Standard and Poor’s vient de lancer un indice des valeurs chrétiennes. Alors que la finance chrétienne peine encore à se faire une place en France, quelques initiatives voient le jour, dont une charte éthique. Par Antoine Cuny de la Verryère, Président de l’Observatoire de Finance Chrétienne

Le lancement, le 19 août, par Standard and Poor’s de son produit “SP 500 Catholic Values Index”, a révélé que des acteurs financiers internationaux de premier plan intervenaient dans un secteur de niche jusqu’alors inconnu du grand public: la finance chrétienne ou finance catholique.
On savait déjà qu’il existait une finance islamique conforme aux principes de la Charia qui draine plus de 2000 milliards d’euros mais, assurément, en ce qui concerne la finance chrétienne, seule la banque du Vatican et ses multiples scandales avaient jusqu’alors capté l’attention médiatique.
Mais, au fait, qu’est-ce que la finance chrétienne? A-t-elle un rôle à jouer? Est-ce encore un miroir aux alouettes inventé par des banquiers peu scrupuleux pour tondre les fidèles de l’Eglise?
Nous allons tenter d’y répondre simplement.

Une finance en théorie plus humaine et plus juste

Le but de la finance chrétienne est de vouloir être plus morale que la finance représentée dans le loup de Wall street. C’est une finance qui applique des critères moraux afin de conjurer la spéculation à tout va, les rémunérations indécentes, ou les investissements où l’homme se trouve réduit à une variable comptable.
Le banquier, au lieu d’être un prédateur, est alors un contributeur élémentaire du bien commun et de l’intérêt général. Il place l’argent, non pas sur les grosses entreprises du CAC40, mais de préférence sur des PME ou des sociétés de petite taille afin de promouvoir un développement à échelle humaine. Il n’investit pas non plus sur des sociétés du type Ashley Madison qui font la promotion de l’infidélité, ou des sociétés qui polluent et détruisent l’environnement de manière irrémédiable.

Pas de hauts rendements exigés

Le banquier, qui appartient à une banque chrétienne, n’exige pas des rendements de 10% et ne se gargarise pas de la flambée des métaux ou de l’augmentation du prix de l’immobilier. Au contraire, le banquier de la finance chrétienne veut promouvoir le développement de tout homme et de tout l’homme, conformément au souhait de l’Eglise. Il veut que les biens de consommation élémentaires soient rendus accessibles au plus grand nombre. Il veut que le développement soit durable mais également vertueux et que les plus-values ne servent pas seulement à l’enrichir personnellement mais aussi à aider les autres, notamment, en favorisant le micro-crédit au profit des populations défavorisées, ou en faisant une donation à une association humanitaire pour lutter contre l’illettrisme ou pour aider les personnes souffrant d’un handicap.

Existe-t-il réellement une finance chrétienne?

Oui et non. Il existe bien des banques, des fonds, et des assurances qui permettent à l’investisseur de contribuer aux causes qui sont justes. En France, c’est la finance sociale et solidaire qui a le monopole. Cependant, les produits financiers qui utilisent un mécanisme de partage sont rarement proposés par les grandes banques ou les grandes fonds d’investissements. L’argent reste injecté, ailleurs, pour alimenter les mêmes excès.

En outre, les produits et acteurs de la finance solidaire se présentent rarement comme chrétiens, laïcité oblige. De sorte qu’en France, il n’existe, pour le moment, pas de banque ouvertement chrétienne, contrairement à l’Allemagne, l’Angleterre, ou les Etats-Unis. Quant à l’Eglise, elle-même, elle craint d’être associée à des activités financières qui sont, de fait, incontrôlables et qui pourraient s’avérer, in fine, comme totalement contraires à ses valeurs.

Il existe néanmoins, toujours en France, quelques pionniers: la plateforme Credofunding, le fonds Proclero, la société “Le Cèdre Finance Ethique”, Eligest, les assurances Saint-Yves ou Saint-Christophe. Une charte éthique et financière a même été publiée, le 15 août dernier, par l’association représentant le secteur: “l’Observatoire de la Finance Chrétienne”. Située à Paris, cette association s’est même offert le luxe, dernièrement, de noter Standard & Poor’s, la plus grande agence de notation au monde, et elle lui a attribué la note “B-” pour son produit “SP 500 Catholic Values Index”. Ce qui signifie “pas mal mais peut mieux faire”.
Et on peut espérer qu’il y aura d’autres notes, d’autres critères, d’autres banquiers vertueux capables de se réunir. Car la finance chrétienne est rentable! Alors, oui, la finance chrétienne existera indiscutablement dans notre pays et le monde s’en trouvera certainement mieux.