Jeudi 20 pm, OSCE, Varsovie, Session n°17 : Combattre l’intolérance et la discrimination. Intervention de l’abbé Guy Pagès.

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Chaque année, le 29 mai, le président Erdogan célèbre en grande pompe la prise de Constantinople par les Ottomans en 1453. Près d’un million de personnes ont assisté cette année à ce que les organisateurs estiment avoir été la plus grande scénographie du monde. S’il s’agissait pour les Turcs de fêter le recouvrement de leur patrimoine, la chose se comprendrait, mais il s’agit de fêter la conquête d’un pays étranger… C’est dire l’état d’esprit belliqueux que suppose et entretient une telle manifestation. C’est pourquoi l’association Salut et Miséricorde demande à l’OSCE d’intervenir auprès de M. Erdogan pour que faisant montre de tact et de diplomatie, à défaut de repentance, il cesse d’entretenir le souvenir de cet épisode barbare… qui ne laisse rien augurer de bon pour l’avenir de l’Europe.

En effet, M. Erdogan, niant toujours le génocide des chrétiens turcs du début du XXe siècle, ne craint pas d’affirmer sa volonté hégémonique : « Ceux qui pensent que nous avons oublié les terres d’où nous sommes sortis se trompent. (…) Ce que nous avons fait jusqu’à présent n’est rien au regard des attaques encore plus importantes que nous sommes en train de planifier » Et parmi ces attaques, figurent la reconquête des îles grecques de la mer Egée. Rappelons que la Turquie occupe militairement depuis 1974 la moitié de Chypre, Etat souverain de l’UE, et qu’elle a conquis une partie du territoire syrien. Le conflit est vital pour l’islam : « Entre nous et vous, c’est l’inimitié et la haine a jamais jusqu’à ce que vous croyez en Allah, seul ! (Coran 60.4)»

Etre antichrétien est un gage essentiel de légitimité islamique : « Qu’Allah tue les chrétiens, qui ne sont qu’impureté ! (Coran 9.28,30) ». Aussi un régime islamiste, et M. Erdogan s’emploie à transformer ainsi la Turquie, se légitime-t-il aux yeux de sa population en permettant la guerre contre les chrétiens. En Afghanistan, aux Moluques, au Nigeria, en Arabie saoudite, au Soudan, et ailleurs, se convertir au christianisme est légalement puni de la peine capitale. La pression sur les Eglises du Proche et Moyen-Orient est telle que les chrétiens qui représentaient le tiers de la population de la Syrie à la fin du XIXe siècle, sont aujourd’hui moins de 4,6%. En 1932, ils formaient au Liban plus de 55% de la population, leur proportion est aujourd’hui inférieure à 30 %. En 1948 ils étaient 23% de la population en Cisjordanie, mais en 2010, plus que 1,6%. A ces dates, ils sont 25% en Egypte et au Soudan et aujourd’hui 10 et 17 %. Au cours du siècle passe, la Turquie a réussi à faire chuter le nombre de chrétiens à 0,4% alors qu’ils étaient encore 30 % au début du XXe siècle sur son sol. En Iran, leur nombre a diminué de 66%. En Irak, en une génération les chrétiens ont diminué de 90%.

Si les chrétiens peuvent craindre la résurgence de l’Empire ottoman souhaitée par M. Erdogan, ils déplorent non moins le silence coupable de l’Europe que Salut et Miséricorde souhaite aider à rompre par la demande de la fin des commémorations de la prise de Constantinople. A défaut, l’Europe fêterait-elle les victoires de Lépante, Vienne et Belgrade ?

La vidéo originale sur le site de l’OSCE

Turkey’s President Recep Tayyip Erdogan and his wife Emine Erdogan wave as they arrive to attend ceremonies marking the 563rd anniversary of the conquest of the city by Ottoman Turks, in Istanbul, Turkey, Sunday, May 29, 2016. (AP Photo/Emrah Gurel)

The english translation

Article repris par le très vénérable site Correspondance européenne.