy Pagès, DMM, 2018.

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JESUS SE PLAINT À PADRE PIO

Le 12 mars 1913, Jésus S’adressa à Padre Pio :

« Mon fils, avec quel ingratitude les hommes répondent à mon amour ! J’aurais été moins offensé par ceux-ci si Je les avais moins aimés. Mon père ne veut plus les supporter. Moi, Je voudrais cesser de les aimer, mais … Mais hélas Mon cœur est fait pour aimer. Les hommes lâches et faibles ne se font aucune violence pour se vaincre dans les tentations, bien plus, ils se complaisent dans leurs péchés. Les âmes que j’ai le plus aimées, lorsqu’elles sont mises à l’épreuve, Me suivent beaucoup moins ; celles qui sont faibles se laissent aller à la peur et au désespoir ; les plus solides se relâchent peu à peu … Ils Me laissent seul la nuit, seul le jour dans les églises. Ils ne s’occupent plus du sacrement de l’autel. On ne parle jamais de ce sacrement d’amour, et même ceux qui en parlent, hélas, avec quelle indifférence, avec quelle froideur le font-ils !
On oublie Mon cœur. Personne ne se soucie plus de Mon amour. Je suis toujours dans la tristesse. Pour beaucoup Ma maison (les églises) est devenue un théâtre d’amusement. Même mes ministres (c’est-à-dire les prêtres) que j’ai toujours regardés avec prédilection, que J’ai aimés comme la pupille de Mes yeux devraient réconforter Mon cœur plein d’amertume ; il devraient M’aider dans la Rédemption des âmes. Au contraire, Je dois, de leur part, recevoir des ingratitudes. Ils ne Me connaissent plus. Je vois, mon fils, beaucoup de ceux-là qui sous des dehors hypocrites Me trahissent avec des communions sacrilèges. Ils foulent aux pieds les lumières et les forces que Je leur donne continuellement. Mon fils, j’ai besoin de victimes pour calmer la juste Colère divine de Mon Père. Refais-Moi le sacrifice de tout toi-même et fais-le sans réticence aucune. […] Envoie à ton père spirituel ce que Je viens de te dire … »

Voici une vision qu’eut saint Pio : « Jésus m’apparut alors que j’étais encore au lit. Il était en bien piteux état, méconnaissable. Il me montra une foule de prêtres réguliers et séculiers, dont plusieurs dignitaires de l’église ; parmi eux, certains célébraient, d’autres se paraient de leurs ornements sacerdotaux ou les enlevaient. La peine qu’il éprouvait me faisait mal et je demandai à Jésus la raison de sa souffrance. Je n’obtins pas de réponse. Il continuait, le regard horrifié, de fixer ces ecclésiastiques. Comme s’il était las de regarder, il leva les yeux sur moi et je découvris avec effroi que deux larmes coulaient sur ses joues. Il se détourna de tous ces prêtres avec une expression de dégoût et s’écria “Bouchers !” Puis, s’adressant à moi : “Mon fils, ne crois pas que mon agonie n’ait duré que trois heures, non, à cause des âmes que j’ai le plus comblées de bienfaits, elle durera jusqu’à la fin du monde. Pendant le temps de mon agonie, il ne faut pas dormir, car mon âme a besoin de quelques larmes de pitié humaine. Hélas, les hommes me laissent seul sous le poids de leur indifférence. L’ingratitude et le sommeil de mes ministres rendent mon agonie plus pénible. Hélas ! Comme ils répondent mal à mon amour ! Ce qui m’afflige le plus, c’est qu’à leur indifférence, ils ajoutent mépris et incrédulité. Que de fois j’ai été sur le point de les foudroyer, si je n’avais été retenu par les anges et les âmes qui me sont acquises… écris à ton père spirituel en lui relatant tout ce que tu as vu et entendu de moi ce matin. Dis-lui de communiquer ta lettre au père provincial… Je ne pourrai jamais révéler à qui que ce soit ce que Jésus me révéla par la suite. Cette apparition déclencha en moi tant de douleurs morales et physiques que je restai prostré toute la journée. J’aurais cru mourir si Jésus ne m’avait alors relevé… Comme Jésus a raison de se plaindre de notre ingratitude ! Combien de nos malheureux frères [dans le sacerdoce] répondent à son amour en se jetant à bras ouverts dans l’infâme secte des francs-maçons ! Prions pour eux, afin que le Seigneur les illumine et touche leur cour... (Lettre du Padre Pio au Père Agostino, du 7 avril 1913, in Recueil de lettres (1910-1922), traduction d’Yves d’Horrer, Paris, Téqui, 2001, p. 344-346) »

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Le vendredi saint 2005 lors de la méditation du chemin de croix le cardinal Ratzinger déclarait : « Que de souillures parmi l’Eglise et particulièrement parmi ceux qui, dans le sacerdoce, devraient lui appartenir totalement ! Combien d’orgueil et d’autosuffisance ! (…) Souvent, Seigneur, ton Eglise nous semble une barque prête à couler, une barque qui prend l’eau de toutes parts. Et dans ton champ nous voyons plus d’ivraie que de bon grain ».