Pour un membre du Christ, la mort n’est pas l’épilogue malheureux de l’existence ou un accident irréparable. Elle a une tout autre signification. La mort est pour lui sa principale participation à la Passion du Christ. Chaque chrétien est en effet appelé à « actualiser dans sa chair la Passion du Christ » pour le salut du monde (Col. 1.24).

En mourant, Notre Seigneur a offert son Corps mystique dans ses moindres détails jusquà la fin du monde, c’est à dire la vie et la mort de tous les membres de l’Eglise. Notre mort, dans l’acte rédempteur du Christ, nous donne une part dans le rachat du monde… La mort d’un chrétien lui permet d’achever d’offrir sa vie en communion avec le Sacrifice de Jésus et dans Ses intentions : la glorification de Dieu par amour parfait puisqu’il va jusqu’au don total de soi, et l’expiation des péchés afin de pouvoir en implorer dignement le pardon. Aucune langue ne peut dire la beauté d’une mort dans le Christ puisqu’elle s’identifie à celle du Maître dont la valeur est infinie

La mort du Christ ne s’est pas accomplie au hasard, mais selon un rite minutieusement déterminé par son Père, de toute éternité. Les Prophètes en avaient annoncé chaque détail… Dans le dessein divin, la mort du Christ et les nôtres ne faisaient qu’un tout et constituaient l’Hommage complet de l’Humanité régénérée. Chacune de nos morts, comme celle du Christ, était présentée avec son rite. La grande disposition pour mourir dans le Christ, c’est donc l’acceptation totale et sans arrière pensée des détails de notre fin. Quand on sait comment et par qui ils ont été décidés, peut-on avoir de la peine à les accepter ? Notre mort ainsi envisagée dans sa sublime réalité prend un aspect de grandeur et de dignité qui la rend enviable. Collaborer à l’œuvre rédemptrice du Christ, en jouant, dans cette grande harmonie universelle de Sa mort, la note qu’Il veut, n’est-ce pas un honneur immense, dont nous devons être fiers ?

Une acceptation n’est sincère que si elle est totale. Si en souscrivant au genre de mort que Dieu a voulu pour lui le chrétien reste attaché aux choses qu’il quitte, son acceptation du rite de sa mort n’est que verbale, mais non pas réelle. Il veut bien mourir… mais sans quitter… Illogisme suprême, qui annule la beauté du geste ! Comment se fait-il que le mourant a tant de peine à sourire au Christ qui lui tend les bras ? Pourtant, l’allégresse est à ce moment la plus grande marque d’amour.

Il faut constater que les morts joyeuses sont rares. La crainte, et le plus souvent une espèce d’indifférence à l’égard du Christ, empêche l’allégresse. On veut bien aimer le Christ, mais pour les biens qu’Il nous donne, non pour Lui-même. On Le sait capable de nous béatifier, mais on Lui demande que ce soit le plus tard possible. Aucun empressement à courir vers Lui. On répond à ses bras tendus par des bras croisés, quand ce n’est pas encore en Lui tournant le dos ! Cette attitude n’est pas flatteuse pour le Maître. Et s’Il peut la pardonner parce qu’Il sait l’emprise qu’exerce sur nous le temporel, le visible, le charnel, dont nous hésitons à nous dépouiller par goût de la jouissance sensible et par peur de l’inconnu, il n’en reste pas moins qu’entre le Christ et l’âme du mourant une gêne retardera l’union, et que cette gêne devra ensuite être consumée au Purgatoire, si toutefois elle n’est pas due à quelque péché mortel.

Pour entrer dans le bonheur sans fin pour lequel Le Seigneur nous a créés et rachetés, il faut nous préparer à cette rencontre de longue date. Un travail quotidien, dans une vie d’oraison sans cesse jaillissante, est seule capable de nous donner l’attitude à prendre au moment du don final. Chaque messe nous est donnée aussi pour préparer notre mort, puisqu’elle anticipe celle-ci dans l’offrande du Sacrifice du Christ dont nous sommes les membres. On vient à la Messe pour mourir d’amour « Par Lui, avec Lui et en Lui, à Toi, Dieu le Père tout-puissant, tout honneur et toute gloire ! » Offrons-nous nous-mêmes réellement à chaque messe et nous en retirerons toutes les grâces que nous pouvons désirer. A chaque Messe disons intérieurement à Dieu : « Père, avec Jésus, je Vous offre Sa mort, c’est-à-dire l’offrande de Sa vie, et dans Sa mort, la mienne, en acte de charité parfaite, en suprême témoignage d’amour, pour l’expiation de mes péchés, et de ceux de mes frères. Je Vous demande, en vertu de l’Amour de votre Fils qui me lave dans Son sang de toutes mes fautes, de nous rendre dignes de Vous, afin que vivant ici-bas dans Votre grâce, nous demeurions pour l’éternité dans votre Gloire. »