(Liturgie de la Parole : Si 35 12…18 ; Ps 33 ; 2 Tm 4 6…18 ; Lc 18 9-14)

Dimanche dernier, par les textes de la liturgie, Notre Seigneur nous invitait à user de trois armes pour gagner le combat de la Foi : la connaissance des divines Écritures ― sans laquelle il est impossible de connaître le Christ ; annoncer la foi ― qui est la seule façon de la conserver ; et « prier sans se décourager (Lc 18 1) ». Aujourd’hui, Notre Seigneur continue Son enseignement en nous présentant l’humilité comme le fondement de toute vie authentiquement spirituelle, et donc chrétienne. « La prière du pauvre traverse les nuées (Si 35 17) », nous dit la première lecture, et le psalmiste confesse que c’est de l’homme au « cœur qui souffre (Ps 33 19) » que le Seigneur est proche, tandis que l’Évangile nous montre justifié l’humble publicain (Cf. Lc 18 9-14).

L’humilité nous fait connaitre qui est Dieu et qui nous sommes. Elle a ainsi deux causes : notre misère et la grandeur de Dieu. La première est imparfaite et cessera à la fin de cette vie, l’autre est parfaite et ne cessera jamais. Tant que dure cette vie, l’homme le plus saint ne peut mépriser l’humilité imparfaite. Dieu est l’Être infini, éternel et subsistant par Lui-même, notre Créateur, notre Sauveur et notre Sanctificateur. Nous Lui devons tout. Par nous-mêmes, nous ne sommes rien, et moins que rien puisque nos péchés nous ont rendus plus vils que des êtres sans raison. Entre Dieu et nous, il y a l’abîme qui sépare l’infini du fini. L’univers n’est-il pas assez grand pour nous rappeler notre petitesse ? Un jour, Notre Seigneur dit à sainte Catherine de Sienne : « Sais-tu Qui Je suis et qui tu es ? Tu es celle qui n’est pas et Je suis Celui qui est. ». Cette double connaissance du tout de Dieu et du rien de l’homme plonge l’âme dans l’humilité. Lorsque nous considérons que Dieu est, et qu’Il mérite d’être aimé au-delà de tout, nous ne pouvons pas ne pas avoir honte de nous être préférés à Lui, d’avoir préféré notre volonté à la Sienne, de laquelle nous dépendons à chaque instant. Celui qui accepte de dépendre totalement de Dieu, voit Dieu Se pencher vers lui et aussitôt l’élever dans Sa communion d’amour. Le Saint Curé d’Ars enseignait : « Celui qui s’accuse, Dieu l’excuse. Celui qui s’excuse, Dieu l’accuse. »…

Vous avez peut-être vu affichée ces jours-ci dans le métro cette sentence d’Oscar Wilde disant que l’amour de soi est la merveilleuse aventure de toute une vie. L’amour de soi ! Pauvre France qui n’a pas d’autre sagesse à offrir que l’apologie de l’égoïsme par un inverti ! Jésus disait : « Qui aime sa vie la perd. Mais qui [, à cause de Moi,] haïra sa vie en ce monde, la trouvera (Mt 16 25 ; Lc 9 24). » Ne regardant que Dieu, il se trouvera en Dieu, parce que tout est en Dieu. Il se trouvera alors non pas tel qu’il s’imagine, mais tel que Dieu le voit, c’est-à-dire en vérité… aimé de Dieu ! Voilà pourquoi le psalmiste chante : « Je veux me glorifier du Seigneur (Ps 33 3) ». « Du Seigneur » ! Pas de moi ! Ni de ce que je fais, mais « du Seigneur » !

La prière du pharisien est blâmée par Jésus (Cf. Lc 18 9-14) parce que la prière nous fait penser à Dieu publican-and-pharisee1et donc implique l’oubli de soi, or le pharisien ne regardait que lui-même. Il s’admirait ! C’est ainsi que le démon réussit à détourner les âmes de l’amour de Dieu : il les séduit par l’amour d’elles-mêmes. Il leur fait même perdre le mérite de leurs bonnes œuvres, en les faisant se regarder comme l’origine de celles-ci…

Mais peut-être trouvera-t-on que saint Paul est lui-même orgueilleux en se vantant de s’être « bien battu [et d’être] resté fidèle (2 Tm 4 7) ». Ce n’est pas le cas puisque saint Paul ne s’imagine pas tirer de lui-même sa capacité à faire le bien, il dit : « Le Seigneur […] m’a assisté. Il m’a rempli de force. [Il] me fera encore échapper […]. Il me sauvera (2 Tm 4 17-18). » Il met sa confiance en Dieu, à la différence du pharisien qui dit : « Je ne suis pas comme le reste des hommes (Lc 18 11) », et se croit donc d’une espèce différente que celle de l’humanité pécheresse. Son orgueil l’aveugle au point de lui faire oublier ses propres insuffisances, ou les lui faire considérer pour des bagatelles… Mais peut-on être à la fois juge et partie ?

L’attitude de saint Paul se distingue encore de celle du pharisien en raison de son amour. Loin de mépriser les autres qui l’ont pourtant abandonné, saint Paul demande : « Que Dieu ne leur en tienne pas rigueur. (2 Tm 4 16) » ! Sa charité l’assimile au Christ, priant pour le pardon de Ses ennemis (Cf. Lc 23 34). Et comme le Christ, saint Paul s’offre « en sacrifice  (2 Tm 4 6) » pour eux, mettant ainsi le sceau de la perfection à son amour de Dieu jusqu’à la haine de soi.

Ainsi donc, la prière authentique, contrairement à ce qu’enseignent les religions orientales et le New-Age, n’est pas le produit de méthodes ou de techniques. Elle ne doit pas être confondue avec1378866652_1398_1000x667x0 l’expérience psychologique. L’union de l’âme à Dieu – encore appelée grâce – s’accomplit toujours dans l’obscurité de la Foi, vivifiée par les sacrements, et elle peut très bien se réaliser dans l’affliction et la désolation, unissant l’âme à l’état d’abandon de Jésus sur la croix. Il faut fuir toute prière qui se présenterait comme la recherche d’une « connaissance supérieure » ou d’une « expérience ». Ce serait réduire Dieu à peu de chose si elle n’était que cela. La prière authentique suppose, à l’exemple de saint Paul, la pratique effective de la charité fraternelle (« Me voici déjà offert en sacrifice (Ibid.) »), l’accomplissement de tous nos devoirs (« Je suis resté fidèle (2 Tm 4 7)»), et l’acceptation de tout ce qui nous arrive indépendamment de nous (« Tous m’ont abandonné. Que Dieu ne leur en tienne pas rigueur (2 Tm 4 16) »). Elle est enfin une prière de pécheurs, de publicains, qui savent devoir tout attendre de la seule Miséricorde divine, et qui à cause de cela savent être persévérants. Ben Sirac souligne l’importance de la persévérance dans la prière : l’humble « ne s’arrête pas, dit-il, avant que le Très-Haut ait jeté les yeux sur lui (Si 35 18) ». « Ne s’arrête pas » ! « Tant que [sa prière] n’a pas atteint son but, il demeure inconsolable (Si 35 17). » « Inconsolable » ! Le psalmiste témoigne lui aussi de la constance avec laquelle il entend servir Dieu : « Je bénirai le Seigneur en tous temps, Sa louange sans cesse à mes lèvres (Ps 33 2). » Et saint Paul, qui évoque le cours de sa vie, peut dire : « Je suis resté fidèle (2 Tm 4 7) » ! Et encore : « Le Seigneur […] m’a rempli de force pour que je puisse jusqu’au bout annoncer l’Évangile (2 Tm 4 17). » Sans la persévérance, rien, dans l’ordre naturel non plus que dans l’ordre surnaturel, ne peut se faire. « C’est par votre constance que vous sauverez vos vies (Lc 21 19) », dit Jésus, et encore : « Celui qui aura tenu bon jusqu’au bout, celui-là sera sauvé (Mt 10 22) ».

Le malheur, en notre temps, c’est que nous ne savons plus confesser nos péchés. Nous avons perdu le sens du péché. Nous préférons vivre dans les illusions flatteuses de Satan qui nous cache la vérité de ce que nous sommes. Nous sommes convaincus d’être des justes à qui Dieu devrait le salut… Combien qui ne se sont pas confessé depuis des années, et qui n’ont toujours rien à confesser !

Seigneur, prends pitié ! Seigneur, prends pitié !

Litanie de l’Humilité

Souviens-toi mon âme qu’il y a trois degrés d’humilité :
L’humble qui commence ne méprise personne.
L’humble qui progresse se méprise lui-même.
L’humble parfait aime les mépris.
———-
 V/ O Jésus, doux et humble de cœur,
R/ Rendez mon cœur semblable au vôtre.

De ma volonté propre, délivrez-moi, Seigneur.
Du désir d’être estimé, délivrez-moi, Seigneur.
Du désir d’être affectionné, délivrez-moi, Seigneur.
Du désir d’être recherché, délivrez-moi, Seigneur.
Du désir d’être honoré, délivrez-moi, Seigneur.
Du désir d’être loué, délivrez-moi, Seigneur.
Du désir d’être préféré, délivrez-moi, Seigneur.
Du désir d’être consulté, délivrez-moi, Seigneur.
Du désir d’être approuvé, délivrez-moi, Seigneur.
Du désir d’être compris, délivrez-moi, Seigneur.
Du désir d’être visité, délivrez-moi, Seigneur.
De la crainte d’être humilié, délivrez-moi, Seigneur.
De la crainte d’être méprisé, délivrez-moi, Seigneur.
De la crainte d’être rebuté, délivrez-moi, Seigneur.
De la crainte d’être calomnié, délivrez-moi, Seigneur.
De la crainte d’être oublié, délivrez-moi, Seigneur.
De la crainte d’être raillé, délivrez-moi, Seigneur.
De la crainte d’être soupçonné, délivrez-moi, Seigneur.
De la crainte d’être injurié, délivrez-moi, Seigneur.
De la crainte d’être abandonné, délivrez-moi, Seigneur.
De la crainte d’être refusé, délivrez-moi, Seigneur.

Que d’autres soient plus aimés que moi, Accordez-moi, Seigneur, de le désirer.
Que d’autres soient plus estimés que moi, Accordez-moi, Seigneur, de le désirer.
Que d’autres grandissent dans l’opinion et que je diminue, Accordez-moi, Seigneur, de le désirer.
Que d’autres soient loués et que je sois oublié, Accordez-moi, Seigneur, de le désirer.
Que d’autres soient employés et que je sois mis de côté, Accordez-moi, Seigneur, de le désirer.
Que d’autres soient préférés en tout, Accordez-moi, Seigneur, de le désirer.
Que d’autres soient plus saints que moi, Pourvu que je le sois autant que je puis l’être,
Accordez-moi, Seigneur, de le désirer.

D’être inconnu et pauvre, Seigneur, je veux me réjouir.
D’être dépourvu des perfections naturelles du corps et de l’esprit, Seigneur, je veux me réjouir.
Qu’on ne pense pas à moi, Seigneur, je veux me réjouir.
Qu’on m’occupe aux emplois les plus bas, Seigneur, je veux me réjouir.
Qu’on ne daigne même pas se servir de moi, Seigneur, je veux me réjouir.
Qu’on ne me demande jamais mon avis, Seigneur, je veux me réjouir.
Qu’on me laisse à la dernière place, Seigneur, je veux me réjouir.
Qu’on ne me fasse jamais de compliment, Seigneur, je veux me réjouir.
Qu’on me blâme à temps et à contretemps, Seigneur, je veux me réjouir.

V. Heureux les persécutés pour la justice,
R. Car le Royaume des Cieux est à eux.

Ô Marie, mère des humbles, priez pour moi.
Saint Joseph, protecteur des humbles, priez pour moi.
Saint Michel qui le premier a terrassé l’orgueil priez pour moi.
Tous les justes sanctifiés surtout par l’esprit d’humilité, priez pour moi.
Prions

Mon Dieu, je ne suis que cendre et poussière. Réprimez les mouvements d’orgueil qui s’élèvent dans mon âme. Apprenez-moi à me mépriser moi-même, vous qui résistez aux superbes et qui donnez votre grâce aux humbles. Par Jésus, doux et humble de Cœur. Ainsi soit-il. 

Oraison

Ô Jésus dont la première leçon a été celle-ci :
Apprenez de Moi que Je suis doux et humble de cœur,
Enseignez-moi à devenir humble de cœur comme Vous.
Ainsi soit-il.