5 septembre 2025 à 12h00

Plus de 2.200 personnes sont mortes et 3.600 ont été blessées dans le séisme de magnitude 6 qui a rasé d’innombrables hameaux et villages afghans, selon les chiffres publiés par le gouvernement taliban. Les premiers secouristes sont arrivés au village de Bibi Aysha, jeune fille de 19 ans, plus de 36 heures après le tremblement de terre qui a dévasté dimanche 31 août plusieurs villages dans les régions montagneuses de l’est du pays. Détail inquiétant : aucune femme ne se trouvait parmi les secouristes, ni parmi les victimes secourues.

Les normes appliquées – même en cas d’urgence par les talibans au pouvoir – interdisent tout contact physique entre hommes et femmes qui ne sont pas membres d’une même famille. De ce fait, les secouristes sont venus en aide aux hommes et aux enfants, mais ils ont laissé les femmes blessées livrées à elles-mêmes, rapporte le New York Times.

Les normes culturelles afghanes, qui interdisent tout contact physique entre les hommes et les femmes qui n’appartiennent pas à la même famille, ont poussé les secouristes majoritairement masculins à ne pas venir en aide aux femmes.

La réponse à ce tremblement de terre a illustré les doubles standards auxquels sont confrontées les femmes et les filles en Afghanistan, prises au piège à la fois sous les décombres et sous le poids de la discrimination sexuelle.

Bibi Aysha a vu l’équipe d’urgence évacuer rapidement les hommes et les enfants pour soigner leurs blessures dans le village d’Andarluckak, dans la province de Kounar. Les femmes et les adolescentes, même blessées, ont été écartées, précise-t-elle. « Ils nous ont rassemblées dans un coin et nous ont oubliées. » Personne ne leur a proposé de l’aide, ni demandé ce dont elles avaient besoin. Elles ont été abandonnées à leur sort.

« Les femmes étaient invisibles »

Tahzeebullah Muhazeb, un volontaire qui s’est rendu à Mazar Dara, également dans la province de Kounar, a déclaré que les membres de l’équipe médicale – exclusivement masculine – hésitaient à sortir les femmes des décombres des bâtiments effondrés. Coincées et blessées, elles étaient abandonnées sous les pierres, attendant que des femmes d’autres villages arrivent sur place pour les dégager.

« J’avais l’impression que les femmes étaient invisibles », s’est désolé Tahzeebullah Muhazeb. Il a ajouté : « Les hommes et les enfants étaient traités en premier, mais les femmes étaient assises à l’écart, attendant d’être soignées.» Si aucun parent masculin n’était présent, a-t-il ajouté, les secouristes tiraient les femmes mortes par leurs vêtements, afin d’éviter tout contact avec leur peau.

La réponse à ce tremblement de terre illustre les doubles standards auxquels sont confrontées les femmes et les jeunes filles en Afghanistan, prises au piège sous le poids de discriminations sexuelles invivables. « Les femmes et les filles seront à nouveau les plus touchées par cette catastrophe, nous devons donc veiller à ce que leurs besoins soient au cœur de la réponse et de l’aide apportée », a déclaré la représentante spéciale d’ONU Femmes en Afghanistan, Susan Ferguson, dans un communiqué cette semaine.

Bien que les talibans n’aient pas publié de répartition des victimes par sexe, les femmes ont été confrontées à une épreuve particulièrement dure, aggravée par la négligence et l’isolement, ont déclaré plus d’une demi-douzaine de médecins, de secouristes et de femmes dans les zones touchées par le séisme lors d’interviews.

En Afghanistan, les femmes se suicident de désespoir

Bérengère Viennot – 29 août 2023

Le pays est l’un des rares au monde où elles se suicident plus que les hommes.

En Afghanistan, il n’y a plus de statistiques officielles. Ce que l’on sait de ce pays dont se sont emparés les talibans le 15 août 2021 est transmis par les quelques associations humanitaires qui y sont encore et par les Afghans qui parviennent à communiquer avec l’extérieur ; le monde libre.

C’est le cas de Latifa, 18 ans, qui a raconté par téléphone lors d’une interview qu’elle avait fait une tentative de suicide. Latifa voulait devenir médecin, mais depuis deux ans, elle n’a plus le droit de faire d’études puisqu’elle est une fille. Ses parents ont donc organisé un mariage pour elle, avec son cousin héroïnomane. « J’avais deux options : soit épouser un drogué et avoir une vie épouvantable, soit me tuer. J’ai choisi la deuxième option.»

Latifa est un poids mort pour sa famille, comme des millions de filles afghanes qui ne gagneront jamais leur vie, n’ont le droit de rien faire dans l’espace public et n’ont que le rôle de femelles reproductrices depuis que les fous de Dieu d’Allah ont pris les commandes de leur pays. Selon les chiffres de l’ONU, neuf femmes sur dix y sont victimes de violences familiales sous une forme ou une autre.

Les filles sont devenues une monnaie d’échange contre de la nourriture ; l’Unicef rapporte des occurrences de bébés filles de 3 semaines vendus pour éviter la famine à leur famille. Les exemples de fillettes afghanes livrées à des hommes deux, trois, quatre fois plus âgés qu’elles ou davantage abondent. «J e ne veux pas de lui. S’ils m’obligent à y aller, je me tuerai. Je ne veux pas quitter mes parents »: tels sont les mots d’une fillette de 10 ans vendue à un homme de 70 ans pour acquitter les dettes de sa famille, relayés par The Independent. On ne sait ce qu’il est advenu d’elle.

Rêves brisés

La liste des interdits qui frappent les femmes depuis l’accession au pouvoir des talibans est interminable et vertigineuse : interdiction d’étudier après la primaire, interdiction de sortir sans être accompagnée d’un mahram (gardien), interdiction de montrer la moindre partie de son corps en public, interdiction de fréquenter les salons de beauté, les parcs d’attraction et les jardins publics, interdiction de passer le permis de conduire, interdiction d’être hôtesses de l’air, interdiction de fréquenter les bains publics et les salles de gym, interdiction de travailler pour des ONG…

Rien d’étonnant que le geste de Latifa ne soit pas isolé. Depuis l’arrivée des talibans, le nombre de suicides et de tentatives de suicides de femmes a explosé dans le pays, selon les données fournies par des hôpitaux publics et des cliniques de santé mentale dans un tiers des provinces du pays. Les talibans ayant interdit la communication de ce type de statistiques dans de nombreuses provinces, elles sont envoyées en privé par des travailleurs du monde médical et correspondent à la période entre août 2021 et août 2022. Ces données laissent entendre que l’Afghanistan est l’un des très rares pays au monde où les femmes se suicident plus que les hommes.

Pour les filles qui veulent étudier quand même, il ne reste qu’une bien maigre solution: obtenir une bourse et un visa dans un pays étranger et partir. C’est le cas de Natkai, qui a continué à étudier même lorsque ce droit lui a été retiré. Elle a bénéficié d’une bourse lui permettant d’étudier à l’Université de Dubaï, aux Émirats arabes unis, financée par l’homme d’affaires milliardaire Khalaf Ahmad Al Habtoor.

Ce programme a été mis en place en décembre 2022, après que les talibans ont interdit aux femmes d’étudier à l’université. Selon la BBC, cent Afghanes ont réussi à décrocher cette bourse. Certaines, qui vivaient déjà à l’étranger, se sont rendues à Dubaï.

Alors le 23 août dernier, Natkai a dit au revoir à sa famille et elle est partie à l’aéroport, direction Dubaï. Mais ses rêves se sont effondrés.

« Quand les talibans ont vu nos billets et nos visas d’étudiantes, ils ont dit que les filles n’avaient pas le droit de quitter l’Afghanistan avec des visas d’études », a-t-elle confié au journaliste, la voix brisée. Natkai est l’une des soixante jeunes filles, au moins, à avoir été refoulées à l’aéroport. « Trois filles qui avaient un mahram étaient déjà dans l’avion », raconte Natkai. « Mais des fonctionnaires du ministère pour la Promotion de la vertu et la Répression du vice les ont fait descendre de l’avion. »

Shams Ahmad, qui avait accompagné sa sœur à l’aéroport dans le cadre de ce programme, témoigne : « La bourse avait donné un nouvel espoir à ma sœur après la fermeture des universités ici. Elle a quitté la maison pleine d’espoir, elle est revenue en larmes. Tous ses droits lui ont été retirés. »

«S’il vous plaît, aidez-nous ! »

Certaines de ces filles avaient financé le visa d’un homme pour qu’il les accompagne, mais elles ont quand même été empêchées de partir. « Certaines sont si pauvres et impuissantes. Elles n’ont même pas les 400 afghanis [environ 5 euros] nécessaires pour la vérification des documents exigés par le ministère des Affaires étrangères », explique le frère de Natkai.

Khalaf Ahmad Al Habtoor a exprimé son indignation et sa tristesse dans un message filmé et publié sur Twitter, où il écrit : « C’est une immense tragédie, un coup porté aux principes d’humanité, d’éducation, d’égalité et de justice. » Dans cette vidéo, on entend une jeune femme relatant qu’elle a été empêchée de partir à l’aéroport, alors qu’elle était accompagnée d’un mahram. À la fin de son message, on l’entend supplier : « S’il vous plaît, aidez-nous ! »

*Les noms des personnes interrogées ont été changés.

Source 1

Source 2

Attention, la seconde vidéo ci-dessous n’est pas pour les âmes sensibles,
elle montre la punition d’un homme qui enseignait en secret des jeunes filles.