Le lundi 4 mars, le quotidien italien La Verità a publié une interview d’Ignazio Mangrano avec Roberto de Mattei ayant comme Chère Église, arrête d’être gay friendly et soit souverainiste. Voici le texte intégral des questions et réponses.

Le prof. Roberto de Mattei, président de la Fondation Lépante et directeur de Correspondance européenne, a été un des promoteurs de la manifestation Acies Ordinata (cf. CE 363 du 28 février 2019) que le 19 février dernier, sur la Piazza San Silvestro à Rome, à réuni une centaine de catholiques du monde entier pour manifester silencieusement contre le sommet du Vatican sur les abus sexuels.

Question : Professeur, le sommet du Vatican a-t-il été un succès ou un échec ?

Réponse : Je crois que c’était un échec. Les principaux médias l’ont présenté comme tel, en signalant que le message était faible et en soulignant l’insatisfaction des victimes. Je crois cependant que l’échec est dû à autre chose.

Quoi ?

Il s’est concentré sur les symptômes, pas sur les causes du mal.

Pouvez-vous nous expliquer ?

Le point central, déjà révélé dans le témoignage de Viganò, a été négligé: la diffusion de l’homosexualité dans l’Église comme phénomène organisé.

Y a-t-il un “lobby gay” dans l’Église ?

Oui, il y en a un. Cela me semble tout à fait évident.

Évident ?

La plupart des abus commis par le clergé concernaient des adolescents de sexe masculin, et non des enfants. Donc, si l’homosexualité n’a pas été mentionnée lors du sommet, la seule explication est qu’il y a une pression extrêmement forte pour s’assurer que le sujet soit évité.

Pression à l’extérieur ou à l’intérieur de l’Église ?

À l’extérieur comme à l’intérieur. Les médias veulent empêcher l’Église de réaffirmer sa doctrine traditionnelle sur l’homosexualité.

Pourquoi ?

Parce que la pédophilie est un crime reconnu par tous les États laïcs modernes. Mais ces mêmes États qui condamnent la pédophilie, encouragent l’homosexualité.

Ils en font la promotion ?

Oui, en effet. À tel point qu’ils veulent faire de l’homophobie un crime, interdisant ainsi toute critique à l’égard de l’homosexualité.

L’Église a-t-elle ainsi succombé à la propagande LGBT ?

L’Église devrait assumer une position prophétique en défiant le monde, et condamner non seulement ce que le monde condamne, c’est-à-dire les abus sexuels, mais aussi ce que le monde ne condamne pas, c’est-à-dire l’homosexualité.

Qu’en est-il des pressions internes ?

Dans le clergé, aujourd’hui, il y a une atmosphère d’omerta et de complicité par le fait d’être ‘gay friendly’ comme on dit. Il semble que le mot homosexualité ne puisse même pas être mentionné.

Réellement ?

Monseigneur Charles Scicluna a dit qu’il n’est pas légitime de condamner l’homosexualité, car ce mot indique une catégorie générique et une “catégorie” de personnes ne peut être généralisée.

Peut-elle l’être alors ?

Mais la pédophilie n’est-elle pas aussi une catégorie. Ou la pédophilie est un péché en tant que tel, alors que l’homosexualité ne l’est plus ?

Le Père Federico Lombardi a parlé de “mesures concrètes” prises à l’issue du sommet. Se trompe-t-il ?

Les mesures concrètes présumées sont des appels aux indications de l’Organisation mondiale de la santé, qui promeut la contraception, l’avortement et l’éducation sexuelle. J’ai été déconcerté par la façon dont le sommet s’est aligné sur l’agenda d’une organisation internationale qui s’est longtemps opposée aux enseignements du Magistère.

Qu’aurait dû faire le Pape ?

Vous savez, il n’y a rien de plus concret que de se référer à la loi morale de l’Église. Qui n’est pas une règle abstraite, mais la loi naturelle imprimée dans le cœur et la conscience de chaque homme. C’est surtout ce qui manquait au sommet au Vatican: une vision surnaturelle des problèmes d’aujourd’hui qui aurait laissé la place à des mots comme la grâce, le péché, la loi morale, la loi naturelle.

Et au contraire…

Au contraire ces mots sont absents du document final. C’est pourquoi le sommet a été un échec. Dont l’explosion de l’affaire Pell est un symptôme.

En ce qui concerne l’affaire du Cardinal George Pell – qu’en pensez-vous?

Je pense que lorsqu’il y a des accusations impliquant des hommes d’Église, puisque l’Église a son propre droit canonique, ses propres tribunaux, et qu’elle est capable de mener des enquêtes, elle ne peut pas se contenter de dire: “Attendons les résultats de l’enquête” menée par les tribunaux laïques.

Devrions-nous ne pas nous en remettre aux tribunaux “laïques” ?

Je trouve troublante une telle manifestation de confiance dans les tribunaux laïques.

Pourquoi ?

Au Vatican, ils sont sous le choc de l’affaire Pell, car ils savent qu’il est innocent. Et ils sont gênés parce que le Pape l’avait nommé préfet au Secrétariat à l’économie. Mais si l’on a décidé de s’en remettre aux tribunaux laïcs, on doit en subir les conséquences…

Devrait-il alors incomber à l’Église d’enquêter sur les prêtres abuseurs?

L’Église qui a sa propre loi pénale et ses propres tribunaux doit avoir le courage de contester le jugement des tribunaux du monde, convaincue que ce n’est pas le monde qui juge l’Église, mais l’Église qui juge le monde. L’Église devrait revendiquer Sa souveraineté.

L’Église doit elle aussi devenir souveraine?

Oui, absolument. Je trouve extrêmement grave que l’Église ait renoncé à sa souveraineté. L’Église est une société souveraine, comme l’État, même si Son objectif, contrairement à l’État, est surnaturel.

Et alors ?

Si l’Église est une société souveraine, elle a tous les instruments pour atteindre ses propres fins de justice. Il ne s’agit pas seulement d’un organisme purement éthique, qui se dépouille de sa dimension judiciaire, permettant à l’État de tout décider. La renonciation à la souveraineté est une évolution dangereuse.

Une évolution dangereuse ?

Les tribunaux séculiers peuvent même s’en prendre au pape François…

Que doit faire le Pape?

Permettez-moi de m’expliquer. Quand l’Église renonce à sa souveraineté, elle devient une sorte d’”entreprise morale”. Et la rendre telle, c’est risquer de rendre toute l’Église, à commencer par le sommet, responsable des actes de ses subordonnés. Chose qui n’arrivera pas si elle est considérée comme une société souveraine.

Autrement dit – si elle agit comme un État?

Précisément. Si un citoyen italien commet un crime, le Premier ministre n’est pas tenu pour responsable. Si cela continue, au contraire, il y aura une persécution de l’Église.

Une persécution?

J’en ai bien peur. En renonçant à sa souveraineté, l’Église perd sa liberté et est contrainte de se soumettre à l’État ou d’être persécutée. Aujourd’hui, nous sommes sous un régime de soumission. Si, à une époque, l’État était le bras séculier de l’Église, aujourd’hui, l’Église devient le bras séculier des pouvoirs en place, les politiciens et les médias.

Dans quel sens ?

Dans le sens que l’Église obéit aux indications provenant d’organisations nationales et internationales qui ont une vision antithétique de la vision chrétienne.

Quel rapport avec la persécution?

Si l’Église décidait de se soustraire à ce mécanisme, il y aurait un conflit avec les pouvoirs politiques. Maintenant, l’Église n’ose plus le faire. Mais si y elle y est forcée, elle se trouvera en grande difficulté, car elle a renoncé à sa principale ligne de défense, c’est-à-dire à l’exercice de sa liberté et de son indépendance judiciaire.

Retournons à Pell une seconde. Certains ont fait remarquer que les accusations d’abus sexuels ont été portées après que le Préfet du Secrétariat à l’économie ait découvert un million d’euros déposés sur des comptes secrets….

Il est possible que les deux choses soient liées. De plus, la rumeur court que la source des accusations qui l’ont amené sur le banc des accusés n’était pas en Australie, mais au Vatican…

Quand vous avez dit que l’appel au surnaturel manquait à l’Église, qu’est-ce que cela voulait dire?

L’Église abandonne sa mission, qui a pour but le salut des âmes, pour devenir une société pour le bien-être matériel des personnes. Elle est en train de se transformer.De se transformer ? L’Église abdique à la mission qui lui a été confiée par son fondateur, Jésus-Christ. Elle devient ainsi un organisme révolutionnaire.C’est-à-dire ? Lorsque la relation verticale avec Dieu échoue, l’Église devient une société politique.

C’est la caractéristique principale de ce pontificat, qui est un pontificat politique, plutôt qu’un pontificat religieux.

Celui de François est un pontificat politique ?

Oui. Et son leitmotiv est l’immigration. Le 14 février, lors d’une réunion avec une représentation des peuples autochtones au Fonds International de Développement Agricole, le Pape a appelé à un “métissage culturel” entre les “peuples dits civilisés”. Ce qui signifie expulser les racines chrétiennes sur lesquelles Jean-Paul II et Benoît XVI ont tant insisté.

Et qu’est-ce que le “métissage” pour lui ?

Le métissage pour François n’est pas seulement culturel, mais aussi ethnique. Il semble que son projet soit celui d’une substitution ethnique de la population européenne, en net déclin démographique, avec les nouvelles vagues de migrants africains.

Mais pourquoi tout cela?

François a une vision idéologique qui découle de sa formation culturelle

Et quelle est cette vision?

Celui d’un homme qui a absorbé la théologie progressiste par la médiation de la théologie de la libération. C’est l’utopie du “nouveau monde”. Sauf qu’il la ressuscite 30-40 ans après son échec.

Comment définiriez-vous le pape François alors ?

Une ambiguïté délibérée est la clé de sa personnalité. Et c’est aussi la cause de ses problèmes. Mais à ce stade, permettez-moi de poser une question.

Je vous-en prie.

Benoît XVI, bien qu’il avait une forte opposition dans son pays, a fait trois voyages en Allemagne. Jean-Paul II a effectué neuf visites en Pologne. Pourquoi François est-il allé partout en six ans de son pontificat, même dans les Émirats Arabes Unis, mais jamais dans son Argentine?

Voilà, pourquoi?

La question est déjà une réponse…

Le texte original