Le 1er octobre 2017, une nouvelle loi est entrée en vigueur en Allemagne, qui donne à l’Etat un pouvoir de censure sur les réseaux sociaux. Par ce texte, l’Etat allemand délègue à Facebook, Twitter et YouTube un droit de censure sur la parole de leurs utilisateurs. Les réseaux sociaux sont désormais tenus de supprimer ou bloquer toute « infraction pénale » en ligne qui relève de la calomnie, de la diffamation ou de l’incitation. Ils doivent agir dans les 24 heures qui suivent la réception de la plainte d’un utilisateur – que la plainte soit ou non justifiée. Les entreprises de médias sociaux ont un délai de sept jours pour les cas complexes. En cas de non-respect de la loi, le gouvernement allemand s’autorise à leur infliger des amendes pouvant atteindre 50 millions d’euros.

Cette censure d’Etat place la gestion de la liberté d’expression entre les mains d’entreprises qui seront tentées de censurer plus que nécessaire pour éviter une amende écrasante. Les salariés des médias sociaux sont officiellement devenus une police de la pensée. L’État leur a délégué le pouvoir de cadrer le tout-venant traitant de sujets politiques et sociétaux ; eux seuls décideront désormais qui est autorisé à parler et de quoi. Dans ces conditions, la liberté d’expression n’est plus qu’un conte de fées. Tel était peut-être le but recherché.

Au même moment, un tribunal d’instance de Munich a condamné le journaliste, Michael Stürzenberger, à six mois de prison avec sursis pour avoir posté sur Facebook une photo historique du Grand Mufti de Jérusalem, Haj Amin al-Husseini, serrant la main d’un haut dignitaire nazi à Berlin en 1941

Le procureur a accusé Stürzenberger d ‘« incitation à la haine envers l’islam » et de « dénigrement de l’islam ». Le tribunal a condamné Stürzenberger pour « diffusion de propagande d’organisations anticonstitutionnelles ». Bien que l’admiration mutuelle entre al-Husseini et les nazis allemands soit un fait historique indiscuté, les tribunaux allemands ont entrepris de réécrire l’histoire. Stürzenberger a fait appel.

L’Allemagne n’a pas caché son désir de voir sa loi reprise à l’identique par l’Union Européenne, qui a déjà mis en place un code de bonne conduite qui oblige les géants des réseaux sociaux. La commissaire à la justice de l’UE, Vera Jourova, a récemment déclaré qu’elle légiférera si le code de bonne conduite ne produit pas les résultats escomptés. Elle a toutefois précisé que ce code fonctionnait « relativement » bien, Facebook ayant supprimé 66,5% des messages « haineux » dont ils ont été informés entre décembre 2016 et mai 2017. Twitter en a supprimé 37,4% et YouTube a pris des mesures portant sur 66% des notifications des utilisateurs.
Bien que s’affirmant préoccupé par le « discours de haine » en ligne, le Parlement européen, en septembre, n’a pas hésité à inviter une terroriste arabe condamnée, Leila Khaled, membre du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) pour tenir une conférence sur « Le rôle des femmes dans la résistance populaire palestinienne ». (L’UE, les États-Unis, le Canada et l’Australie ont tous inscrit le FPLP sur la liste des organisations terroristes). La conférence était organisée, entre autres, par la délégation espagnole d’Izquierda Unida (Gauche unie) membre du bloc de la Gauche unitaire européenne / Gauche verte nordique au Parlement européen.

Theresa May, Premier ministre du Royaume-Uni, a également déclaré qu’elle demanderait aux géants de l’Internet de s’attaquer aux contenus extrémistes :
« L’industrie doit aller plus loin et plus vite en automatisant la détection et la suppression des contenus terroristes en ligne… fondamentalement, ce ne sont pas seulement les terroristes qu’il faut vaincre, mais aussi les idéologies extrémistes qui les incitent à passer à l’acte. Ces idéologies prêchent la haine, sèment la division et sapent notre humanité commune Nous devons être beaucoup plus forts pour identifier ces idéologies et les vaincre – à tous les niveaux du corps social. »
(…) Parallèlement, un chercheur tel que Robert Spencer a été interdit de séjour au Royaume-Uni, au motif que ses propos– pourtant étayés – seraient « islamophobes ».
(…)
Les autorités britanniques semblent plus préoccupées par « l’islamophobie » que par l’augmentation des crimes de haine contre les Juifs. Ainsi, la police s’est associée aux autorités de Transport for London pour la «Semaine nationale de sensibilisation au crime de haine » (14 au 21 octobre) afin d’encourager la population à signaler les crimes haineux. Transport for London et la Metropolitan Police ont organisé plus de 200 événements dans différents quartiers pour « rassurer les communautés sur le fait que la sécurité règne pour tous dans les transports publics de Londres ». Tous ces événements ont ciblé spécifiquement la haine contre les musulmans ; des agents de police se sont rendus à la mosquée d’East London pour encourager les fidèles à dénoncer les crimes haineux.
L’année dernière, le Bureau de prévention du crime (Mopac) de la municipalité de Londres dont le maire est Sadiq Khan, a annoncé qu’il avait pu consacrer 1 730 726 livres d’argent public (1,9 million d’euros) à une veille sur les réseaux sociaux. Cette veille a aussi bénéficié d’une subvention des services du premier ministre. Khan a aussi précisé qu’il n’avait pas de budget pour surveiller ceux des 200 djihadistes de retour de Syrie et d’Irak qui se trouveraient à Londres. (Il a aussi implicitement admis qu’il n’avait pas une connaissance précise de l’adresse de ces djihadistes). Quand le journaliste Piers Morgan lui a demandé pourquoi le maire ne pouvait pas mener cette surveillance, Khan a répondu : « Parce qu’une partie du budget de la Metropolitan Police, 15% à 20% est financé par moi, le maire. Le reste vient du gouvernement central. Si la Met police voit son budget réduit, ils devront établir des priorités et utiliser leurs ressources d’une manière raisonnable et avisée. »
Quand Morgan a demandé au maire de citer une priorité plus importante que celle de surveiller «les gens revenant du champ de bataille syrien avec l’intention de nuire aux citoyens britanniques», Khan n’a pas répondu.

Est-ce parce qu’il est difficile de reconnaître en public que la lutte contre « l’islamophobie » jouit désormais d’un niveau de priorité plus élevé que la lutte contre le terrorisme ?

Judith Bergman est éditorialiste, avocate et analyste politique. Nov 03, 2017