Pour l’islamologue Ziauddin Sardar, la maladie de l’islam a un nom : Arabie Saoudite. Dans un éblouissant ouvrage sur La Mecque, il raconte comment les Saoudiens ont détruit la ville sainte pour la transformer en un temple de la consommation pour une clientèle riche jusqu’à l’obscénité.

– Ecrire sur La Mecque, est-ce facile ?

Non ! C’était un processus très complexe. Il me fallait fournir un récit juste, distancié et le plus objectif possible, d’autant plus parce que je suis musulman. Il fallait être aussi sceptique, critique. Il me fallait surtout dissocier l’image de La Mecque, cité des hommes, ville banale, et celle de La Mecque du hadj, le pèlerinage, l’un des rituels les plus sacrés de l’islam. Résultat : j’ai passé des années sur ce livre. C’est l’œuvre d’une vie.
 
– Sur quelles sources vous êtes-vous appuyé ?
Elles ont constitué mon plus gros problème, car il n’existe quasiment pas d’archives, très peu de documents. La seule littérature se concentre en quelques livres sur le rituel du hadj, des récits poétiques et des bouquins sur la nature environnante. Les ouvrages sur son histoire et son développement sont extrêmement rares.
 
– Comment avez-vous fait ?
J’ai fait une enquête de terrain, mené des recherches pendant plusieurs années. J’ai récolté des données, tenu un carnet de notes lors de mes voyages. J’ai été à la fois observateur et participant.
 
– Vous rappelez que La Mecque n’a pas toujours été cette ville si importante pour les musulmans…
La plupart des musulmans croient qu’elle a été depuis toujours un lieu déterminant dans l’histoire de l’islam. En fait, elle n’a jamais été un élément central de l’histoire de la civilisation musulmane ni le centre du pouvoir d’aucune société musulmane, pas même celui du Prophète Mohamed. Le Califat omeyyade (661-750) a établi sa capitale à Damas, le Califat abbasside (749-1258), lui, a choisi Bagdad, avant que le centre de gravité ne se déplace vers Istanbul à l’ère de l’Empire ottoman (1299-1922). D’autres villes majeures de la civilisation musulmane comme Samarcande, Le Caire, Fès, Cordoue ou Tombouctou ont, elles, connu grandeur et décadence.
 
– Comment La Mecque a-t-elle pris cette place à part ?
Elle est idéalisée, presque idolâtrée en raison de la présence de la Kaaba, cette construction cubique que les musulmans considèrent littéralement comme la maison de Dieu. Sa force est symbolique. En plus, les musulmans romancent son histoire.
 
– Dans quel sens ?
La Mecque est une ville où le rituel est roi, mais où l’éthique est absente. Rien n’y est plus commun que le racisme, la bigoterie et la maltraitance. J’ai pu constater à maintes reprises que les services de renseignement et la Garde saoudienne se montraient volontiers agressifs et hostiles envers les musulmans. Si un visiteur ou un travailleur étranger est arrêté pour une raison ou une autre, il sera torturé, et ce, qu’il soit coupable ou innocent. L’un des spectacles les plus prisés de la ville ce sont les exécutions du vendredi, (au moins 153 en 2015, selon Amnesty International, ndlr) encore entourées d’un voile de mystère, où sont majoritairement décapités des travailleurs pauvres et marginalisés d’Asie ou d’Afrique
 
– Vous rappelez que beaucoup de sang a coulé dans ces lieux…
Son histoire est marquée par la violence et l’injustice, par les guerres des tribus et des clans. Plus la ville spirituelle s’est hissée au-dessus des contingences terrestres, plus elle s’est retrouvée déconnectée des difficultés et des réalités de l’existence humaine. Il y a autant de voleurs, de menteurs et d’escrocs à La Mecque qu’ailleurs dans le monde.
 
– Les Saoudiens, écrivez-vous, ont effacé l’histoire de La Mecque, rasé la cité…
Imaginez que le pape remplace la fresque de la chapelle Sixtine par une pub géante Gucci. Eh bien, si vous allez à La Mecque aujourd’hui, à part la Kaaba, vous verrez une copie de la ville américaine de Houston. D’ailleurs, les habitants appellent leur ville « Saoudi-Las Vegas ». N’y cherchez pas les traces de la naissance de l’islam, de son développement, les plus anciennes mosquées, les vieilles habitations… Elles n’existent tout simplement plus. Tout a été offert aux bulldozers, tout a été détruit. Même le Haram, la mosquée sacrée, a été défigurée par des travaux d’élargissement qui ont englouti l’histoire. Le passé des Omeyyades, des Abbassides, des Ottomans a été rasé pour laisser la place à des tonnes de béton armé.
 
– Rien n’a été déplacé pour être préservé ?
Non. Absolument rien. La maison de Khadîdja, la femme du Prophète, a été rasée. Les demeures de la famille du Prophète et de ses premiers fidèles ont également été rasées. Même les collines ont été creusées pour ériger des tours en béton. Le plus fou, c’est que le Coran décrit la ville de La Mecque comme la cité des vallons. Mais aujourd’hui, cette description ne correspond pas à la réalité. Il n’y a plus aucune colline, les bulldozers ont tout aplati.
 
– Selon les Saoudiens, c’est pour éviter de tomber dans l’adoration du Prophète et de ses proches qu’ils interdisent toute image ou objet du passé…
C’est un argument stupide. Les musulmans savent très bien faire la différence entre le respect du patrimoine et de la culture, d’une part, et l’adoration de Dieu de l’autre. Ils prient pour leur dieu, pas pour autre chose. Les Saoudiens se moquent des musulmans. Pourquoi effacer les traces du Prophète alors que les portraits à l’effigie du roi et des princes sont partout ? Ça, c’est un culte de la personnalité digne d’inquiétude. Les princes construisent des palaces extravagants, d’un kitsch ahurissant, alors que la maison d’Aïcha, l’épouse favorite de Mohamed, a longtemps servi de toilettes publiques !
 
– Vous décrivez La Mecque comme un supermarché géant. Est-ce que vous n’exagérez pas ?
Pas du tout ! La nouvelle religion des Saoudiens, c’est le shopping, et leurs nouvelles idoles, les marques de luxe. De Louis Vuitton à Rolex, tout est à vendre et à n’importe quelle heure. La ville s’est embourgeoisée, c’est une ville de riches, parfois plus chère que Londres ou New York. Le pèlerinage est une poule aux œufs d’or. Savez-vous qu’il coûte entre 5500 et 9000 euros par personne ? Avec la chute des prix du pétrole, les autorités comptent beaucoup sur son développement, comme une machine à fric qui pourra sauver le royaume de la banqueroute.
 
– Il y a aussi cette impressionnante tour, la Makkah Clock Royal Tower…
Une horreur ! Cette tour (de 601 mètres de haut, elle est la quatrième plus haute au monde. Elle fait partie d’un titanesque projet de construction de gratte-ciel incluant des centres commerciaux de luxe et des palaces, ndlr) fait paraître la Kaaba minuscule à ses côtés et se dresse bien au-dessus de la Mosquée sacrée. Mais il y a aussi le Raffles Makkah Palace ou encore le Makkah Hilton, érigé à l’endroit où se tenait la maison d’Abu Bakr, premier calife et plus proche compagnon du Prophète. D’ici dix ans, une muraille de 130 gratte-ciel viendra toiser la Mosquée sacrée. En Arabie Saoudite, le dieu c’est le béton. Une chose me trouble tout particulièrement : que si peu de musulmans semblent disposés à s’insurger envers cette politique du bulldozer. Ils ne devraient pas s’en prendre à ceux qui dessinent Mohamed et en font des caricatures, mais plutôt à ceux qui ont détruit et effacé la mémoire de leur religion.
 
– Comment ont-ils réagi à votre livre ?
Le royaume saoudien, très mal. Il a d’ailleurs tenté de stopper sa diffusion en Occident. Pour ma part, je suis interdit de séjour en Arabie Saoudite et je ne pourrai jamais remettre les pieds à La Mecque, moi qui y ai travaillé pendant cinq ans. Les autres pays du Golfe ont également banni le livre. Quant aux autres musulmans, ils préfèrent l’ignorer.
 
– Pourquoi ?
La crise que traverse actuellement le monde musulman, Daech, Al Qaîda, la guerre fratricide entre sunnites et chiites, les révoltes, le salafisme (courant sunnite revendiquant un retour à l’islam des origines, ndlr), le djihad… Beaucoup de ces crises sont dues à l’influence des Saoudiens et à leur lecture intégriste, littéraliste de l’islam, par le biais du wahhabisme qui rejette toute divergence ou esprit critique. Ils ont réussi à en faire la vision dominante. Cette doctrine rigoriste, financée à coups de pétrodollars, estime qu’elle est la gardienne de la vérité, du vrai islam. Les Saoudiens sont persuadés que les autres musulmans sont perdus et les Occidentaux des mécréants. C’est, je le répète, une vision radicale, sectaire et violente, qui est celle de l’organisation de l’Etat islamique (EI).
 
– Vous comparez l’Arabie saoudite à l’Etat islamique ?
Les monstres de Daech ont été biberonnés aux idées wahhabites et salafistes saoudiennes. Ils partagent la même conception de l’histoire et de l’islam contemporain. Les Arabes nés dans la Péninsule arabique sont des « purs », les autres sont des soumis, à l’image des travailleurs immigrés, les Noirs des « esclaves », les Asiatiques des « serviteurs », et les Occidentaux de « méchants mécréants ». Voilà un discours aussi dangereux que le djihad déclaré de l’Etat islamique. L’EI est une version plus extrême du régime saoudien. Ce sont les deux faces d’une même pièce de monnaie, sauf que l’EI n’est pas reconnu par la communauté internationale.
 
– Quelle est la solution à ce malaise ?
Le remède est d’ouvrir les esprits, de remonter l’histoire de cette religion et surtout de se mettre à lire le Coran avec la raison et non pas avec la passion. Nous devons nous permettre d’être critiques. Nous interroger sur l’identité musulmane en refusant de réduire cette religion à un ensemble de rituels sacrés et d’interdits.
 

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Ptolémée et Macoraba
par Edouard Broussalian 2019

Le présent essai vise à démontrer que les positions listées par Ptolémée mesurées depuis trois villes repères suivent une progression d’erreur qu’il est possible de circonscrire à l’aide de moyens mathématiques simples. Nous montrerons que la «fuite» observée des positions en fonction de la distance s’intègre dans un cadre statistique. Il devient alors possible de «dilater» la carte pour la faire s’adapter à la géographie réelle de telle sorte que placer Macoraba à La Mecque actuelle reviendrait dès lors à accorder à notre fantaisie des droits supérieurs à la logique. L’approche a
permis ainsi de proposer des positions cohérentes pour environ 120 localités sur la carte d’Arabia Felix dont des lieux fameux comme Tabuk, Najran, Sanaa qui restaient à placer.
Ceci n’est qu’une ébauche qui sollicite non seulement l’indulgence du lecteur mais toute l’aide qu’on pourra lui apporter.
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