Pourquoi un juge, des années après la célébration d’un mariage, serait-il plus capable que le prêtre ayant présidé à sa préparation, de reconnaître que selon le canon 1095, l’un au moins des contractants n’avait pas la maturité psychique suffisante pour le contracter validement ? Et s’il le peut, le prêtre ayant accompagné le couple à la célébration de leur mariage, ne le pouvait-il pas ? Et s’il le pouvait, comme sa mission l’impliquait, et que néanmoins il ait célébré un mariage invalide, quelle sanction mérite-t-il pour son manque de discernement, ou sa désinvolture, et le sacrilège commis ? Généralement, aucune. Quelle estime la hiérarchie catholique montre-t-elle ainsi du bien temporel et spirituel des fiancés en laissant perdurer cet état de fait ?

Pour ma part, lorsque j’étais encore en paroisse, après leur en avoir montré la beauté et la vérité, je demandais à mes fiancés s’ils étaient prêts à s’engager à vivre dans la continence et la chasteté dès le moment même. Je leur posais ensuite les trois questions suivantes : 

  • Supposons que peu après votre mariage vous appreniez que l’enfant que vous attendez est trisomique, que feriez-vous ?
  • Supposons que de bons amis à vous après leur mariage à l’église se séparent tant ils sont malheureux et finissent par se remettre en ménage avec quelqu’un qui les rend enfin heureux. Que penseriez-vous de leur nouvelle union ?
  • Si vous rencontriez l’épreuve de la stérilité, accepteriez-vous, ayant compris sa pertinence, le commandement de l’Eglise interdisant le recours à la procréation médicalement assistée ?

Je vous laisse deviner les réponses que je recevais à ces questions, qui m’ont permis non seulement de présenter l’enseignement de l’Eglise auquel elles se référaient, mais encore de voir la plupart des couples prenant alors conscience de leur incapacité à célébrer un mariage catholique, de, librement, décider de surseoir à celui-ci.

C’est dire si ma petite méthode, bien qu’évidemment elle ne soit pas absolument infaillible, peut rendre de précieux services non seulement aux prétendants au mariage, mais encore aux prêtres aujourd’hui surchargés… Aussi n’ai-je jamais compris pourquoi ils ne l’adoptaient pas. Je me souviens de l’un d’entre eux, un vétéran pourtant, qui à l’occasion d’une réunion sur cette question, m’entendant dire que je demandais la continence dès le premier jour de la préparation m’accusa d’être « inhumain »… Qui était véritablement inhumain : celui qui n’avertit pas du péché et contribue ainsi au malheur d’autrui, dans le temps et l’éternité, ou celui qui appelle à la conversion et à l’amour de Dieu ?

La solution aux problèmes que soulève l’existence des adultères publics affrontés lors du récent synode sur la famille se trouve-t-elle dans la transgression de la discipline inamissible de l’Eglise, ou bien dans le sérieux de la préparation au mariage exprimé par mes petites questions ?

Abbé Guy Pagès