Le signe de la Croix nous enseigne tout ce qu’il nous est nécessaire de savoir : 

1) Que les hommes sont mauvais, puisqu’ils ont tué l’Innocent et le Juste par excellence ;

2) Et que Dieu est bon, puisque du haut de la Croix, Jésus dit : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. (Lc 23.34) ».

Savoir ces deux choses : que nous sommes mauvais (Mt 7.11) et que Dieu est bon, jusqu’à nous pardonner même le meurtre de son Fils, est le seul pivot possible pour une vie morale digne de l’homme et de Dieu.

Le signe de la Croix est un résumé saisissant de notre foi.
La Croix est le signe de l’intersection… Intersection entre le Ciel et la terre, Dieu et les hommes, entre la gauche et la droite, les amis et les ennemis, tout cela réuni au centre, au cœur, celui de Jésus, déjà mort et cependant transpercé par le soldat qui voulut s’assurer ainsi que Jésus serait bien mort (Jn 19.34), et d’où ont jailli de l’eau et du sang, l’eau qui nous lave de nos péchés dans le baptême et le sang qui nous donne la vie dans l’eucharistie. Comme si par cet événement, Jésus avait voulu nous dire : « Ma vie n’a pas suffi à vous dire mon Amour. Même après la mort, Mon cœur continue à déverser sur vous Son amour.» Et cette eau et ce sang jaillis du Cœur de Jésus transpercé annoncent la Résurrection (Jn 11.25), puisque de l’au-delà de la mort le Cœur de Jésus continue à déverser sur nous Son amour, à nous donner Son pardon et Sa vie…

Lorsque nous faisons le signe de la Croix, nous commençons par dire « Au Nom » (au singulier) pour dire l’indivisible unité de l’essence divine (Mt 28.19). En portant la main au front nous disons que tout part de Dieu, qui est au plus haut des Cieux, qui est Esprit, Intelligence, aussi vrai que la Foi est une acte de l’intelligence qui accepte le témoignage de Dieu (1 Jn 5.9-11). Nous disons « du Père » pour affirmer qu’il y a un Être qui est Père, non seulement parce qu’Il est le Créateur de toutes créatures, visibles et invisibles, mais parce qu’Il est père en Lui-même et de Lui-même, LE Père, en un sens absolu (Mt 23.9), comme nous ne pouvons pas l’imaginer.
Ensuite, en portant la main à notre nombril nous disons : « et du Fils », pour dire que Dieu a envoyé son Fils, Sa parole, S’incarner dans le sein de la Vierge Marie afin de racheter l’humanité tombée depuis la chute du péché originel.
Et nous terminons en disant : « et du Saint-Esprit » en touchant successivement nos épaules, pour dire que l’Esprit-Saint unit le Père et le Fils dans l’unité de la même nature divine, et cela au niveau du Cœur, à l’intersection, pour dire que l’Esprit-Saint est l’Amour du Père ET du Fils. Il est la personne Amour, l’Amour de Dieu, à nous envoyée pour nous unir à Dieu dans le Christ et entre nous (Jn 13.34 ; 14.15-17).

Par ce simple signe nous confessons ainsi les principaux dogmes de la Foi chrétienne qui nous sauve (Jn 11.25-26) : la Sainte Trinité, la divinité de Jésus-Christ, et la Rédemption du monde.

Le signe de la croix était déjà préfiguré dans l’Ancien Testament. Bien des siècles avant Jésus, on avait l’habitude en terre d’Israël de tracer sur le front un signe de bénédiction divine en forme de + , ancienne graphie du tav, la dernière lettre de l’alphabet hébraïque désignant le T de Torah.

La Torah est bienfaisante dans la vie des hommes. Or, que dit la prophétie messianique d’Ezekiel : « Passe par le milieu de la ville et marque d’un tav le front des hommes ! (Ez 9.4-6) » ?

Ainsi, le lettre hébraïque tav, en forme de Croix était marquée sur le front des hommes… N’oublions pas l’affirmation initiale de Jésus lui-même : « Je ne suis pas venu abolir la Torah, mais l’accomplir (Mt 5.17)». Et c’est ainsi que les premiers chrétiens continuèrent à se signer du signe la Croix comme nous allons le voir. 

signe-de-croix03Ceux qui nous blâment d’invoquer les anges et les saints, d’honorer leurs reliques et leurs images, se croient aussi fondés à nous reprocher notre culte à la Croix, signe sacré de notre rédemption… au nom de leur fausse compréhension du christianisme. Lorsqu’éclata la Réforme, la Croix a été violemment arrachée des églises, brisée, foulée aux pieds et brûlée. On a voulu défendre à des chrétiens de s’humilier devant ce sublime étendard, en présence duquel l’idolâtrie est tombée ; on leur a interdit de le tracer sur eux-mêmes dans les moments de tentation, et dans les instants solennels ou critiques de la vie. Ils ont ignoré que « Dieu veut que tout genou fléchisse au nom de Jésus-Christ, parce qu’il s’est rendu obéissant jusqu’à la mort, sur la Croix (Ph 2.8). »

Je ne saurais comprendre, en vérité, la différence qu’il peut y avoir entre fléchir le genou au nom sacré du Rédempteur, et le fléchir à la vue de l’instrument sur lequel Il a opéré notre rédemption ; les deux démonstrations de respect, se rapportent l’une comme l’autre à la personne de Jésus-Christ. Quant au signe de la croix, c’est une profession de christianisme, dont nous trouvons l’usage établi parmi les fidèles de la primitive Église:

L’auteur du Pasteur d’Hermas (vers 140), disciple de l’Apôtre saint Jean, parle de « porter le Nom de Dieu », il signifie « être marqué au front du tav », donc du signe de la croix ou, autrement dit, être baptisé (Pierre Erny, Le signe de la Croix : Histoire, ethnologie et symbolique d’un geste « total », éd. L’Harmattan, 2007, p. 54-56). Cela laisse supposer que le tav était lié au nom même de Jésus-Christ, incarnation de la Parole de Dieu (Ibidem).

Saint Justin Martyr (vers 100-165): « À l’heure de la prière, nous tournons la face vers l’orient, et aussitôt de notre main droite nous nous marquons au nom de Jésus-Christ du signe qui nous est si nécessaire. (Quaest. 118) »

A l’époque des persécutions romaines de juifs et de chrétiens qui étaient mis à mort pour leur refus de diviniser le pouvoir impérial, l’Inscription d’Abrcius, datée des premières années de la décennie 190 évoque cette résistance de tout « un peuple qui a le sceau brillant au front »

Dans Minutius Félix, qui paraît avoir écrit vers la fin du IIe siècle, le païen Cécilius dit en parlant des chrétiens: « Leur culte consiste dans l’adoration d’un homme puni du dernier supplice…. et du funeste bois de sa Croix. » (Octavius)

Saint Hyppolite de Rome (vers 165-235) : « Efforce-toi en tous temps de te signer dignement le front, car c’est le signe connu et éprouvé de la passion contre le diable, si tu le fais avec foi et non pour te faire voir des hommes, mais en l’opposant avec science comme un bouclier. L’adversaire, en effet, voyant la force qui vient du coeur, dès que l’homme montre représentée extérieurement la ressemblance spirituelle, s’enfuit, non parce que toi tu l’effraies, mais l’Esprit qui souffle en toi. C’est en représentant cela dans l’agneau qui était immolé que Moïse aspergea le seuil de sang et enduisit les montants de la porte. Il désignait la foi, qui est maintenant en nous, dans l’Agneau parfait. En nous signant le front et les yeux avec la main, écartons celui qui essaie de nous exterminer. » (Tradition Apostolique XXXVI)

Tertullien (vers 155-vers 230) parle déjà de l’habitude de se signer comme d’une pieuse coutume consacrée par la tradition, ce qui la fait remonter aux temps des apôtres : « Nous formons la croix  sur notre front, dit-il, à toutes nos actions lorsque nous entrons dans nos maisons ou que nous en sortons, lorsque nous  prenons nos habits ou nos souliers, que nous allons au bain, à table ou au lit, lorsque nous nous asseyons, ou que nous allumons nos lumières. Ces sortes de pratiques ne sont point commandées par une loi formelle de l’Écriture ; mais la tradition les enseigne, la coutume les confirme, et la foi les observe. » (De corona.) Ilécrivait encore à sa femme pour la détourner d’épouser un païen en secondes noces : « Lui cacherez-vous votre foi lorsque vous ferez le signe sur votre bouche et sur votre corps ? » (Livre IIème à sa femme). Il dit aussi: « À chaque pas, à chaque mouvement, en rentrant et en sortant, en revêtant nos vêtements ou en mettant nos chaussures, au bain, à table, quand on allume les lampes, en nous couchant, en nous asseyant, à toute occupation, nous marquons nos fronts du signe de la croix. » (De corona mil., c. III.)

Origène (vers 185-vers 254) : « La puissance de la croix est telle, qu’en la plaçant devant les yeux, et en y fixant l’attention, de manière à considérer avec les yeux de l’esprit la mort de notre Sauveur, il n’y a ni concupiscence, ni luxure, ni envie qui puisse l’emporter ; et à la vue de ce signe, toute la troupe charnelle du péché prend la fuite. (Homélie VI sur l’Épitre aux Romains) ». Il dit encore que les chrétiens se signent sur le front avant de débuter toute tâche, particulièrement avant la lecture des Écritures ou la prière (Andrew Cain, Jerome’s Epitaph on Paula : A Commentary on the Epitaphium Sanctae Paulae with an Introduction, Text, and Translation, éd; Oxford University Press, 2013, p.395)

L’empereur Julien l’Apostat (331 ou 332-363) s’adressant aux chrétiens: « Vous adorez le bois de la Croix, vous formez ce signe sur votre front, vous le gravez sur la porte de vos maisons. » Ainsi, l’empereur apostât témoigne du culte que les chrétiens rendent un culte à la Croix et en font le signe. 

Saint Cyrille (vers 315-387): « La Croix nous fait souvenir que Jésus-Christ, en mourant sur elle, a racheté, converti et sanctifié le monde; nous honorons la Croix car elle nous avertit que nous devons vivre pour celui qui est mort pour nous. (Contre Julien I. IV. p. 194) »

Saint Athanase (vers 395-373): « Si les gentils nous disent de porter notre adoration au bois, nous pouvons séparer devant eux les deux pièces qui forment la croix, et après en avoir détruit l’image Jeter les deux pièces à terre, les fouler aux pieds, preuve que notre vénération ne s’adresse pas au bois, mais à la figure qui nous rappelle le Crucifié. » (quœst. ad Antioch)

Cette doctrine est encore celle que nous professons ; et en dépit de nos dénégations, nos adversaires persistent de leur côté à soutenir que nous adorons le bois de la Croix, que nous faisons un acte d’idolâtrie en nous marquant de son signe. On pourrait s’écrier à ce propos avec Bossuet : « En vérité, cela fait pitié, et quand on songe que ces chicanes ont été poussées jusqu’à rompre l’unité, cela fait horreur ! »

Saint Ephrem le Syrien (vers 306-373) : « Munissez-vous du signe de la Croix comme d’un bouclier, non seulement à la main, mais encore à l’esprit. » (Sur l’armure spirituelle)

Saint Ambroise de Milan (vers 340-397) dit dans son quarante-cinquième sermon: « Le signe du Christ est sur notre front et dans notre cœur, sur notre front afin de le confesser toujours, dans notre cœur afin de l’aimer. »

Saint Jean Chrysostome (vers 344-407) disait dans sa démonstration contre les gentils: « Cet objet de malédiction et d’abomination, la Croix, symbole du dernier supplice, est devenu plus illustre que les diadèmes et les couronnes. » Plus bas, il ajoute « Vous le trouvez chez les princes et le sujets, chez les femmes et les hommes, chez les vierges et les épouses, chez les esclaves et les libres. Tous retracent ce signe sur la partie le plus auguste de la face humaine, car il est inscrit journellement sur notre front, comme sur une colonne… Partout la Croix éclate et partout elle est honorée, dans les maisons, sur les places publiques, dans les déserts, sur les chemins et les montagnes, sur les collines et dans les vallons, sur la mer et les vaisseaux, sur nos vêtements, nos lits, nos armes, nos vases d’or et d’argent, sur les murailles de nos maisons. »

Saint Jérôme (347-420): « Tenez la porte de votre cœur fermé, et munissez souvent votre front du signe de la Croix, afin que l’exterminateur de l’Egypte n’ait point prise sur vous. » (Lettre à Demetrius)

Saint Augustin (354-430): « Le signe de la Croix est un rempart pour les amis, et un obstacle pour les ennemis… Et afin de tout dire en un mot, il n’est point de sacrement de l’Église qui ne soit conféré par la vertu mystérieuse de ce signe. (Sermon sur les saints)»

Saint Cyrille de Jérusalem (vers 315-387) répète à peu près les paroles de Tertullien citées plus haut : « Point de honte de la croix ; si quelqu’un la cache, tracez-la manifestement sur votre front… Faites sur votre front le signe de la croix avec confiance, en mangeant, en buvant, en entrant, en sortant, avant de dormir et à votre lever…. Le Christ a triomphé des démons par la croix : montrez-en le signe avec hardiesse ; en le voyant, ils se souviendront du Crucifié ; ils le craignent, lui qui a brisé sous ses pieds la tête du dragon. (Leçons aux catéchumènes) »

Qu’importent au reste ces accusations insensées, ces reproches qui ne tendent à rien moins qu’a prononcer anathème contre une pratique aussi ancienne que l’Église, qu’à proscrire le signe de la rédemption du genre humain, le signe distinctif du christianisme, le signe par lequel le monde a été sauvé, et par lequel il sera jugé. Continuons à imiter les chrétiens des premiers siècles, et disons toujours avec l’Apôtre (Ga 6.14. ) : « A Dieu ne plaise que je mette ma gloire en autre chose que dans la croix de notre Seigneur Jésus-Christ ! »

Les extraits de textes précédents sont principalement tirés de l’ouvrage intitulé La Foi de nos pères, ou perpétuité du catholicisme (pour le lire, cliquer ici) .